Le 1er juin 2025, en cours de soirée, une tornade d'intensité modérée (haut de l'échelon EF2), traverse les Monts du Forez (départements du Puy-de-Dôme et de la Loire) et frappe plus particulièrement le territoire de Roche-en-Forez, dans lequel plusieurs hameaux sont sinistrés. Le phénomène, qui produit également de lourds dommages en forêt, ne blesse légèrement qu'une personne.
En franchissant quasiment les points culminants de la chaîne du Forez, la tornade de Roche-en-Forez traverse une zone de relief située à une altitude maximale de 1503 mètres, détrônant ainsi le précédent record français (1360 m d'altitude) qui était jusqu'à présent détenu par la tornade EF4 de Saint-Claude du 19 août 1890).
Principales caractéristiques de la tornade

* intensité maximale : EF2, soit des vents estimés entre 175 km/h et 220 km/h
* distance parcourue : 20,9 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 250 mètres (jusqu'à 550 mètres)
* commune(s) traversée(s) : JOB (vallée du Fossat, Plat de la Richarde) ; SAINT-BONNET-LE-COURREAU (Jasseries de l'Oule, Bois de l'Oule, Montagne de Courreau) ; ROCHE-EN-FOREZ (chemin des Chambons, ruisseau du Vizézy, Jean Petit, la Griotte, la Croix, les Chambons, route de Lérigneux, Croix du Fau, la Combe) ; LÉRIGNEUX (ruisseau de Trézaillette, Chavassieux, les Etangs) ; BARD (Fougerolles, ruisseau du Cotayet, le Montel, les Grangères, Flavellière, le Pic, bourg, le Bouchat) ; VERRIÈRES-EN-FOREZ (le Bouchat) ; ÉCOTAY-L'OLME (Quérézieux, Bois d'Hatier)
* département(s) : PUY-DE-DÔME (63), LOIRE (42)
* altitude moyenne du terrain : 1050 mètres (jusqu'à 1503 mètres)
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; prairies, surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants ; forêts de feuillus ; forêts de conifères ; forêts mélangées ; pelouses et pâturages naturels ; landes et broussailles ; forêt et végétation arbustive en mutation
* principaux dégâts : arbres de toutes grosseurs déracinés ou brisés avec des projections à distance ; quelques arbres dépouillés ; plusieurs parcelles forestières (conifères essentiellement) rasées ; nombreuses toitures (habitations et bâtiments agricoles) en partie arrachées ; deux toitures arrachées complètement avec des projections importantes ; véhicules déplacés ; poteaux électriques renversés ; multiples projections de débris à grande distance (plusieurs centaines de mètres)
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
Parcours de la tornade
Une supercellule massive et productrice de grêlons géants
La supercellule à l’origine de la tornade de Roche-en-Forez prend naissance peu après 17h00 TU (19h00 locales) au nord de Lastic, dans le département du Puy-de-Dôme. En évoluant dans un premier temps vers l'ENE, la cellule connaît un développement explosif, avec des réflectivités qui atteignent déjà plus de 45 dBZ à 17h20 TU (l'activité électrique débute quant à elle peu avant 17h30 TU). Vers 17h55 TU, la structure convective recouvre l'ensemble de l’agglomération de Clermont-Ferrand, avec des intensités pluviométriques proches de 150 mm/h et des chutes de grêle d'un diamètre peu significatif.
A l’est de Clermont-Ferrand (18h10 TU), la cellule commence à dévier de dix degrés vers l’est (260° -> 270°), tandis que les réflectivités ne cessent de s’intensifier (jusqu’à 65 dBZ). L’analyse de l’imagerie Doppler (18h30 – 18h45 TU) montre également une très forte accentuation du RFD, qui coïncide avec des dommages signalés dans le Livradois et la vallée de la Dore (Courpière, Domaize, Tours-sur-Meymont, Saint-Gervais-sous-Meymont, Olliergues, la Chapelle-Agnon, Bertignat, Marat, Vertolaye). Les rafales de vent sont estimées proches de 120 km/h à 150 km/h (Bertignat - Vertolaye) avec des toitures endommagées, des arbres abattus et des pylônes électriques renversés. Dans le même temps, la supercellule produit des grêlons géants (jusqu’à 10,5 cm de diamètre) au sein d’un couloir étroit et localisé entre Tours-sur-Meymont (où des toitures sont endommagées) et Job.
Peu après 18h50 TU, alors que les courants descendants arrière diminuent en intensité, un nouveau dipôle de vitesses radiales est progressivement observé sur le flanc NE du RFD. Bien que les images disponibles (réflectivité et vélocité) soient parasitées en raison du relief, il semble que cette transition s’opère sur les premiers contreforts du Forez, côté Puy-de-Dôme (secteurs de Vertolaye et de Job). A 18h55 TU, la supercellule à maturité aborde le département de la Loire tout en s'incurvant temporairement vers l'ESE (270° -> 280°). Au sein d'intensités pluviométriques toujours très fortes (jusqu'à 500 mm/h estimés), les territoires de Roche-en-Forez (19h04 TU), de Lérigneux (19h07 TU) et de Bard (19h13 TU) sont touchés tour à tour, avec un dipôle notable qui perdure jusqu’au versant occidental de la plaine du Forez.
Dans la plaine du Forez proprement dite, la supercellule retrouve une trajectoire Ouest-Est (270°) et atteint le secteur de Saint-Galmier à 19h30 TU, où des dégâts venteux sont signalés. Elle aborde ensuite le sud des Monts du Lyonnais (Chevrières, 19h40 TU) avec encore de fortes rafales, puis la vallée du Gier où elle se déstructure progressivement, jusqu’à disparaître totalement au nord de Vienne (20h20 TU soit 22h20 locales) en étant absorbée par une ligne convective organisée le long de la vallée du Rhône peu de temps auparavant.
Toitures arrachées et parcelles de forêts rasées
La tornade de Roche-en-Forez a pu être identifiée à l'appui d'une mission de reconnaissance aérienne dédiée à l'identification des dommages consécutifs à l'épisode supercellulaire. La mission, réalisée les 2, 3 & 14 juin par Keraunos, met en lumière un couloir de dégâts convergents certains entre le nord de Job (Puy-de-Dôme) et Ecotay-l'Olme (Loire), soit une trajectoire de 20,9 kilomètres. Les dommages relèvent d'une intensité maximale EF2 (parfois haut de l'échelon, notamment aux Chambons à Roche-en-Forez), au sein d'un couloir d'une largeur totale comprise entre 100 mètres et 550 mètres. En plusieurs endroits, on observe des zones localisées de forte intensification (la Fougère, Chavassieux) qui pourraient être l'oeuvre de vortex secondaires. Cette observation doit toutefois être mise en rapport avec un environnement de relief qui influence déjà fortement le comportement du tourbillon au niveau du sol.
Ces dommages tornadiques s’ajoutent aux effets destructeurs du RFD qui ont pu également être observés dans le département du Puy-de-Dôme, entre le sud de Domaize et Vertolaye. Dans cette dernière commune, l’apparition d’un second couloir de dégâts – légèrement plus au nord – semble être la conséquence de la transition opérée par la supercellule à partir de 18h45 TU. Ce nouvel axe, qui pourrait correspondre au point de départ de la tornade, est toutefois considéré comme incertain, en raison d’une convergence peu explicite et de dommages très ponctuels – voire inexistants – sur une portion de 5 kilomètres jusqu’à la vallée du Fossat à Job.
C'est donc au nord de Job (Puy-de-Dôme) sur le flanc nord de la montagne de Monthiallier (1450 m), que les premiers dommages tornadiques sont identifiés de façon certaine. De part et d'autre du fond de la vallée du Fossat, plusieurs parcelles de forêt sont endommagées, voire complètement détruites. Les dégâts, qui relèvent déjà d’une intensité EF1, sont marqués par de fortes aspirations sur le flanc nord-ouest d'un couloir qui atteint près de 400 mètres de largeur. Avant d'atteindre le département de la Loire, le tourbillon franchit le Plat de la Richarde, à une altitude remarquable de 1503 m : il s'agit là du nouveau point le plus élevé atteint par une tornade en France. Dans le département de la Loire (Saint-Bonnet-le-Courreau), la tornade évolue entre les Jasseries de l'Oule et le bois de l'Oule (1230 m – 1350 m), où de nombreux arbres sont abattus, principalement sur l'un des versants du ruisseau de la Goutte de l'Oule. Après avoir traversé un territoire de landes à une altitude de 1400 m, le tourbillon arrache quelques arbres sur le flanc oriental de la montagne de Courreau, puis suit son versant descendant en direction du ruisseau de Vivézy, territoire de Roche-en-Forez.
A Roche-en-Forez, la tornade sectionne ou déracine de nombreux confières (sens de chute : ONO -> ESE à SO -> NE) dans une parcelle de 2 hectares située à l'ouest de Glizieux, et traversée par le GR3 (1150 m – 1120 m). La circulation du coeur du tourbillon est parfaitement identifiable sur cette parcelle, avec un axe de dégâts convergents caractéristique. Plus loin, dans la direction de l'ESE, la tornade traverse l'intersection des chemins de Probois et de Jean-Petit et provoque le même type de dommages. A l'approche du hameau de la Griotte, les arbres feuillus plantés dans les prairies sont tous arrachés ou déracinés (les essences les moins vigoureuses présentent même un aspect dépouillé). L'extrême sud du hameau est particulièrement touché (1090 – 1100 m), avec plusieurs propriétés atteintes. Pour l'une d'elles, la toiture d'un bâtiment est entièrement arrachée. Un peu plus au nord, il s'agit principalement de tôles arrachées à des toitures de hangars. De nombreux débris sont visibles dans les champs. Sur ce point, la tornade atteint le niveau d’intensité EF1+ à EF2, au sein d’un couloir continu de plus de 200 mètres de largeur.
Au-delà de la Griotte, la tornade emprunte un petit vallon qui sépare le lieu-dit « la Côte » du hameau de la Fougère (1080 m – 960 m). Tous les arbres (feuillus majoritairement) sont arrachés avec des projections de branches à distance. L'aspect presque dépouillé de certains d'entre eux atteste d'un niveau d'intensité EF2 durable. Le tourbillon rejoint ensuite la vallée fermée par le ruisseau de Probois, et frappe de plein fouet le hameau des Chambons (950 m). Au sein d'un couloir large de 250 mètres, presque tous les arbres sont arrachés ou déracinés, des poteaux électriques renversés et plusieurs constructions fortement endommagées : au n°253, la toiture d’une habitation est entièrement arrachée, avec un écrêtement très partiel des murs extérieurs. Les principaux débris sont emportés jusqu’à 150 m. Dans ce périmètre, la tornade déploie son intensité maximale (EF2+) avec des projections jusqu'à 600 mètres au hameau du Montet : tôles, panneaux de signalisation, branches, volets, objets divers.
Toujours vers l’ESE, la tornade circule entre le Puy du Bouchet et le pic de Chaudabry, après avoir frôlé le Montet par le sud. Si les constructions sont un peu moins touchées, les arbres sont toujours fortement atteints (intensité EF1+) y compris en forêt. Au carrefour de la Croix du Fau, ladite croix en pierre est détachée du monument par la seule force du vent.
La tornade enveloppe ensuite un vaste territoire de plus de 500 mètres de largeur, de part et d’autre du ruisseau de Trézaillette (cet évasement peut être le fait d’un comportement de relief spécifique qui a contribué à accélérer le cisaillement). A la Combe (Roche-en-Forez), puis à Chavassieux et à proximité de Champblanc Nord (Lérigneux), les mêmes dommages se répètent : tôles arrachées, tuiles emportées, arbres de toute grosseur arrachés ou déracinés. Faute d’indicateurs de dommages plus précis, l’intensité EF1+ est maintenue ici a minima.
Le tourbillon progresse ensuite en direction du vallon du Moingt à proximité de Fougerolles (Bard), après avoir endommagé plusieurs parcelles forestières à l’extrême est de Lérigneux. Les hameaux du Montel, des Grangères et le nord de Flavellière (805 m) sont touchés tour à tour, avec des dégâts qui restent significatifs et d'une intensité EF1/EF1+ : portions de couvertures emportées, tôles arrachées et projetées à distance, arbres déracinés ou sectionnés, poteau électrique en béton renversé, caravane emportée à une distance de 45 m. Une station météorologique située à Flavellière - en périphérie sud du vortex - mesure une vitesse maximale de 167 km/h, un relevé considéré comme cohérent avec les dommages observés aux alentours*.
Après avoir frôlé le Pic par le sud-ouest, la tornade gagne le bourg de Bard en traversant un petit lotissement construit à l’est de l’agglomération (760 m). Des arbres (conifères essentiellement) sont déracinés ou sectionnés jusqu’en direction du ruisseau du Bouchat, frontalier avec Verrières-en-Forez. Quelques arbres sont encore endommagés à Quérézieux (Ecotay-l'Olme), puis à l'ouest du bois d'Hatier, avant une dissipation du phénomène (aucun autre dommage de nature convergente n’est en effet observé en plaine du Forez, ni même de Saint-Galmier à Chevrières où ils relèvent de rafales descendantes).
* nous tenons à remercier Ludovic Robert pour sa contribution sur cet événement.
Aperçu des principaux dommages (vues aériennes, flèches rouges discontinues = sens de déplacement de la tornade) :
Aperçu des principaux dommages (vues au sol) :
Analyse de la situation météorologique
La tornade de Roche-en-Forez s'est formée au sein d'un rapide flux de sud-ouest, piloté par un vaste thalweg d'altitude étiré des îles Féroé jusqu'au large du Portugal. L'Auvergne se situe, dans la soirée du 1er juin 2025, sur le flanc droit d'une branche de jet positionnée sur un axe Portugal - Scandinavie (ci-dessous à gauche). La diffluence associée est renforcée en fin d'après-midi par la circulation d'un thalweg secondaire à l'étage moyen ; celui-ci aborde l'Auvergne en début de soirée, sous la forme d'un thalweg thermique bien dessiné, et identifiable ci-dessous à droite sur le champ de température à 500 hPa (vers 5.500 m d'altitude).
Cette configuration modérément dynamique est relayée au niveau du sol par un champ de pression dominé par un thalweg de surface entre Auvergne, vallée du Rhône et régions du nord-est (ci-dessous à gauche). La convergence générée près du sol favorise le déclenchement de la convection en cours d'après-midi et de soirée aux abords de l'Auvergne. Celle-ci se développe au sein d'une masse d'air tropicale, en position des Pyrénées jusqu'au Jura et aux Alpes. Les valeurs de thêta'w sont élevées (> 18°C à 850 hPa) et témoignent de la présence d'un air très riche en chaleur et en humidité près du sol (ci-dessous à droite).
De fait, l'instabilité est forte vers 20h00 aux abords de l'Auvergne notamment. C'est ce que confirme un reforecast réalisé avec le modèle WRF-ARW en résolution 3 km, initialisé sur les conditions ERA5 ; celui-ci présente en effet des valeurs de MUCAPE voisines de 2000 J/kg entre Puy-de-Dôme et Loire à l'heure de la supercellule tornadique, avec des MULI de -5 K (ci-dessous à gauche). Cette forte instabilité se conjugue alors à des cisaillements marqués, que ce soit en profondeur (20 à 25 m/s - ci-dessous à droite) ou dans les basses couches (SRH 0-3 km > 250 m²/s² à l'heure de la tornade dans le profil vertical reconstitué pour Roche-en-Forez).
Conséquemment, un potentiel supercellulaire est présent aux abords de l'Auvergne en début de soirée, comme en témoignent les valeurs de SCP (Supercell Composite Parameter) comprises entre 1 et 2,5 sur cette zone (ci-dessous à gauche). Un potentiel de tornade est également identifié entre Puy-de-Dôme et Haute-Loire notamment (Significant Tornado Parameter ci-dessous à droite), ce qui confirme que toute supercellule amenée à se former sur l'Auvergne et ses abords avait un potentiel non négligeable de connaître une phase tornadique.
Prévision de l'épisode
Le risque d'orages de forte intensité sur l'Auvergne durant la journée et la soirée du 1er juin 2025 était surveillé depuis plusieurs jours, et déjà évoqué trois jours plus tôt dans le bulletin de prévision à moyen terme émis le 29 mai.
Le potentiel de phénomènes virulents s'est confirmé au cours des jours suivants, et le bulletin de prévision des orages émis le 1er juin à 08h ciblait un risque d'orages localement violents pour la fin de journée entre Auvergne et vallée du Rhône notamment. Ce risque était assorti d'un potentiel de tornade identifié entre Auvergne et Franche-Comté :
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