Le 21 juillet 2025, en fin de matinée, une tornade de faible intensité (EF1) est observée entre le nord de Tours (Indre-et-Loire) et Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher), via Rochecorbon, Vouvray, Vernou-sur-Brenne, Chançay, Nazelles-Négron, Pocé-sur-Cisse, Limeray, Mosnes et Rilly-sur-Loire. Le phénomène se développe au sein d'une supercellule de type LT, à l'origine de dégâts venteux durables (mais parfois interrompus) qui sont observés le long d'un parcours certain de 165 kilomètres entre l'Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret. Après analyse des dommages, au moins deux couloirs distincts de dégâts convergents sont observés entre Tours et Cour-Cheverny, ce qui permet de comptabiliser deux tornades pour cet épisode. Cette conclusion peut être amenée à évoluer, en raison de territoires difficiles d'accès et qui n'ont pas tous pu être enquêtés.
La tornade de Tours s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 3 cas pour la journée du 21 juillet 2025, dont la tornade EF0 de Chitenay (Loir-et-Cher) et la tornade EF0 de Frémécourt (Val-d'Oise) survenue en début d'après-midi.
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF1, soit des vents estimés entre 135 km/h et 175 km/h
* distance parcourue : 36 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 150 mètres
* commune(s) traversée(s) : TOURS (Monconseil, aéroport de Tours-Val de Loire) ; ROCHECORBON (Champ Long, le Petit Vaudanière, la Planche, Vallée des Caves) ; VOUVRAY (le Grand Ormeau, le Cassoir) ; VERNOU-SUR-BRENNE (route de Vaugondy) ; CHANÇAY (la Robinière) ; NAZELLES-NÉGRON (Vaubrault, rue des Tonneliers) ; POCÉ-SUR-CISSE (route des Vallées, village, D1) ; LIMERAY (D1, la Hidaine) ; MOSNES (la Barre, chemin de la Garenne, rue de la Picardière) ; RILLY-SUR-LOIRE (le Pressoir Blineau, les Arcis, le Plessis, le Meunet) ; CHAUMONT-SUR-LOIRE (le Clos Chevet, Vesnon, les Brosses, bois des Chambres)
* département(s) : INDRE-ET-LOIRE (37), LOIR-ET-CHER (41)
* altitude moyenne du terrain : 90 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; zones industrielles et commerciales ; aéroports ; terres arables hors périmètre d'irrigation ; vignobles ; prairies ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants ; forêts de feuillus ; forêt et végétation arbustive en mutation ; cours et voies d'eau
* principaux dégâts : arbres ébranchés, arrachés ou sectionnés à mi-hauteur ; plusieurs propriétés atteintes (portions de couvertures emportées, clôtures et gouttières arrachées, objets déplacés, mobilier de jardin emporté) ; couvertures en tôles arrachées ; bâtiments agricoles atteints ; voitures endommagées ; projections à distance (branches et objets divers)
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
Parcours de la tornade
Une supercellule LT d'une durée de vie de plus de 5 heures
La supercellule LT ("Low Topped", voir la situation météorologique) à l'origine de cet épisode tornadique est issue d'un amas convectif que l'on peut déjà observer à l'est de Nantes (Loire-Atlantique) à 5h00 TU (7h00 locales). Une demi-heure plus tard, un noyau périphérique - qui présente des réflectivités de plus en plus marquées - se distingue progressivement de cet amas convectif, tout en se déplaçant vers l'ENE. Lors de la traversée du département du Maine-et-Loire, la cellule désormais à maturité semble adopter une transition supercellulaire au NNE de Saumur (7h15 TU), avec le développement d'un mésocyclone sur son flanc ouest. Evoluant toujours en direction de l'ENE, la structure supercellulaire se renforce encore à l'approche de l'agglomération tourangelle (8h10 TU) en devenant brièvement orageuse ; la rotation qu'elle imprime est visible sur le radar Doppler de Bourges, avec la présence d'un dipôle de vitesses radiales caractéristique. De 8h22 TU (début de la première tornade) à 9h37 TU (fin de la seconde tornade), la rotation persiste, même si on observe un affaiblissement temporaire de la structure dans le secteur de Cour-Cheverny, avant une nette réintensification au sud de Tour-en-Sologne dès 9h40 TU. Ces variations régulières d'état rythment ensuite le cycle de vie de la supercellule, avec des pics d'intensité notables (Chaon-Villemurlin, 10h50-11h10 TU ; la Bussière-Feins-en-Gâtinais, 11h40-11h50 TU) qui coïncident avec des dégâts venteux observés. Après 12h35 TU, dans l'ouest de l'Yonne, la supercellule se déstructure progressivement, avant d'être reprise dans un nouvel amas convectif qui se développe vers 13h TU dans la région d'Auxerre. La trajectoire parcourue par cette supercellule représente ainsi près de 260 km, pour une vitesse de déplacement relativement lente (48 km/h en moyenne).
Au moins 36 kilomètres parcourus pour la première tornade de Tours
Les caractéristiques de la tornade de Tours ont pu être identifiées à l’appui de vidéos, de témoignages et d’une enquête de terrain réalisée par l’Association Météo Centre-Val de Loire. Des secteurs plus isolés ont par ailleurs pu être parcourus grâce à une actualisation des données Google Street View (juillet et août 2025) entre Rochecorbon et Chançay. Les informations recueillies ne permettent toutefois pas de prolonger la trajectoire au-delà de Chaumont-sur-Loire pour cette première tornade, avant une reprise des dommages convergents au nord-est d’Ouchamps (12 km à l’est) et liés à la seconde tornade de Chitenay.
Avant l’aéroport de Tours, des témoignages évoquent déjà un vent violent à Saint-Cyr-sur-Loire. Mais les premiers dégâts certains attribuables au phénomène débutent dans le quartier tourangeau de Monconseil, où on observe une toiture endommagée au niveau d’une galerie commerciale. La tornade prend ensuite la direction de l’aéroport de Tours-Val de Loire, où elle a pu être filmée. Le tourbillon, bien constitué, présente une largeur assez significative (100 à 150 m) et semble se manifester à la limite du rideau de précipitations, en périphérie OSO de la cellule (similitudes avec la tornade EF2 d’Ermont du 20 octobre). Les dégâts restent limités : tôles arrachées, voitures endommagées, arbres ébranchés. On note toutefois qu’un élagueur, présent dans une nacelle à proximité d’un arbre, subit directement le passage de la tornade. Il s’en sort indemne, après avoir été vivement secoué. Ces dommages relèvent très ponctuellement du niveau d’intensité EF1- en raison de quelques projections à distance.
La vidéo montrant le phénomène depuis l'aéroport permet de distinguer une rotation cyclonique ainsi que des projections de branches et de débris :
En poursuivant vers l’ENE (260°), la tornade traverse successivement Rochecorbon, Vouvray, Vernou-sur-Brenne et Chançay. Pour cette première commune, les toitures de plusieurs habitations sont endommagées (notamment à Champ Long) avec des dommages continus jusqu’à la vallée des Caves. Pour les 3 suivantes, les dégâts sont plus ponctuels et faibles (EF0) mais restent documentés pour prolonger la trajectoire (le Grand Ormeau, le Cassoir, route de Vaugondy, la Robinière).
De Noizay à Nazelles-Négron, la multiplicité des témoignages et des dommages semblent coïncider avec une légère accentuation du phénomène (EF0+). Les descriptifs sont unanimes : « masse sombre tourbillonnante », « vent violent de quelques secondes » juste après de fortes pluies. Les habitations sont peu atteintes dans l’ensemble, mais on observe des clôtures en partie détruites, des arbres endommagés et des projections de branches à distance.
Dès Pocé-sur-Cisse, puis à Limeray, Mosnes et Rilly-sur-Loire (Loir-et-Cher pour cette commune), les dommages sur la végétation se généralisent, avec de nombreux arbres arrachés ou sectionnés, et des tranchées progressivement visibles en forêt. Plusieurs propriétés sont atteintes, avec des portions de couvertures emportées et des projections à distance (à Pocé-sur-Cisse, au château de la Barre à Mosnes, à la ferme du Plessis à Rilly-sur-Loire où deux tentes de campeurs ont été détruites) et plusieurs rues de ces mêmes territoires sont touchées. Ce type de dommages relève d’un niveau d'intensité EF1 durable. A Rilly-sur-Loire, le phénomène est de nouveau filmé selon des caractéristiques proches de celles observées à Tours, avec toutefois une délimitation moins nette et l’impression d’une masse plus évasée :
A l’est de Rilly-sur-Loire puis à Chaumont-sur-Loire, les dégâts sont moins significatifs ; on note encore quelques dommages sur des propriétés et sur une partie du bois des Chambres. Au-delà, il n’est pas possible de prolonger la trajectoire, sans preuve de dégâts convergents entre Valaire, Monthou-sur-Bièvre et le nord d'Ouchamps. La trajectoire certaine est ainsi limitée à 36 kilomètres pour cette première tornade, valeur remarquable même si elle a déjà été observée à plusieurs reprises dans cette région.
Photographies des principaux dommages :
Analyse de la situation météorologique
Les tornades de Tours et de Chitenay se sont formées au sein d'un flux fortement cylonique, lié au passage d'un minimum d'altitude sur l'Angleterre. La goutte froide associée (-19°C à 500 hPa) s'est prolongée jusqu'au centre de la France sous la forme d'un thalweg thermique bien prononcé (ci-dessous à droite). L'ensemble a transité sur le flanc nord d'une branche de jet alors positionnée sur la moitié sud de la France (ci-dessous à gauche).
Le maintien d'un air doux et très humide en basses couches (thêta'w proches de 15°C à 850 hPa, ci-dessous à gauche) a généré des profils de masse d'air instables, avec ponctuellement jusqu'à 1.000 J/kg de MUCAPE dès le matin sur la région Centre, avec des MULI proches de -3 K (ci-dessous à droite).
Une reconstitution du profil vertical pour les environs de Tours (Indre-et-Loire) le 21 juillet à 11h locales a été réalisée sur la base des données d'observation et de réanalyse (ci-dessous à gauche). Il confirme la présence de basses couches saturées en humidité (jusqu'à 2.000 mètres d'altitude environ), surplombées par une circulation d'air nettement plus sec aux étages moyens et supérieurs. L'instabilité résultante est modérée et favoralement répartie en profondeur, avec une MUCAPE de 900 J/kg et un MULI de -3,1 K.
L'hodographe présente pour sa part une structure étirée et incurvée en basses couches, typique des environnements fortement cisaillés près du sol. Les valeurs de SRH excèdent 130 m²/s² sur 0-1 km, et 150 m²/s² sur 0-2 km et 0-3 km, soit des niveaux propices à la formation de phénomènes tourbillonnaires, sous réserve d'une instabilité suffisante.
Il est par ailleurs à noter que le potentiel de tornade a pu être identifié en temps réel grâce à l'outil de profilage de Keraunos. Cet outil permet de reconstituer les profils verticaux sur l'ensemble de la France, toutes les 6 minutes, sur la base des données d'observation en temps réel et des données de modèles à très courte échéance et à haute résolution. Les résultats sont disponibles en quelques minutes et permettent un suivi en direct des risques météorologiques.
Le graphique ci-dessous présente les résultats des diagnostics d'instabilité, d'hélicité et de potentiel tornadique effectués le 21 juillet, toutes les 6 minutes, entre 07h00 et 09h00 TU (09h00 et 11h00 locales), pour les environs de Tours, en Indre-et-Loire. On note la présence d'un fort pic de potentiel de tornade à 08h24 TU, soit au moment du passage de la tornade sur ce secteur.
Les deux images radar ci-dessous montrent en détail la structure de la cellule orageuse lors de son passage sur la commune de Tours. L'image Doppler (à droite) met bien en évidence la zone de rotation associée à cette supercellule LT, avec présence d'un dipôle de vitesses radiales caractéristique.
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