Le 21 juillet 2025, en fin de matinée, une tornade de très faible intensité (EF0), traverse une partie de la Sologne, et touche plus particulièrement le territoire de Chitenay (département du Loir-et-Cher). Le phénomène se développe au sein d'une supercellule de type LT, à l'origine de dégâts venteux durables (mais parfois interrompus) qui sont observés le long d'un parcours certain de 165 kilomètres entre l'Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret. Après analyse des dommages, au moins deux couloirs distincts de dégâts convergents sont observés entre Tours et Cour-Cheverny, ce qui permet de comptabiliser deux tornades pour cet épisode. Cette conclusion peut être amenée à évoluer, en raison de territoires difficiles d'accès et qui n'ont pas tous pu être enquêtés.
La tornade de Chitenay s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 3 cas pour la journée du 21 juillet 2025, dont la tornade EF1 de Tours (Indre-et-Loire) et la tornade EF0 de Frémécourt (Val-d'Oise) survenue en début d'après-midi.
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF0, soit des vents estimés entre 105 km/h et 135 km/h
* distance parcourue : 9,8 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 100 mètres
* commune(s) traversée(s) : LE CONTROIS-EN-SOLOGNE ([OUCHAMPS : route de Seur]) ; CHITENAY (les Grands Vaux, route de Fougères, les Montillets) ; CORMERAY (route de Cheverny) ; CHEVERNY (route de Cormeray, l'Orme) ; COUR-CHEVERNY (l'Orme)
* département(s) : LOIR-ET-CHER (41)
* altitude moyenne du terrain : 93 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; équipements sportifs et de loisirs ; terres arables hors périmètre d'irrigation ; vignobles ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants ; forêts de feuillus ; forêts de conifères
* principaux dégâts : arbres ébranchés ou arrachés avec projection de petites branches à distance ; quelques propriétés touchées (faibles portions de couvertures emportées, tuiles délogées, mobilier de jardin atteint) ; bâtiments agricoles endommagés ; un séchoir à tabac en grande partie démoli
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
Parcours de la tornade
Une supercellule LT d'une durée de vie de plus de 5 heures
La supercellule LT ("Low Topped", voir la situation météorologique) à l'origine de cet épisode tornadique est issue d'un amas convectif que l'on peut déjà observer à l'est de Nantes (Loire-Atlantique) à 5h00 TU (7h00 locales). Une demi-heure plus tard, un noyau périphérique - qui présente des réflectivités de plus en plus marquées - se distingue progressivement de cet amas convectif, tout en se déplaçant vers l'ENE. Lors de la traversée du département du Maine-et-Loire, la cellule désormais à maturité semble adopter une transition supercellulaire au NNE de Saumur (7h15 TU), avec le développement d'un mésocyclone sur son flanc ouest. Evoluant toujours en direction de l'ENE, la structure supercellulaire se renforce encore à l'approche de l'agglomération tourangelle (8h10 TU) en devenant brièvement orageuse ; la rotation qu'elle imprime est visible sur le radar Doppler de Bourges, avec la présence d'un dipôle de vitesses radiales caractéristique. De 8h22 TU (début de la première tornade) à 9h37 TU (fin de la seconde tornade), la rotation persiste, même si on observe un affaiblissement temporaire de la structure dans le secteur de Cour-Cheverny, avant une nette réintensification au sud de Tour-en-Sologne dès 9h40 TU. Ces variations régulières d'état rythment ensuite le cycle de vie de la supercellule, avec des pics d'intensité notables (Chaon-Villemurlin, 10h50-11h10 TU ; la Bussière-Feins-en-Gâtinais, 11h40-11h50 TU) qui coïncident avec des dégâts venteux observés. Après 12h35 TU, dans l'ouest de l'Yonne, la supercellule se déstructure progressivement, avant d'être reprise dans un nouvel amas convectif qui se développe vers 13h TU dans la région d'Auxerre. La trajectoire parcourue par cette supercellule représente ainsi près de 260 km, pour une vitesse de déplacement relativement lente (48 km/h en moyenne).
Près de 10 kilomètres parcourus pour la seconde tornade de Chitenay
Les caractéristiques de la tornade de Chitenay ont pu être identifiées à l’appui de nombreux témoignages et d’une enquête de terrain réalisée par l’Association Météo Centre-Val de Loire. Après une reprise des dommages convergents au nord-est d’Ouchamps (12 km à l’est des derniers dégâts certains liés à la première tornade de Tours), les informations recueillies ne permettent pas de prolonger la trajectoire au-delà de Cour-Cheverny pour cette seconde tornade. La distance parcourue atteint ainsi 9,8 kilomètres, pour une largeur moyenne estimée à 100 mètres. Les dégâts observés relèvent d'une intensité EF0.
La reprise des dommages au nord-est d'Ouchamps s'accompagne du témoignage d'un sinistré situé aux Grands Vaux à Chitenay : "C’est arrivé entre 11h15 et 11h30, il y a d’abord eu un déluge de pluie suivi par un très fort vrombissement. J’ai vu des branches et des feuilles s’envoler et toujours ce bruit... [...]". Dans son exploitation, un séchoir à tabac (structure en bois) est en grande partie détruit par la tornade. En continuant vers l'ENE, le tourbillon traverse la rue de Fougères à Chitenay, après avoir parcouru plusieurs parcelles boisées où de nombreuses branches sont arrachées. Plusieurs propriétés sont faiblement atteintes : petites portions de couvertures emportées, arbres arrachés ou fendus, branches emportées à faible distance, clôtures endommagés, objets légers déplacés.
A Cormeray, les mêmes dommages se répètent, notamment dans le périmètre de la route de Cheverny où quelques toitures sont touchées. A Cheverny, une exploitation agricole est touchée près de la route de Cormeray. Les pompiers doivent intervenir pour bâcher deux bâtiments et enlever le bardage d’un troisième. Dans le quartier de l'Orme frontalier avec Cour-Cheverny, plusieurs propriétés sont encore touchées à l'intersection de la route de Romorantin et de la rue de l'Argonne.
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Au-delà de Cour-Cheverny et jusque dans le sud-est du Loiret, des incertitudes demeurent quant à la nature du ou des phénomènes observé(s), avec des dégâts sur de la végétation au nord-ouest de Saint-Viâtre, puis au sud de Villemurlin, enfin au nord de Feins-en-Gâtinais. Ces dommages sont à mettre en rapport avec plusieurs phases de renforcement de la supercellule, qui coïncident avec l’observation d’un dipôle de vitesses radiales parfois notable.
Photographies des principaux dommages :
Analyse de la situation météorologique
Analyse complète disponible sur la page consacrée à la tornade EF1 de Tours
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Les tornades de Tours et de Chitenay se sont formées au sein d'un flux fortement cylonique, lié au passage d'un minimum d'altitude sur l'Angleterre. La goutte froide associée (-19°C à 500 hPa) s'est prolongée jusqu'au centre de la France sous la forme d'un thalweg thermique bien prononcé (ci-dessous à droite). L'ensemble a transité sur le flanc nord d'une branche de jet alors positionnée sur la moitié sud de la France (ci-dessous à gauche).
Le maintien d'un air doux et très humide en basses couches (thêta'w proches de 15°C à 850 hPa, ci-dessous à gauche) a généré des profils de masse d'air instables, avec ponctuellement jusqu'à 1.000 J/kg de MUCAPE dès le matin sur la région Centre, avec des MULI proches de -3 K (ci-dessous à droite).
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