Observatoire français des tornades et orages violents

Automne 2014 : une instabilité et une activité orageuse exceptionnelles

L'automne 2014 est l'un des plus orageux et des plus instables à l'échelle nationale depuis les années 1940. Tornades, grêle et très fortes pluies ont ponctué ces 3 mois.

 
 
Orage en Bourgogne le 8 septembre 2014 - Nicolas Gascard
Orage en Bourgogne en début d'automne - Nicolas Gascard
 

 

L'automne le plus instable en France depuis 65 ans

Durant ces trois mois d'automne, la France a connu des températures anormalement chaudes. L'excédent thermique de l'automne 2014 avoisine 2°C, faisant de cet automne 2014 le deuxième le plus chaud depuis un siècle, derrière l'automne 2006.
 
Ce constat d'excédent thermique se répercute au niveau de l'instabilité de la masse d'air. A l'échelle nationale, cet automne 2014 est le deuxième plus instable derrière l'automne 1949, qui conserve sa première place. L'écart à la normale atteint +195% sur le Roussillon (soit près de 3 fois la valeur normale). Globalement, l'écart dépasse +100% sur une bonne moitié ouest et sud-est de la France (soit le double de la normale). Il n'y a qu'à l'est d'une ligne Le Havre - Dijon - Annecy que l'écart se réduit un peu autour de +70 à +90%. Sur la Haute-Corse, l'écart n'est que de +68%, ceci s'expliquant par le fait que l'île de Beauté a souvent été concernée par une masse d'air sec, en première moitié d'automne surtout.
 
Au niveau des contenus en eau précipitable, l'anomalie est également positive mais on ne note pas d'excédent exceptionnel. L'écart à la normale est homogène sur la France, variant entre +10 et +20%.
 
Anomalie de MUCAPE sur la France durant l'automne 2014          Anomalie d'eau précipitable sur la France durant l'automne 2014
Anomalies de MUCAPE (instabilité) à gauche et d'eau précipitable (à droite)
 
 

Des orages anormalement fréquents et intenses dans le sud-est

Sur les trois mois d'automne, la France compte 62 jours d'orage. 27 jours ont été comptabilisés sur l'Hérault, le Gard et le Var, soit un jour sur trois avec orage, ce qui est remarquable en cette saison.
 
Par rapport à la moyenne 2009-2013, c'est sur le département de l'Hérault que l'anomalie est la plus marquée puisqu'on note un excédent de 18 jours. L'excédent est également important sur le Gard (+13 jours), l'Aveyron (+11 jours) et le Var (+9 jours). A contrario, malgré un mois de novembre bien orageux, le déficit est très prononcé sur la Corse-du-Sud (-10 jours).
 
La fréquence de l'activité orageuse a été globalement plus élevée que la moyenne 2009-2013 à l'est d'un axe Pyrénées-Lorraine. Sur la moitié nord-ouest du pays, les orages ont été généralement moins fréquents.
 
Enfin, les orages se sont souvent révélés forts à violents autour de la Méditerranée. Le Gard comptabilise 10 jours avec orage fort, l'Aude en compte 8, l'Hérault et le Var 7.
 
 
Nombre de jours avec orage durant l'automne 2014          Ecart à la moyenne 2009-2013 du nombre de jours avec orage durant l'automne 2014
Nombre de jours d'orage (à gauche) et écart à la moyenne 2009-2013 à droite
 
 
Nombre de jours avec orage fort durant l'automne 2014          Nombre de jours avec orage violent durant l'automne 2014    Nombre de jours avec orage extrême durant l'automne 2014
Nombre de jours d'orage fort, violent et extrême durant l'automne 2014
 
 
 
Si l'on considère l'indice de sévérité orageuse (I.S.O.) moyen de cet automne, le score ressort à 2,17, soit une valeur se positionnant juste devant celle de l'automne 2013 (2,09) - (cf. graphe ci-dessous à gauche).
L'ensemble de l'automne a été ponctué par des périodes très orageuses, durant la deuxième quinzaine de septembre, la mi-octobre et au milieu de chaque décade de novembre (cf. graphe ci-dessous à droite).
 
ISO moyens de chaque automne depuis 2009            ISO quotidiens de l'automne 2014
Indice de sévérité orageuse moyens saisonniers (à gauche) et indices de sévéirté orageuse quotidiens durant l'automne 2014 (à droite)
 
 
 

De nombreux phénomènes intenses : 22 tornades et de fréquentes inondations

Les phénomènes orageux ont été particulièrement nombreux durant cet automne 2014.
C'est le nombre de tornades qui revêt un caractère particulièrement remarquable puisque 22 cas ont été recensés, d'intensité EF0 à EF2. Les phénomènes tourbillonnaires ont été très fréquents près de la Méditerranée et du Poitou à la Basse-Normandie en passant par la Bretagne et le Nord-Pas de Calais. Quelques cas ponctuels sont par ailleurs enregistrés dans le Centre ou entre Bourgogne et Franche-Comté.
 
Les fortes chutes de grêle (> 2 cm) ont été surtout marquantes en première moitié d'automne. Certaines chutes ont même excédé 5 cm de diamètre entre Var et Alpes-Maritimes.
 
Les rafales convectives (> 90 km/h) se sont pour leur part concentrées autour d'un seul épisode notable : le 21 octobre, du nord au nord-est de la France.
 
Enfin, le nombre de lames d'eau importantes ou générant des inondations s'est avéré exceptionnel autour de la Méditerranée, du Roussilon au Languedoc et à PACA.
 
 
Les phénomènes tourbillonnaires recensés en France à l'automne 2014 - © KERAUNOS    Les phénomènes convectifs recensés en France à l'automne 2014 - © KERAUNOS
Tornades et autres phénomènes convectifs recensés en France à l'automne 2014
 
  
 

Une succession exceptionnelle d'épisodes méditerranéens

Entre la mi-septembre et la fin novembre, de nombreux épisodes méditerranéens se sont succédé. D'intensité variable, ils ont la plupart du temps engendré des inondations significatives sur le Languedoc-Roussillon, la Provence, la Côte-d'Azur ou la Corse. Au moins dix personnes ont trouvé la mort dans des inondations parfois catastrophiques durant cet automne. On se souviendra notamment de la catastrophe de Lamalou-les-Bains, ou des inondations meurtrières dans le Var fin novembre.
 
A plusieurs reprises, ces épisodes orageux très pluvieux ont débordé bien au-delà du domaine méditerranéen. L'épisode des 3 et 4 novembre 2014 s'est étendu jusqu'en val de Saône par exemple, l'épisode des 26 et 27 novembre a quant à lui débordé jusqu'au nord de l'Aveyron et du Tarn.
 
Au cours de ces trois mois, plusieurs vagues orageuses successives ont concerné les CévennesSur l'Ardèche, les cumuls de pluie relevés durant l'automne sont exceptionnels. Cet automne se classe ainsi parmi les automnes les plus pluvieux de ces dernières décennies. Mais les zones de plaine n'ont pas été épargnées, loin de là. Ni même les grandes agglomérations puisque la ville de Montpellier a été fortement touchée le 29 septembre (300 mm de pluie en quelques heures). Quelques jours plus tard, les 9 et 10 octobre, c'est la région de Nîmes qui a été frappée par un système orageux stationnaire, générant là encore des lames d'eau remarquables, supérieures à 350 mm.
 
C'est le mois suivant, en novembre, que Nice a été concernée par une activité pluvio-orageuse intense. Ainsi, le record quotidien de précipitations pour un mois de novembre a été battu sur la ville le 4 novembre avec 159,7 mm. Dans la foulée, l'aéroport de Nice a enregistré le mois le plus pluvieux (tous mois confondus) depuis l'ouverture de la station.
 
 

Une anomalie climatique ?

Quelles raisons peuvent expliquer ces épisodes pluvio-orageux à répétition ? De fait, il s'avère que si l'on considère les trois mois de l'automne météorologique, la circulation synoptique à l'échelle européenne et même au-delà est restée anormalement figée.
 
En moyenne, sur ces trois mois, les hautes pressions ont persisté de l'Europe centrale à la Scandinavie de manière quasi-permanente avec une très forte anomalie anticyclonique (bloc de hauts géopotentiels sur la carte présentée ci-dessous à gauche). D'autre part, une dorsale anticyclonique a fréquemment évolué vers des latitudes septentrionales au large de Terre-Neuve.
Entre les deux, les basses pressions n'ont eu d'autre choix que de glisser vers l'Europe de l'ouest et le bassin méditerranéen. Bloquées par les deux cellules anticycloniques, ces systèmes dépressionnaires pilotés par un courant-jet plongeant vers la Méditerranée ont favorisé les dégradations successives. On notera sur la carte ci-dessous à gauche une anomalie dépressionnaire marquée sur le proche Atlantique générant de fait des flux de sud fréquents en direction des côtes méditerranéennes françaises.
 
D'autre part, un dynamisme atmosphérique fréquemment propice aux développements orageux a dominé durant les trois mois. Les vents à 300 hPa, à dominante sud-ouest, ont été anormalement virulents du Maroc à l'Espagne et à l'ouest de la France (anomalie de +3 à +4 m/s). Les régions méditerranéennes se sont très souvent retrouvées positionnées en entrée droite de jet, configuration favorisant les fortes ascendances synoptiques et donc les développements orageux.
 
 
Anomalie des géopotentiels à 500 hPa durant l'automne 2014    Anomalie des vents à 300 hPa durant l'automne 2014
Anomalie des géopotentiels à 500 hPa (à gauche) et des vents à 300 hPa (à droite)
 
 
Les deux cartes ci-dessous présentent l'anomalie de MULI (instabilité de la masse d'air) et de la température à 850 hPa (vers 1.500 mètres d'altitude) durant l'automne 2014.
Au niveau de la température de la masse d'air, la carte ci-dessous à droite met clairement en évidence une anomalie positive de l'ordre de 2°C sur le sud de la France. Cet automne, parmi les plus doux des 100 dernières années au sol, a été aussi excessivement chaud vers 1.500 m d'altitude (altitude standard pour l'analyse générale des basses couches de l'atmosphère).
Conséquence de cette douceur excessive, le bassin méditerranéen et plus largement l'Europe de l'ouest ont été soumis à une masse d'air extrêmement instable avec une anomalie de MULI de -3K.
 
 
 
Anomalie des MULI durant l'automne 2014   Anomalie des températures à 850 hPa durant l'automne 2014
Anomalie des MULI (à gauche) et des températures à 850 hPa (à droite)
 
 
Basses pressions permanentes, fort dynamisme atmosphérique, masse d'air bien plus chaude, bien plus humide et bien plus instable que la normale expliquent cette série remarquable d'épisodes orageux diluviens dans le sud-est de la France. Plus que l'intensité des épisodes, c'est la persistance de ce régime de temps durant trois mois qui s'avère exceptionnel