Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF2 à Sonnac (Charente-Maritime) le 16 septembre 2015

Le mercredi 16 septembre 2015, entre 16h15 et 17h05 locales, une tornade d’intensité modérée (EF2) frappe 25 communes de la Saintonge et de l’Angoumois. En Charente-Maritime, les dégâts les plus spectaculaires sont observés entre Migron et Sonnac, où le hameau du Liboreau apparaît le plus sinistré.
 
Le phénomène, qui a été vu et filmé par un grand nombre de témoins, a parcouru une trajectoire extraordinaire de 70,5 kilomètres, ce qui constitue à ce jour la deuxième plus longue distance parcourue par une tornade en France, après la tornade EF4 de Saint-Claude (Jura) du 19 août 1890.

Précisons également que la tornade de Sonnac traverse plusieurs territoires communaux déjà touchés par une tornade dans le passé. C'est le cas de Matha (3 juillet 1975) et de Haimps (14 novembre 1982).
 
Enfin, la tornade de Sonnac s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 3 cas pour la journée du 16 septembre 2015, dont la tornade EF1 de Courtenay (Loiret) et la tornade EF1 de Jandun (Ardennes).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade EF2 de Sonnac (17) du 16 septembre 2015* intensité maximale : EF2 soit des vents estimés entre 175 et 220 km/h
* distance parcourue : 70,5 kilomètres
* largeur moyenne : 70 mètres (très rares dégâts périphériques)

* communes traversées : CHANIERS (rue des Bergeronnettes) ; LA CHAPELLE-DES-POTS ; SAINT-CÉSAIRE (village de vacances) ; SAINT-BRIS-DES-BOIS (vallée du Coran, la Drouillarderie) ; VILLARS-LES-BOIS (les Maines, village) ; MIGRON (la Cabourne, la Tâche) ; MONS (Romefort) ; PRIGNAC (les Boliviers, les Trois Renards) ; THORS (parc de loisirs) ; MATHA (le Goulet) ; SONNAC (le Liboreau, les Grandes Versennes) ; HAIMPS (bois de Frêneau) ; MASSAC (Bosse Grenée, la Garenne) ; BEAUVAIS-SUR-MATHA (la Grande Pièce, rue de la Garde, chemin de Trotte-Chien) ; BAZAUGES (la Grande Vallée) ; RANVILLE-BREUILLAUD (les Grands Champs) ; BARBEZIÈRES (Bois Brégaud) ; LUPSAULT (Piguenit, les Marais Commun) ; SAINT-FRAIGNE (la Conche, la Potence, village, la Couture) ; ÉBRÉON (Baunac) ; SOUVIGNÉ (le Balzac, le Village) ; COURCÔME (la Vieille Garenne) ; RAIX (sud) ; COURCÔME (les Bourbons) ; LA FAYE (les Plans) ; CONDAC (la Leigne)
* départements : CHARENTE-MARITIME (17) ; CHARENTE (16)
* altitude moyenne du terrain : 80 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; terres arables hors périmètre d'irrigation ; vignobles ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; forêts de feuillus

* principaux dégâts : arbres feuillus ou conifères, parfois d'une circonférence importante, déracinés ou brisés ; projections de branches à distance ; pieds de vignes couchés et effeuillés ; toitures de longères ou d'habitations rurales arrachées en partie ou en totalité (projections de débris à distance) ; toiture de l'église de Villars-les-Bois endommagée ; plusieurs chais éventrés et cuves endommagées ; constructions bâties en dur éventrées et charpente détruite ; pylônes électriques en béton pliés ; tôles emmenées à très grande distance (jusqu'à 2,5 kilomètres) ; oiseaux retrouvés morts

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte: Géoportail
 
© Keraunos (fond de carte: Géoportail)
 

Une tornade photographiée et filmée

Axel Guibourg a réalisé des clichés exceptionnels de cette tornade. Il était alors positionné au nord de Sonnac (Charente-Maritime) avec vue directe vers le sud, sur le hameau du Liboreau (commune de Sonnac). Ces photographies montrent donc la tornade au moment où elle a présenté son intensité maximale. L'analyse des clichés et des vidéos permet de définir une rotation cyclonique :
 
 © Axel GUIBOURG
 
La tornade a également été photographiée depuis la commune de Thors (cliché diffusé via Sud-Ouest) :
 

Des vidéos ont également été réalisées par plusieurs témoins :
 
 
 

Une trajectoire extraordinaire de 70,5 kilomètres

En complément des vidéos, des photographies et des nombreux témoignages reçus, une enquête de terrain a été menée par Keraunos pour cette tornade. 

C’est une tornade parfaitement délimitée, positionnée à l’extrémité sud d’une ligne de grains, qui s’est constituée à l’est de Saintes, en Charente-Maritime, vers 16h15 locales. Le phénomène, caractérisé par un cône renversé bien net et très resserré sur la partie inférieure, produit ses premiers dommages à l’extrême nord de la commune de Chaniers.

Selon une trajectoire de l’Ouest/Sud-Ouest vers l’Est/Nord-Est, la tornade traverse presque en ligne droite 25 communes charentaises, avant de s’évanouir peu après les boucles de la Charente, au sud-est de Ruffec, vers 17h05 locales. Tout au long du parcours de la tornade, le phénomène est vu et filmé par de nombreux témoins : depuis Cherves-Richemont, Thors, Siecq, Chives, Aigre ou Rouillac, la tornade a pu être observée parfois à plus de dix kilomètres de distance.  

Tout au long du parcours de la tornade, les dégâts sont concentrés au sein d’un couloir étroit, compris entre 30 et 100 mètres, très rarement davantage. Nous notons par ailleurs que la tornade subit une légère inflexion avant son entrée en Charente, avant de poursuivre selon son sens de déplacement initial.

Compte tenu de la ruralité des lieux, la tornade produit l’essentiel des dégâts sur des parcelles cultivées ou dans des bois. Les arbres frappés par le tourbillon, parfois centenaires et d’une grande circonférence, sont ébranchés, couchés ou brisés net et leurs branches projetées à une certaine distance. Dans les vignobles des Fins Bois de Cognac, les ceps, solides et bien enracinés, sont couchés et effeuillés à Prignac, Matha, Thors et Sonnac. Ailleurs dans les champs, les parcelles cultivées et non fauchées, moins résistantes, sont détruites.

Ponctuellement, la tornade traverse plusieurs agglomérations rurales. L’habitat charentais traditionnel y est constitué de longères ou des constructions basses en pierres des champs réputées solides. C’est à Sonnac, hameau du Liboreau, que les dégâts sont les plus spectaculaires. Plusieurs de ces constructions sont éventrées et certains éléments de charpentes emmenés à distance. Les toitures des habitations, quant à elles, sont arrachées en tout ou partie. Des tôles de hangars sont projetées à très grande distance (jusqu'à 2,5 kilomètres) et certaines d'entre elles achèvent leur course sur des troncs d’arbres autour desquels elles s’enroulent. Des pylônes électriques en béton sont pliés à la base. En revanche, aucun véhicule n’est déplacé ou retourné par la tornade. On observe également des cadavres d'oiseaux, morts étouffés ou en raison de projections de bris.  

D’autres dégâts sur des habitations ou des exploitations agricoles sont observés à Chaniers, la Chapelle-des-Pots, Saint-Césaire, Saint-Bris-des-Bois, Villars-les-Bois, Migron (nord), Prignac (sud), Thors (nord), Matha (le Goulet), Sonnac (le Liboreau), Beauvais-sur-Matha, Saint-Fraigne, Souvigné et la Faye (les Plans). Plusieurs chais sont détruits et les cuves renversées par le vent.

En moyenne, les dommages observés sur la trajectoire de la tornade relèvent de l’intensité EF0 ou EF1. Mais ponctuellement entre Migron et Sonnac, et plus particulièrement au hameau du Liboreau, l’intensité EF2 est retenue sur la base des dégâts constatés sur les bâtiments les plus atteints. Les vents sont estimés voisins de 200 km/h sur ce secteur. Partout ailleurs, les rafales ont fréquemment oscillé entre 120 et 160 km/h, ponctuellement davantage. 
 
Malgré l'étroitesse du tourbillon, la tornade de Sonnac a maintenu un contact au niveau du sol sur une trajectoire continue et inhabituelle de 70,5 kilomètres, soit la plus longue recensée à ce jour en France après la tornade EF4 de Saint-Claude (Jura) du 19 août 1890, qui avait parcouru 81 kilomètres entre la France et la Suisse.
 
* * *
 
Photographies des dégâts les plus représentatifs de la tornade de Sonnac :    

A
1    Dégâts sur le hameau du Liboreau : constructions en dur éventrées ou effondrées avec la charpente
2    Dégâts sur le hameau du Liboreau : constructions en dur éventrées ou effondrées avec la charpente
3    Dégâts sur le hameau du Liboreau : aperçu d'une longère endommagée. Au premier plan, débris de toitures, vitres d'un véhicule brisées et saule couché
4    Dégâts sur le hameau du Liboreau : chais dévasté et cuves endommagées
5    Dégâts sur le hameau du Liboreau : toiture d'une longère arrachée
6    Dégâts sur le hameau du Liboreau : toiture d'une construction arrachée et murs supérieurs écrêtés
7    Aperçu d'une parcelle de vignoble atteinte : les ceps sont couchés et effeuillés
8    Illustration d'un arbre soufflé par la tornade ; débris accrochés autour du tronc ou dans des branches
9    Cadavres d'oiseaux, partiellement déplumés pour certains
10    Dégâts sur un hangar industriel, au nord de la commune de Migron (les tôles ont été projetées à grande distance)
11    Dégâts sur la végétation entre Massac et Beauvais-sur-Matha
12    Dégâts aux Plans, commune de la Faye : champ de maïs couché, arbres fruitiers couchés et mur en palissade partiellement abattu
 
Une série de clichés a été réalisée par Nicolas Suanez à l'aide d'un drone. Ils montrent bien l'étroit couloir qu'a suivi la tornade, ainsi que le détail du flux rotatif généré au sol par le tourbillon :

 

Analyse de la cellule convective à l'origine de la tornade

La tornade de Sonnac s'est formée à l'extrémité sud d'un système convectif linéaire qui s'est organisé au large de la Gironde vers 14h locales. A partir de 15h30, une cellule convective active commence à se dessiner de manière autonome en bout de ligne, à l'approche de l'estuaire de la Gironde. Dotée de réflectivités de plus en plus fortes, celle-ci entre sur les terres de la Charente-Maritime à 15h45 et développe dans le quart d'heure qui suit une structure radar en crochet.
 
Ce crochet s'accentue fortement entre 16h00 et 16h15, ce qui trahit une rotation de plus en plus intense de la cellule convective. Celle-ci entre en phase tornadique peu après avoir balayé la commune de Saintes, aux environs de 16h15.
 
Les fortes réflectivités se maintiennent alors durablement au sein de cette cellule, tandis que la tornade, positionnée en bordure sud/sud-est du système, poursuit son transit en direction de la Charente. Elle se dissipe à l'est de Ruffec, vers 17h05, au moment où la queue de ligne présente une déstructuration rapide.
 
La tornade est donc restée au sol pendant une durée remarquable de 50 minutes, avec une vitesse de transit de 85 km/h. Les caractéristiques physiques du phénomène, ainsi que les éléments visuels et radars analysés, tendent à plaider en faveur d'une tornade mésocyclonique, liée à une structure convective qui s'apparente à une supercellule LT. Ceci n'est en soi pas remarquable, dans la mesure où l'extrémité sud des lignes convectives est connue pour être favorable à la formation de telles supercellules, généralement bien distinctes du système multicellulaire qui circule immédiatement au nord.  Cette position en bordure sud est propice aux tornades en raison de la forte accentuation des cisaillements dans cette portion des systèmes linéaires, et du flux entrant optimal que l'on y trouve.
 
La position de la tornade en bordure sud de la ligne convective est bien identifiable sur l'animation ci-dessous.
 
Animation radar (données Météo France) du 16 septembre 2015, entre 15h45 et 17h30 locales. La trajectoire suivie par la tornade est indiquée en flèches de couleur noire. © KERAUNOS
 

Aspect visuel de la cellule tornadique

Nicolas Suanez a pu photographier la cellule orageuse lorsqu'elle était en phase tornadique à hauteur de Saint-Fraigne.  On distingue un rideau de précipitations (à gauche) relativement dense et immédiatement à droite, dans les courants ascendants, l'entonnoir correspondant à la tornade.
 
     
© Nicolas Suanez - Cliché de la cellule orageuse avec tornade vue au niveau de Saint-Fraigne et image radar de 16h45 locales
 
 

Analyse des conditions météorologiques

L'analyse des données de la station Météo-France de Tusson, située à environ 2 km au sud de la trajectoire suivie par la tornade, montre par ailleurs qu'après un premier passage orageux en matinée, les vents ont pivoté au secteur sud-est jusqu'à l'arrivée de l'orage. L'orage a ainsi profité d'un inflow favorable de l'ordre de 30 à 40 km/h.

Au passage de l'orage, une rafale de vent à 72 km/h a été relevée sur la station avec rotation brutale et définitive des vents au secteur ouest/sud-ouest. Ceci confirme la forte convergence de basses couches associée au passage de la ligne orageuse à l'origine de la tornade.
 
Comme le montre le champ ci-dessous à gauche, issu du modèle WRF 13 km Europe, un très rapide flux sud-ouest est en position ce mercredi 16 septembre 2015 sur la France, en altitude, à l’avant d’un thalweg très dynamique qui approche par l’Atlantique. Le département de la Charente-Maritime et ses environs se trouvent dans une configuration de sortie gauche d'une rapide de jet (jet streak) pointant à près de 250 km/h vers 10.000 m d'altitude. Conjointement, à l'étage moyen, un thalweg thermique bien dessiné circule du Golfe de Gascogne en direction du Poitou et de la Bretagne (ci-dessous à droite) :


La circulation simultanée d'une onde de hautes valeurs de thêta en basses couches sur le sud-ouest du pays (advections d'air chaud et humide) a contribué à instabiliser les profils tout en accentuant les cisaillements de vent dans les premiers kilomètres de l'atmosphère. Le modèle simule ainsi une MUCAPE supérieure à 1000 J/kg et un MULI de -5K sur la zone :


Le profil vertical constitué sur la base du radiosondage effectué par ballon-sonde à Bordeaux, à 13 heures locales, est présenté ci-dessous. Il s'agit du profil atmosphérique le plus proche temporellement et spatialement de la formation de la tornade. On remarque une instabilité assez marquée et des cisaillements particulièrement forts, qui corroborent les diagnostics des modèles :

 
* MUCAPE de 1.001 J/kg
* MLCAPE de 560 J/kg
* MULI de -5 K
* MLLI de -3 K
* LCL à 1635 mètres
* EL situés à 8.863 mètres
* SRH 0-1 km élevée de 208 m²/s²
* SRH 0-3 km très élevée de 535 m²/s²
 
   
  

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