Le 20 octobre 2025, en fin d'après-midi, une tornade meurtrière d'intensité modérée (EF2), balaie plusieurs communes du Val-d'Oise, dont Ermont et Eaubonne qui apparaissent les plus sinistrées. Le phénomène provoque le décès d'un ouvrier de chantier après l'effondrement simultané de trois grues. D'autres victimes sont blessées sérieusement. En raison d'un environnement fortement urbanisé, la tornade d'Ermont laisse derrière elle un bilan matériel considérable.
La tornade d'Ermont s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) meurtrier, qui totalise au moins 5 cas pour la journée du 20 octobre 2025, dont la tornade EF0 d'Anglesqueville-la-Bras-Long (Seine-Maritime), la tornade EF0 de Michery (Yonne), la tornade EF0 de Chaumont-en-Vexin (Oise) et la tornade EF1 de Chambley-Bussières (Meurthe-et-Moselle). D'autres phénomènes venteux, qui s'ajoutent à ces tornades, surviennent durant cette même journée entre la Normandie, la Bourgogne et la Lorraine.
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF2, soit des vents estimés entre 175 km/h et 220 km/h
* distance parcourue : 21 kilomètres
* largeur moyenne : 300 mètres (jusqu'à 600 mètres)
* commune(s) traversée(s) : ACHÈRES (ru Gilles Debert) ; LA FRETTE-SUR-SEINE (la Seine, Quai de Seine, Champs Druets) ; CORMEILLES-EN-PARISIS (la Côte Saint-Rémy, les Plans Saint-Denis, rue Aristide-Briand, village, rue Emy-les-Prés, bois des Croles, cimetière) ; FRANCONVILLE (forêt régionale des Buttes du Parisis, chemin d'Argenteuil, la Couture, A15, le Clos Bertin, Cadet de Vaux) ; SANNOIS (les Pavillons) ; FRANCONVILLE (l'Orme-Saint-Edme, A115) ; ERMONT (les Espérances, Petite-Bapaume, les Chênes, les Grésillons) ; SAINT-PRIX (le Gros Noyer) ; EAUBONNE (les Pendants, groupement hospitalier, les Moulinets, le Luat) ; MARGENCY (avenue Georges-Pompidou, groupes scolaires, avenue du 18-Juin, rue Roger-Salengro, Haut Margency) ; MONTLIGNON (rue de Montmorency, Parc de Maugarny) ; ANDILLY (les Rondeaux, route de la Croix-Blanche, le Bel-Air, forêt domaniale de Montmorency) ; MONTMORENCY (bois de la Serve) ; DOMONT (la Croix Blanche) ; PISCOP (les Corvées, bois de Blémur, Blémur, ru de Pontcelles) ; DOMONT (ru de Pontcelles, complexe sportif, avenue de l'Europe) ; PISCOP (Pontcelles) ; ÉZANVILLE (avenue de Verdun, centre, les Allouettes, le Pré Carré) ; ÉCOUEN (Bois Bleu, champs aux Meuniers) ; LE MESNIL-AUBRY (D316, Petit Bois) ; [LE PLESSIS-GASSOT] ; FONTENAY-EN-PARISIS (N104)
* département(s) : YVELINES (78) ; VAL-D'OISE (95)
* altitude moyenne du terrain : 115 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; zones industrielles et commerciales ; extraction de minéraux ; décharges ; espaces verts urbains ; terres arables hors périmètres d'irrigation ; prairies ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants ; forêts de feuillus ; cours et voies d'eau
* principaux dégâts : nombreux arbres arrachés, déracinés ou sectionnés avec projections à distance ; toitures d'habitations arrachées, parfois en totalité ; nombreux bâtiments publics atteints ; voitures déplacées ou retournées ; 3 grues de chantier effondrées ; murailles d'un cimetière écroulées ; mobilier urbain soufflé ; poteaux électriques pliés ou sectionnés ; projections de débris à distance
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
Parcours de la tornade
Un décès, plusieurs blessés sérieux et des dégâts matériels considérables
La tornade d'Ermont du 20 octobre 2025 est issue d'une supercellule de type LT, dont le noyau convectif initial est déjà détecté au large du Finistère avant 6h30 TU (8h30 locales). La structure, qui traverse les régions de l'ouest jusqu'au Bassin Parisien, finit par développer une tornade dans les Yvelines et le Val-d'Oise entre 15h42 TU et 16h03 TU (les caractéristiques de la cellule sont reprises plus bas, dans le paragraphe consacré au contexte météorologique). Fait notable, la tornade EF0 de Chaumont-en-Vexin (Oise) se manifeste presque simultanément (15h38 TU - 15h51 TU).
Les caractéristiques de la tornade d'Ermont du 20 octobre 2025 ont pû être déterminées à l'appui de témoignages, de vidéos, d'un compte-rendu de chasse de Joey Salzmann et d'une enquête de terrain réalisée par Keraunos les 24 et 25 octobre. Dans un environnement majoritairement artificialisé (54% de la trajectoire en intégrant les espaces verts urbains), la tornade parcourt 19 territoires communaux depuis les boucles de la Seine en direction de la plaine de France, via les buttes du Parisis et la vallée de Montmorency, soit une trajectoire totale de 21 kilomètres au sein d'un couloir large de 300 mètres en moyenne (soit un temps de passage d'une durée de 20 secondes pour un point donné). Cette largeur s'accroît considérablement entre l'extrême est de Franconville, Ermont et Eaubonne où l'influence du tourbillon au niveau du sol atteint jusqu'à 600 mètres (soit des vents tornadiques d'une durée maximale de 35 secondes en un point donné, ce qui explique les nombreuses vidéos qui témoignent d'un phénomène relativement long). Compte tenu des dégâts observés à Ermont et à Eaubonne, une intensité maximale EF2 est retenue pour cet événement, avec des rafales estimées proches de 200 km/h. De part et d'autres de cet axe de dégâts significatifs, l'intensité est plus proche du niveau d'intensité EF1/EF1+, notamment à Franconville, Saint-Prix et Margency. Le bilan humain est lourd : 1 mort, 9 blessés sérieux et de nombreuses autres personnes atteintes plus légèrement. Au-delà des dégâts matériels, plusieurs milliers de foyers sont temporairement privés d'électricité et la circulation ferroviaire est momentanément interrompue.
* * *
Bien que de nombreuses branches brisées soient observées en forêt domaniale de Saint-Germain-en-Laye (parcelles n°s 34/64-67/73-75), ainsi qu'au cercle de la Gloire et à l'hippodrome de Maisons-Laffitte, les premiers dégâts explicitement convergents sont identifiés le long du ru Gilles Debert à Achères (département des Yvelines), au SE de la station d'épuration. Un panneau de signalisation est incliné (SSO > NNE), des grilles renversées (O > E) et plusieurs branches de peupliers d'Italie sectionnées (ONO > ESE) au sein d'un couloir large de 100 mètres. Plus loin, le long des berges de la Seine (rive gauche) à la Frette-sur-Seine (Val-d'Oise), plusieurs branches de peupliers sont arrachées. Les mêmes dommages se répètent rive droite, avec des saules ébranchés (SSO > NNE), un peuplier d'Italie déraciné (O > E) et quelques propriétés très faiblement touchées le long du quai (au n°8, un paratonnerre ajouré est incliné dans la direction du NE). Plusieurs cimes d'arbres sont également brisées sur la côte menant aux Champs Druets. Déjà à cet endroit, le couloir de dégâts atteint près de 150 mètres de largeur, mais le phénomène est de très faible intensité (EF0). Il est 17h43 locales.
A Cormeilles-en-Parisis, entre les quartiers de la Côte-Saint-Rémy et des Plans Saint-Denis, plusieurs arbres sont ébranchés ou fendus. A partir du boulevard Clémenceau jusqu'à la rue du Commandant-Kieffer via la rue Aristide-Briand, des dommages sur les toitures s'ajoutent à ceux observés sur la végétation. Il s'agit le plus souvent de faibles portions de couvertures emportées. La bande de terrain atteinte par ces dommages est généralement comprise entre 150 et 200 mètres, ce qui confirme l'évasement du tourbillon qui évolue de l'OSO à l'ENE (240°) tout en gagnant en intensité (EF0+). Arrivée au niveau des buttes du Parisis, la tornade endommage des sépultures dans le cimetière des Moussets, sectionne ou déracine plusieurs arbres dans les bois environnants (notamment aux Croles), ce qui atteste d'un niveau d'intensité ponctuellement EF1.
A Franconville, dans un environnement d'abord escarpé, le tourbillon rejoint la vallée de Montmorency. Les arbres sont régulièrement étêtés ou déracinés, notamment au niveau du stand de tir, des jardins familiaux, du nouveau cimetière et de l'autoroute A15 (la légère inflexion vers l'Est observée dans le pointage des dégâts pourrait être le fait du relief qui a pu influencer le comportement du tourbillon au niveau du sol). Dans ce périmètre, la tornade est filmée pour la première fois :
En contrebas des buttes du Parisis, le tourbillon traverse les quartiers du Clos Bertin et de Cadet de Vaux, toujours à Franconville. Outre la végétation régulièrement endommagée (arbres sectionnés ou déracinés), plusieurs bâtiments publics sont atteints dont l'école maternelle Jules-Ferry (portions de couvertures emportées) ou le centre technique. A Sannois, la tornade frôle le quartier des Pavillons et l'extrémité de l'avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, mais sans dommages sérieux. A l'Orme-Saint-Edme (où l'école élémentaire des Quatre Noyers est touchée) et à la Mare des Noues à Franconville, les toitures endommagées sont de plus en plus nombreuses et les débris généralisés, preuve d'une nouvelle intensification du tourbillon qui atteint désormais le niveau d'intensité EF1 voire EF1+ au sein d'un couloir large de 250 mètres. Lors de la traversée de l'autoroute A115 frontalière avec Ermont, la tornade prend de court les automobilistes qui sont contraints de s'arrêter en raison de chutes d'arbres. L’une des vidéos disponibles à cet endroit précis montre la circulation rapide d’un tourbillon particulièrement étroit, immédiatement suivi d’une séquence venteuse durable et qui devient la principale menace pour les automobilistes, en raison de la circulation de nombreux projectiles :
A Ermont, la tornade atteint le niveau d'intensité EF2, avec des dégâts généralisés dans de nombreux immeubles situés dans le périmètre de l'avenue de l'Europe. Il est alors 17h48 locales. L'évasement du tourbillon est spectaculaire, avec une largeur comprise entre 300 et 500 mètres. Des baies vitrées sont descellées ou brisées, des chéneaux arrachés, des portions de couvertures en zinc emportées à distance, du mobilier urbain soufflé. De nombreux projectiles dégradent les murs, quand certains d'entre eux n'y sont pas fichés. Entre la rue Maldegem et la rue du 18-Juin, le phénomène prend une tournure dramatique en provoquant l'effondrement de 3 grues de chantier destinées à la reconstruction de l'Institut Médico-Éducatif d'Ermont. Un apprenti conducteur de travaux de 23 ans perd la vie et plusieurs autres personnes présentes sur le chantier sont blessées sérieusement. Neuf secondes suffisent pour provoquer l’effondrement des trois grues : la première tombe sur le toit de l’IME (S > N), immédiatement suivie de la deuxième qui endommage l'un des bâtiments en travaux (SO > NE), entraînant dans sa chute la troisième (SO > NE) qui s’encastre dans un immeuble d’habitation situé rue du 18-Juin :
Alors que le phénomène s’évase encore en prenant la direction d’Eaubonne (jusqu’à 600 mètres de largeur), les dégâts sont généralisés dans les quartiers de la Petite Bapaume, des Chênes et des Grésillons : arbres arrachés (parfois à leur base) ou déracinés, poteaux électriques (bois ou béton) sectionnés ou abattus, toitures d’habitations arrachées partiellement ou parfois totalement, cheminées effondrées, vitres brisées, mobilier de jardin soufflé, voitures déplacées et parfois projetées, multiples projections à distance. Unanimes, les témoins interrogés ont craint pour leur vie : « J’ai vu la mort venir. En l’espace de quelques secondes, j’ai cru que c’en était fini pour ma famille et moi. » Toujours à Ermont, les murailles du vieux cimetière s’écroulent sur une longueur de 70 mètres et de nombreuses sépultures sont détruites. Parmi les bâtiments municipaux touchés, figurent la maison de quartier des Espérances, l'accueil de loisirs Victor-Hugo, la maison des Arts, le complexe sportif Renoir, le gymnase Victor-Hugo, les crèches des Gibus et Ermont-Savoie, l'école Victor-Hugo 2. A la gare Gros-Noyer-Saint-Prix, les usagers présents sur les quais, et piégés par la tornade, parviennent à éviter les nombreux projectiles qui auraient pu leur être fatal :
En poursuivant sa route vers l'ENE (240°), la tornade, toujours très large (jusqu'à 500 mètres), frôle le quartier du Gros Noyer à Saint-Prix, et conserve une intensité significative (EF2) dans tout le nord d'Eaubonne (les Pendants, groupement hospitalier, les Moulinets, le Luat) où les dommages sont identiques à ceux observés dans les quartiers pavillonnaires d'Ermont (notamment autour de la route de Saint-Leu). Toute la plaine du Luat jusqu'au bassin des Moulinets - où se concentrent de nombreux équipements sportifs et de plein air - est dévastée. De très nombreux arbres sont arrachés ou sectionnés, avec des projections de branches à distance.
A Margency, la tornade produit principalement des dommages entre le collège de Bury, les écoles et le Haut Margency. Il est 17h51 locales. Tout en se rétrécissant (largeur moyenne plus proche de 300 mètres), le tourbillon diminue également en intensité (EF1+ puis EF1), même si certains dégâts sont encore localement spectaculaires (SDIS, école maternelle, bibliothèque, centre de loisirs, espace Gilbert Bécaud où un pan de toiture est arraché, école élémentaire Antoine-de-Saint-Exupéry). Plusieurs bâtiments perdent encore une partie de leur toiture le long de la rue Roger-Salengro, mais aucune toiture n'est arrachée en totalité. Le site de l'hôpital d'Enfants est également touché. Dans le Haut Margency, les dégâts sur les propriétés sont nettement moins remarquables, mais de nombreux arbres sont atteints jusqu'au cimetière.
Après avoir frôlé l'extrême sud de Montlignon (route de Montmorency, Parc de Maugarny) où les dommages sont peu importants, la tornade progresse en direction de la forêt domaniale de Montmorency au relief escarpé. A Andilly, du nord de l'agglomération jusqu'au quartier du Bel-Air, quelques propriétés sont atteintes, dont un refuge animalier où le toit, les murs et la porte de la salle de stockage sont arrachés. Dans la forêt proprement dite, la végétation est ponctuellement touchée dans la parcelle n°218 (Montlignon/Andilly), les parcelles n°216-217 (Andilly), la parcelle n°236 (Montmorency), autour de la route Stratégique et du Collège Saint-Pie X (Domont) et les parcelles n°229-231/234-235 (Piscop). Comme lors de la traversée des buttes du Parisis, il semble que le relief ait joué un rôle dans le comportement du tourbillon, avec des dégâts plus diffus au sein d’un couloir moins net (100 à 250 mètres en moyenne). Les coupes rases menées récemment dans plusieurs parcelles traversées par la tornade (notamment les n°236 et 235) peuvent aussi expliquer la raréfaction des dommages, faute d’indicateurs suffisants.
Après avoir traversé la forêt de Montmorency, la tornade prend la direction de la plaine de France. Il est 17h54 locales. Le chasseur d’orage Joey Salzmann, positionné au nord d’Ecouen, parvient à intercepter la supercellule entre la forêt de Montmorency et le Mesnil-Aubry. Il y observe une masse rotative évasée et délimitée par un faible rideau de précipitations. A Piscop, outre les dégâts observés en forêt, la tornade endommage plusieurs propriétés à Blémur, notamment une exploitation agricole. Le tourbillon prend ensuite la direction du ru de Pontcelles (arbres arrachés) et du complexe sportif (commune de Domont). Des éléments de couverture des tribunes du stade des Fauvettes sont en partie tordus ou arrachés, et des équipements endommagés (clôtures, éclairage). Dans le quartier voisin ainsi que le long de l’avenue de l’Europe (Domont), tout comme au nord de Pontcelles (Piscop), les mêmes dommages se répètent : arbres arrachés ou déracinés, quelques propriétés atteintes. Ces dégâts relèvent d’une intensité durablement EF1.
A Ezanville, la tornade traverse le centre de la commune, puis les quartiers des Allouettes et du Pré Carré jusqu’à l’avenue du Maréchal-Foch frontalière avec Ecouen. Les dégâts sont encore notables localement : portions de couverture emportées, tôles arrachées, arbres déracinés ou sectionnés. Selon les dommages observés, l’intensité reste proche des échelons EF0+ ou EF1 et la largeur du tourbillon voisine de 250 à 300 mètres. Il est 17h57 locales.
A Ecouen, après avoir endommagé des arbres dans le bois Bleu, le tourbillon arrache des filets de protection dans une parcelle d’arbres fruitiers. Au sud du Mesnil-Aubry, et à proximité des carrières du Plessis-Gassot (le site n’a pas pu être exploré), des branches d’arbres sont encore arrachées le long de la D316. L’aspect de plus en plus diffus des dommages semble annoncer un net affaiblissement du phénomène, confirmé par les échos radar et par les observations sur le terrain de Joey Salzmann. D’ultimes branches sont retrouvées autour de la N104 à Fontenay-en-Parisis, avant une dissipation définitive du phénomène autour de 18h03 locales.
Photographies des principaux dommages :
Analyse de la situation météorologique
La tornade d’Ermont s’est formée au sein d’un flux rapide et perturbé, piloté par un minimum d’altitude en position sur l’Angleterre, et dynamisé par l’entrée d’une branche de jet sur l’ouest de la France. Ce jet, de secteur ouest à nord-ouest à 250 hPa (vers 10.000 mètres d’altitude), présente une portion plus fortement divergente sur le nord du pays de manière générale, et notamment aux abords de l’Ile-de-France en cours d’après-midi (cf. la carte de réanalyse ci-dessous à gauche). L’ensemble est associé à des advections d’air froid à l’étage moyen, avec des températures qui atteignent -20 à -21°C à 500 hPa près de la Manche et de la Mer du Nord, et jusqu’au Bassin parisien (cf. ci-dessous à droite).
Dans le même temps, au sol, une dépression bien creuse (981 hPa à 12h TU) évolue sur le sud de l’Angleterre. Elle véhicule de l’air assez doux et bien humidifié en basses couches, d’origine tropicale, sur la majeure partie du pays (thêta'w souvent > 12°C à 850 hPa, ci-dessous à droite).
L’ensemble génère des profils verticaux instables, comme l’illustre le reforecast réalisé avec le modèle WRF-ARW en résolution 3 km, initialisé sur les conditions ERA5 : les valeurs de MUCAPE (ci-dessous à gauche) oscillent généralement entre 400 et 700 J/kg du Centre à la Normandie et de l’Ile-de-France à la Lorraine, avec des indices de soulèvement de -2 à -3 K. En plus d’être instable, l’environnement est également fortement cisaillé, en lien avec la pénétration d’un jet de basses couches de secteur SO sur les régions du nord-ouest. Ainsi, en Ile-de-France, les vents modérés de secteur S au sol sont surplombés par des vents de SO qui excèdent 70 km/h dès 500 mètres d’altitude (ci-dessous à droite).
Conséquemment, une forte disponibilité en hélicité de basses couches est constatée durant tout l’après-midi sur la moitié nord du pays, avec une SRH 0-1 km qui dépasse parfois 200 m²/s², soit un niveau qui peut supporter la formation de phénomènes tourbillonnaires (ci-dessous à gauche). Cet élément est corroboré par la réaction du Significant Tornado Parameter (STP, ci-dessous à droite), qui présente des valeurs certes relativement modestes (généralement comprises entre 0,5 et 1), mais de manière durable et sur une zone géographique étendue.
Une reconstitution du profil vertical pour le Val-d’Oise le 20 octobre à 17h45 locales a été réalisée sur la base des données d'observation et de réanalyse (ci-dessous à gauche). Il confirme la présence de basses couches douces et bien humidifiées (LCL à 288 mètres et LFC à 714 mètres, avec CIN marginale de -30 J/kg), surplombées par une circulation d'air modérément sec à l’étage moyen. LA SBCAPE et la MUCAPE s’établissent à 675 J/kg sur ce profil.
L'hodographe présente pour sa part une structure bien étirée et incurvée dans sa partie basse, typique des environnements fortement cisaillés en basses couches. Les valeurs de SRH sont plus particulièrement significatives entre le sol et 1 km d’altitude (197 m²/s² sur 0-500 m et 229 m²/s² sur 0-1000 m) ; au-delà, elle se maintient entre 250 et 270 m²/s² (sur 0-2 et 0-3 km).
Ces éléments confirment un environnement propice à une convection profonde pouvant évoluer jusqu’à l’orage, avec risque associé de phénomènes tourbillonnaires.
Ce potentiel de tornade a pu être constaté en temps réel grâce à l'outil de profilage de Keraunos. Cet outil permet de reconstituer les profils verticaux sur l'ensemble de la France, toutes les 6 minutes, sur la base des données d'observation en temps réel et des données de modèles à très courte échéance et à haute résolution. Les résultats sont disponibles en quelques minutes et permettent un suivi en direct des risques météorologiques.
Le graphique ci-dessous présente les résultats des diagnostics d'instabilité, d'hélicité et de potentiel tornadique effectués le 20 octobre, toutes les 6 minutes, entre 16h00 et 18h00 locales, pour les environs d’Achères (Yvelines). On note la présence durable d’un fort potentiel tornadique sur la zone pendant les deux heures qui ont précédé la formation de la tornade, avec notamment un STP en permanence supérieur à 1 jusqu’à la formation et au passage de la tornade à 17h41 sur ce secteur. Ce type d’observation constitue un critère d’alerte, qui avait conduit à une surveillance particulière des cellules orageuses évoluant dans cette région.
Analyse de la cellule orageuse
L’analyse des images radars montre que la cellule orageuse qui a produit la tornade d’Ermont trouve sa source une dizaine d’heures plus tôt au sud-ouest du Finistère, dans l’océan Atlantique. Un embryon de cellule convective est en effet identifiable dès l’aube dans les environs de 46°N 6°W ; celui-ci évolue dans le flux général de sud-ouest et entre sur le territoire français par Quiberon (11h00 locales) puis par le Golfe du Morbihan (11h20 locales). La cellule est de petite dimension mais connaît déjà périodiquement une activité assez forte (réflectivités > 50 dBZ).
Au cours des heures qui suivent, elle transite successivement sur l’Ille-et-Vilaine, la Mayenne, le nord de la Sarthe, le sud-est de l’Orne, avant de longer les frontières nord de l’Eure-et-Loir.
A partir de 16h00, alors qu’elle évolue déjà depuis plus de 5 heures de département en département, avec une trajectoire terrestre qui dépasse déjà 300 km, la cellule aborde un environnement de plus en plus instable et cisaillé. Elle se renforce et commence à générer une activité électrique à hauteur de Dampierre-sur-Avre (Eure-et-Loir) ; ces premiers éclairs sont détectés à 16h19min58sec.
Désormais orageuse, la cellule s’intensifie très nettement au cours des minutes qui suivent et sa structure évolue rapidement pour adopter une organisation supercellulaire de type LT (« Low Topped », ou à sommets bas). Un noyau de très fortes réflectivités se constitue (> 60 dBZ) tandis que la cellule pénètre dans le département des Yvelines (16h55). Son transit dans les Yvelines est marqué par une activité électrique qui tend à s’intensifier, tout en restant essentiellement intranuageuse ; au total, en 1h30, cette supercellule produira 290 éclairs.
L’animation radar ci-dessous montre l’évolution de la cellule orageuse durant sa phase la plus active, et notamment durant sa phase tornadique dans le Val-d’Oise :
C’est à partir de 17h20 que les images des radars Doppler mettent en évidence un renforcement du mésocyclone et une accélération de la rotation associée, entre Crespières et Morainvilliers. La cellule poursuit alors sa route vers le nord-est, à vitesse constante, et continue à présenter de fortes réflectivités radar ainsi qu’un dipôle de vitesses radiales large, sur le flanc sud du système. La rotation s’accélère encore et la supercellule finit par entrer en phase tornadique à 17h42, sur la commune d’Achères, peu de temps avant de franchir la frontière départementale du Val-d’Oise.
Les images radar ci-dessous montrent la cellule à 17h45, au moment où elle s’apprête à balayer Franconville et Ermont. On note la présence d’un noyau de fortes réflectivités au nord du dipôle de vitesses radiales, ce qui témoigne d’une structure générale de type classique à cet instant ; le RFD tendra ensuite à prendre de l’ampleur et à envelopper de plus en plus nettement le mésocyclone, notamment après 17h52, heure à partir de laquelle la tornade se trouve graduellement dissimulée par d’importants rideaux de pluie.
Après 21 minutes de phase tornadique, le mésocyclone s’occlut totalement et la circulation rotative se dissipe en quelques minutes, mettant un terme à la phase de forte activité de la cellule. Celle-ci perd ses caractéristiques supercellulaires vers 18h05, avant de poursuivre sa route dans l’Oise sous la forme d’un petit amas convectif d’intensité modérée.
Prévision de l'épisode
Le contexte météorologique de ce 20 octobre était identifié comme propice aux tornades.
Le bulletin de prévision des orages émis par Keraunos le 20 octobre à 8h mentionnait d’ailleurs ce risque, avec un niveau de risque plus sensible entre autres sur le Val-d'Oise et l'Oise : "Dans le même temps, les averses se multiplieront également sur les autres régions, avec des intensités plus marquées et un risque d'orage plus significatif de la Bretagne aux Hauts-de-France. Sur ces régions, en cours d'après-midi et de soirée, les orages pourront être localement porteur de grésil, de rafales de vent > 70 km/h et de pluies abondantes. Des phénomènes tourbillonnaires pourraient également parvenir à se former sur ces régions. [...] La convection pourra s'organiser en lignes et isolément en amorces supercellulaires LT, avec risque associé de fortes pluies, rafales > 70 km/h et phénomènes tourbillonnaires isolés."
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