Tornade EF1 à Chambley-Bussières (Meurthe-et-Moselle) le 20 octobre 2025

La tornade de Chambley-Bussières, qui se manifeste vers 20h TU (22 heures locales), est issue d'une supercellule de type LT d'une grande longévité. Initiée dans le secteur de Challans (Vendée) peu avant 10h30 TU, la cellule traverse les agglomérations de Cholet (Maine-et-Loire, 11h30 TU) puis de Saumur (Maine-et-Loire, 12h20 TU) tout en présentant des réflectivités modérées (50 dBz). En Indre-et-Loire, au terme d'un affaiblissement temporaire, la cellule se restructure nettement à partir de la région tourangelle (13h10 TU). Ces caractéristiques perdurent dans tout le département du Loir-et-Cher, avec un système mature et dont l'intensité est significative (jusqu'à 150 mm/h voire au-delà). Du Loiret à l'Yonne, puis de l'Yonne à l'Aube (14h20 - 18h05 TU), un noyau persistant est observé, avec des réflectivités parfois fortes (près de 60 dBz), une inflexion vers le Nord (240°) et une forte réalimentation sur le flanc ouest. Il faut attendre 18h10 TU (sud de la Marne) pour observer des caractéristiques supercellulaires durables, avec un système structuré et marqué par de fortes réflectivités (> 60 dBz dans le département de la Meuse entre 18h45 TU et 19h50 TU). En Meurthe-et-Moselle (20h TU), alors qu'une tornade balaie le territoire de Chambley-Bussières, la supercellule poursuit sa progression vers le NE (240°), puis traverse le nord de Metz (Moselle, 20h25 TU), avant d'atteindre la frontière à Guerstling (21h TU) et de poursuivre sa route en Allemagne où elle persiste encore durant la nuit.

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A l'appui d'une enquête de terrain réalisée par Valentin Severin, Anthony Leclercq et Marianon Duchalet (Le Républicain Lorrain), un axe de dégâts convergents d'un parcours total de 7,2 kilomètres est identifié entre le hameau de Bussières (Meurthe-et-Moselle) et la forêt domaniale des Hauts de Gorze (Moselle). Les premiers dégâts certains sont aperçus à l'est de la SCEA du Gué, où quelques branches sont brisées entre l'exploitation agricole et la rue de la Haie-Fleurie. Le tourbillon traverse ensuite tout un tronçon de la rue du Gué (dans son orientation OSO-ENE) où aucune propriété n'est épargnée. Au n°2, un arbre est sectionné (OSO > ENE) et des portions de couverture (tuiles) emportées, tout comme au n°4. Un mur de lierre est également arraché, ainsi que le faîtage d'un mur de clôture. Dans la parcelle faisant face, plusieurs grosses branches d'arbres sont arrachées (SSE > NNO à SO > NE). Dans la propriété suivante (n°6, EARL DELAFONT), le tourbillon produit les premiers dégâts structurels sur des bâtiments. Le toit en appentis d'un espace de stockage (ouvert côté rue) est en grande partie emporté. Certaines tôles sont transportées à plusieurs centaines de mètres de distance. Dans la continuité de ce premier bâtiment, un petit abri (qui offrait une grande prise au vent) est balayé par le tourbillon, et la végétation contiguë touchée. Le logis, dont la toiture supporte des panneaux photovoltaïques, n'est que très faiblement endommagé. Les derniers bâtiments qui ferment la propriété au NE sont également atteints : la plupart des tôles bac acier qui recouvrent les toitures sont repliées, arrachées ou emportées par la tornade (des éléments de charpente sont également atteints). On retrouve certaines tôles à plus de 500 mètres de là. Dans une prairie qui fait face au n°6, plusieurs arbres sont déracinés, dont un conifère (SO > NE) et un arbre mort (ONO > ESE). La maison voisine (n°3) et deux garages perdent plusieurs rangées de tuiles (SO > NE). Au n°8, plusieurs portions de couvertures sont emportées et les toits mis à découvert. Les panneaux photovoltaïques installés tiennent bon, mais les tuiles situées sous les installations sont aspirées, ce qui provoque des dommages collatéraux. Les habitants interrogés évoquent un phénomène soudain, avec un "bruit de tremblement de terre". « Ça a fait une déflagration comme si un avion s’était crashé », témoigne une habitante. « L’isolation des combles est ressortie par la VMC et le salon de jardin a disparu, envolé ! » raconte un autre.

Après avoir brisé quelques branches aux n°5-9 (SSO > NNE), la tornade quitte la rue du Gué et prend la direction de la D13. Elle traverse un vaste terrain clôturé par de nombreux arbres. L'un des deux hangars (construit sur pieux) perd l'essentiel de sa couverture en tôles ondulées (on en retrouve de l'autre côté de la D13). De nombreux arbres sont ébranchés, arrachés ou sectionnés, selon un sens de chute caractéristique : S > N à SSO > NNE en périphérie sud du couloir ; ONO > ESE majoritairement en périphérie nord. Ces dégâts se répètent jusqu'au niveau de la D13 (conifères ou feuillus).

Dans des parcelles cultivées situées au NE de la D13, le parcours de la tornade est perceptible grâce à la disposition caractéristique des nombreux débris de branches et de tôles éparpillés dans la parcelle dite de Poirier Lemaire. Dans un bosquet situé au NE de Poirier Lemaire, puis dans le bois de Rechelles à Rezonville-Vionville (Moselle), la tornade ébranche ou arrache plusieurs arbres au sein d'un couloir large de 60 à 100 mètres (comme à Bussières). Toujours en direction du NE - malgré quelques inflexions probablement causées par le relief - le tourbillon traverse une parcelle boisée à Gorze (Haie Lessiotte), puis de nouveau à Rezonville-Vionville (Varangineau, Pontoux), enfin se dissipe à l'entrée de la forêt domaniale des Hauts de Gorze (Gorze) où on en perd la trace.

La tornade de Chambley-Bussières est classée en intensité EF1, en raison des dommages observés sur certains bâtiments et des projections à distance parfois notables (tôles et branches).

Photographies des principaux dommages : 

La tornade de Chambley-Bussières s’est formée au sein d’un flux rapide et perturbé, piloté par un minimum d’altitude en position sur l’Angleterre, et dynamisé par l’entrée d’une branche de jet sur l’ouest de la France. Ce jet, de secteur ouest à nord-ouest à 250 hPa (vers 10.000 mètres d’altitude), présente une portion plus fortement divergente sur le nord du pays de manière générale, et notamment sur un grand quart nord-est du pays en fin de journée (cf. la carte de réanalyse ci-dessous à gauche). L’ensemble est associé à des advections d’air froid à l’étage moyen qui se propagent de la Normandie jusqu'à la Lorraine, avec des températures qui atteignent -19 à -21°C à 500 hPa (cf. ci-dessous à droite).

Dans le même temps, au sol, une dépression bien creuse (981 hPa à 12h TU) évolue sur le sud de l’Angleterre. Elle véhicule de l’air assez doux et bien humidifié en basses couches, d’origine tropicale, sur la majeure partie du pays (thêta'w souvent > 12°C à 850 hPa, ci-dessous à droite).

L’ensemble génère des profils verticaux instables, comme l’illustre le reforecast réalisé avec le modèle WRF-ARW en résolution 3 km, initialisé sur les conditions ERA5 : en soirée, les valeurs de MUCAPE (ci-dessous à gauche) oscillent généralement entre 400 et 700 J/kg de la Normandie à la Lorraine, avec des indices de soulèvement de -2 à -3 K. En plus d’être instable, l’environnement est également fortement cisaillé, en lien avec la pénétration d’un jet de basses couches de secteur SO sur toute la moitié nord du pays (ci-dessous à droite).

Conséquemment, une forte disponibilité en hélicité de basses couches est constatée en soirée de la Bretagne et du Centre jusqu'aux frontières belges et allemandes, avec une SRH 0-1 km qui dépasse parfois 250 m²/s², soit un niveau qui peut supporter la formation de phénomènes tourbillonnaires (ci-dessous à gauche). Cet élément est corroboré par la réaction du Significant Tornado Parameter (STP, ci-dessous à droite), qui présente des valeurs certes relativement modestes (généralement comprises entre 0,5 et 1), mais de manière durable et sur une zone géographique étendue.

Les images radar ci-dessous montrent la cellule à 22h00, lors de sa phase tornadique. On note la présence d’un dipôle de vitesses radiales bien structuré et très net au coeur du système convectif, qui associe alors plusieurs cellules ; celles-ci évoluent de part et d'autre d'une structure supercellulaire centrale stable et durable.

Le contexte météorologique de ce 20 octobre était identifié comme propice aux tornades.

Le bulletin de prévision des orages émis le 20 octobre à 8h mentionnait d’ailleurs ce risque, avec un niveau de risque plus sensible entre autres sur le Val-d'Oise et l'Oise : "Dans le même temps, les averses se multiplieront également sur les autres régions, avec des intensités plus marquées et un risque d'orage plus significatif de la Bretagne aux Hauts-de-France. Sur ces régions, en cours d'après-midi et de soirée, les orages pourront être localement porteur de grésil, de rafales de vent > 70 km/h et de pluies abondantes. Des phénomènes tourbillonnaires pourraient également parvenir à se former sur ces régions. [...] La convection pourra s'organiser en lignes et isolément en amorces supercellulaires LT, avec risque associé de fortes pluies, rafales > 70 km/h et phénomènes tourbillonnaires isolés."