Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Arvert (Charente-Maritime) le 3 novembre 2014

Le 3 novembre 2014, vers 21 heures locales, une tornade de faible intensité (EF1) traverse la presqu'île d'Arvert (Charente-Maritime) sur une trajectoire d'au moins 8 kilomètres. Fait rare, le phénomène a pu être enregistré par deux anémomètres situés dans la zone d'influence directe de la tornade.
 
La tornade d'Arvert s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées), qui totalise 4 cas pour les journées des 3 et 4 novembre 2014 (24 heures glissantes), dont la tornade EF1 de Busigny (Nord), la tornade EF1 de Robersart (Nord) et la tornade EF1 de Martigues (Bouches-du-Rhône).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade EF1 d'Arvert (17) du 3 novembre 2014* intensité maximale : EF1 soit des vents estimés entre 135 et 175 km/h
* distance parcourue : 8 kilomètres (distance minimale reconnue à ce jour)
* largeur moyenne : 200 mètres (localement, des aspirations périphériques de 300 mètres sont observées)

* communes traversées : LES MATHES (route de la Fouasse, les Charmettes, le Maine, le Néré, le Fief Traversit) ; ARVERT (D141, la Champagne, chemin des Baudits, la Bataille, les Romanes, Bellevue) ; ÉTAULES (Prise de la Sause, les Grandes Roches)
* département : CHARENTE-MARITIME (17)
* altitude moyenne du terrain : 15 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu, équipements sportifs et de loisirs, terres arables hors périmètres d'irrigation, systèmes culturaux et parcellaires complexes, forêts de feuillus, forêts de conifères, marais maritimes

* principaux dégâts : arbres feuillus (noyers, peupliers) déracinés ou brisés net ; conifères couchés ou sectionnés à mi-hauteur ; projection de branches à faible distance ; habitations endommagées (antennes pliées, toitures faiblement endommagées, tuiles propulsées à distance) ; un mur de clôture renversé ; abris de jardin endommagés ou déplacés ; plusieurs parcelles de champs de maïs touchées ; un noyer dont la cime a été traînée sur une faible distance ; tôles de toitures de cabanes ostréicoles arrachées ; poteau électrique (basse tension) couché
 
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

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© Keraunos (fond de carte : Géoportail)

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 
 
NB : même si un premier contact au sol est établi au niveau de la route de la Fouasse (commune des Mathes), on ne peut exclure que la tornade ait affecté auparavant la forêt de la Coubre. Néanmoins, aucun dommage explicite n'a pu être mis en évidence dans cette zone forestière. Concernant la fin de la trajectoire, une incertitude demeure dans la mesure où la tornade a survolé une zone de marais très pauvre en obstacles susceptibles d'être endommagés. De fait, quelques dommages ont été relevés dans les communes de Nieulle-sur-Seudre et de Saint-Sornin mais, même si les dommages sont globalement situés dans le même axe que celui suivi par la tornade, aucun élément ne permet de considérer avec certitude que la tornade était encore en contact ferme avec le sol au-delà du dernier point indiqué sur les cartes ci-dessus. La trajectoire certaine retenue est donc de 8 kilomètres.
 

De la forêt de la Coubre à l'estuaire de la Seudre

Une enquête de terrain a été réalisée pour KERAUNOS par Stéphane Pereira, ainsi que par Lionel Dégremont.
 
Les relevés de dommages permettent d'attester d'un phénomène de tornade sur une trajectoire de 8 kilomètres, comprise entre la forêt domaniale de la Coubre et l'estuaire de la Seudre. Le phénomène, large de 200 mètres en moyenne, s'est déplacé du sud-ouest vers le nord-est.
 
Les premières traces de la tornade se manifestent le long de la route de la Fouasse, commune des Mathes. Aux abords du camping des Pins de la Coubre, quelques arbres sont couchés ou ébranchés. La tornade, qui contourne la commune par le nord-ouest et le nord, survole plusieurs aires de camping et quelques rues habitées, sans toutefois provoquer de dégâts significatifs. 

Entre les Mathes et Arvert, la tornade traverse plusieurs parcelles de champs de maïs. Au Fief Traversit, un axe de convergence a pu être clairement identifié dans une parcelle située en bordure nord-ouest du couloir. Jusqu'aux abords d'Arvert, plusieurs parcelles sont touchées et les épis couchés vers le nord, sur une bande de terrain large de 150 à 200 mètres au total.

La tornade touche ensuite l'est d'Arvert, dont plusieurs quartiers habités. Les dégâts se concentrent sur une bande de terrain de 200 mètres de large, localement plus de 300 mètres en raison d'importantes aspirations périphériques. Dans cette commune, les dommages relèvent d'une intensité EF1 : arbres feuillus (noyers, peupliers) déracinés ou brisés net, projection de branches à faible distance, habitations endommagées (antennes pliées, toitures faiblement endommagées, tuiles propulsées à distance), un mur de clôture renversé, plusieurs abris de jardin endommagés ou déplacés, un noyer dont la cime a été traînée sur une faible distance.
 
Après avoir quitté Arvert, la tornade survole la D14 et endommage quelques cabanes ostréicoles de la commune d'Etaules, rive gauche de la Seudre. Plusieurs tôles sont arrachées et projetées à faible distance. La tornade semble se dissiper au-delà de ce point, même si quelques dégâts de nature plus incertaine ont été relevés dans les communes de Nieulle-sur-Seudre et de Saint-Sornin.

A
1    Les Mathes - Végétation endommagée près des Charmettes
2    Les Mathes - Végétation endommagée près des Charmettes
3    Arvert - D 141 - Axe de convergence illustré par le sens de chute des épis de maïs, couchés vers le nord en direction du coeur du tourbillon
4    Arvert - Vue d'ensemble d'une peupleraie endommagée, près des Baudits
5    Arvert - Détail d'une peupleraie endommagée, près des Baudits
6    Arvert - Peupliers sectionnés à mi-hauteur
7    Arvert - Arbre déraciné vers le nord-nord-est
8    Arvert - Couverture d'une habitation partiellement détuilée. Cheminée endommagée
9    Arvert - Avenue de la Presqu'île - Les flèches rouges illustrent les principaux dégâts à cet emplacement de la rue
10    Arvert - Boîte à lettres arrachée et projetée à distance
11    Arvert - Bellevue - Tuiles soulevées
12    Arvert - Bellevue - Arbres ébranchés
13    Arvert - Bellevue - Muret de clôture renversé
14    Etaules - Cabanes ostréicoles endommagées
15    Etaules - Cabanes ostréicoles endommagées : détail d'une tôle arrachée et fichée dans le sol
 

Analyse du système convectif

La tornade d'Arvert s’est formée sur une limite frontale étroite et faiblement convective, le long de laquelle se sont constituées des zones de forte instabilité du cisaillement horizontal, à l'origine de plusieurs cassures sur la trace du front au sol. Ceci permet de considérer cette tornade comme la conséquence d’un misocyclone constitué au sein de la limite frontale elle-même. Ce mode de formation n’est pas rare dans ce type de contexte météorologique, et plusieurs cas de même type ont pu être documentés ces dernières années en France. Ils sont d’ailleurs assez régulièrement associés à un axe de convergence au sol qui s’avère excentré, élément que l’on retrouve dans le cas d’Arvert.
 
A noter que deux stations météorologiques ont pu mesurer la vitesse et la direction du vent à proximité immédiate de la tornade. Il s’agit là d’une coïncidence remarquable et particulièrement intéressante. La première station, située à 250 mètres au nord-ouest de la trajectoire suivie par le cœur de la tornade, a mesuré une rafale maximale de 70 km/h de secteur ouest. Au même moment, la seconde station, située quasiment au centre de la trajectoire, a mesuré une rafale maximale de 123 km/h de secteur SSE. Même si les conditions de mesure diffèrent quelque peu, ces relevés ont une valeur indicative suffisante pour mettre en évidence d’une part un très fort gradient horizontal de la vitesse du vent, et d’autre part un flux fortement convergent. L’ensemble est tout à fait cohérent avec le passage d’une tornade sur l’axe mis en évidence par l’enquête de terrain. Nous remercions Frédéric N**, ainsi que Lionel Dégremont, de nous avoir adressé les relevés effectués par leurs stations.
 

Analyse des conditions météorologiques

Le front froid qui a donné naissance à la tornade d'Arvert s’est développé dans un contexte très dynamique et faiblement instable. Il s’est structuré à l’avant immédiat d’une anomalie basse de tropopause dynamique (voir ci-dessous à gauche), dont la portion la plus active se présentait alors sur la façade Atlantique. La Charente-Maritime était alors positionnée en entrée droite d'une branche de jet (voir ci-dessous à droite).

        Altitude géopotentielle de la 1,5 PVU (à gauche) et jet à 250 hPa (à droite). Run WRF 13 km du 03.11.2014 00Z.
 
Cette dynamique synoptique ressort de manière explicite sur l’image satellite en canal vapeur d’eau du 3 novembre à 22h00 locales (voir ci-dessous). Prise moins d'une heure après la tornade, cette image montre bien un système perturbé qui s'étire des Pyrénées aux régions du nord, à l’avant immédiat d’intrusions sèches s'enfonçant en direction du Portugal ainsi que sur la Bretagne. Ces dernières trahissent l’arrivée rapide de l’anomalie basse de tropopause dynamique par l'ouest et confirment la dynamique synoptique identifiée par le modèle WRF.
 
Image satellite vapeur d'eau. 3 novembre 2014 à 22h00 locales. © METEOSAT
 
La limite frontale s'est avérée bien contrastée, avec des advections d'air doux et humide en basses couches qui ont été plus particulièrement marquées aux abords de la Charente-Maritime (voir ci-dessous à gauche). Le modèle WRF 7 km France suggère même la circulation d'une onde barocline secondaire sur la limite frontale. Il s'en est suivi une instabilisation modérée des profils verticaux sur ce département, comme l'illustre le champ ci-dessous à droite :


La présence d'un jet de basses couches à l'avant immédiat de la limite frontale (ci-dessous à gauche) a par ailleurs accentué sensiblement les cisaillements verticaux. Ces derniers ont été plus particulièrement marqués sur la Charente-Maritime, où la circulation d'un noyau d'hélicité relative supérieure à 200 m²/s² sur l'épaisseur 0-1 km est identifiée (ci-dessous à droite) :

Vent à 900 hPa (à gauche) et SRH 0-1 km (à droite). Run WRF 7 km du 03.11.2014 00Z. 
 
Le profil vertical reconstitué pour les environs d'Arvert, le 3 novembre 2014 à 20 heures locales, présente les caractéristiques d'un environnement à la fois instable et fortement cisaillé. Son analyse permet en effet d'établir les valeurs suivantes :
 
* MUCAPE de 182 J/kg
* MLCAPE de 65 J/kg
* MULI de +1 K
* MLLI de +3 K
* LCL bien abaissé à 293 mètres
* cisaillements 0-6 km de 19 m/s
* SRH 0-1 km de 141 m²/s²
* SRH 0-3 km de 148 m²/s²

Profil vertical et hodographe reconstitués pour Arvert le 3 novembre 2014 à 20h locales. © KERAUNOS.

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