Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF0 à Villetelle (Hérault) le 23 août 2015

Le 23 août 2015, entre 15 heures et 15h05 locales, une tornade de très faible intensité (EF0), est observée sur la commune languedocienne de Villetelle, dans le département de l'Hérault. Le phénomène, qui a été vu, s'est constitué au passage d'un LEWP (Line Echo Wave Pattern) qui a balayé l'Hérault et le Gard, en occasionnant de fortes précipitations orageuses
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade EF0 de Villetelle (34) du 23 août 2015* intensité maximale : EF0 soit des vents estimés de 105 à 135 km/h
* distance parcourue : 1,3 kilomètre
* largeur moyenne : 60 mètres

* commune traversée : VILLETELLE (impasse du Campaillou, route de Lunel, le Grès, la Marguillère)
* département : HÉRAULT (34)
* altitude moyenne du terrain : 18 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; systèmes culturaux et parcellaires complexes

* principaux dégâts : branches cassées sur des arbres feuillus ; conifères (essentiellement des cèdres) étêtés ou déracinés ; un abri de jardin métallique soulevé et projeté à faible distance ; tonnelle métallique pliée ; mobilier de jardin parfois assez lourd traîné ou emporté à faible distance ; quelques habitations endommagées (tuiles soulevées ou arrachées ; girouettes pliées ; tuiles faîtières de clôtures soulevées ou arrachées) ; un trampoline soulevé et emporté à 150 mètres ; bottes de paille renversées ; un portail arraché

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte: Géoportail
 

Une "colonne transparente en forme de sablier"

Une enquête de terrain a pu être effectuée par Xavier Delorme pour Keraunos. Elle permet d'attester d'un phénomène tourbillonnaire sur une trajectoire de 1,3 kilomètre et une largeur moyenne de 60 mètres. Le phénomène s'est déplacé du sud vers le nord, et semble avoir connu une légère inflexion à mi-parcours.
 
Les premières traces de la tornade sont identifiées à proximité de l'autoroute A9, sur un terrain vague planté de conifères et de chênes adultes. Si les arbres feuillus perdent quelques grosses branches, les conifères sont couchés en tous sens, ce qui permet d'identifier un premier axe de convergence à proximité de la route de Lunel, sur une zone de chantier. Les dégâts ainsi produits sont observés sur une largeur comprise entre 40 et 50 mètres.
 
Selon une orientation sud-nord, et après 400 mètres de trajectoire, la tornade traverse la route de Lunel. Des témoins affirment avoir vu "une sorte de colonne transparente, en forme de sablier" [Midi Libre du 23 août 2015]. Les principaux dégâts sont concentrés sur une bande de terrain comprise entre 70 et 80 mètres de largeur. La tornade touche une dizaine d'habitations et autant d'arbres - des cèdres pour l'essentiel - sont endommagés. L'un d'eux est couché vers le Nord/Nord-Ouest, soit en direction de l'axe parcouru par le tourbillon. D'autres cèdres sont étêtés ou perdent de grosses branches qui sont emportées à faible distance (entre 10 et 20 mètres, généralement en direction de l'axe parcouru par la tornade). Concernant les habitations, les dégâts restent mineurs : tuiles soulevées ou arrachées, girouettes pliées, tuiles faîtières de clôtures soulevées ou arrachées. En revanche, le mobilier de jardin a davantage souffert, surtout au nord immédiat de la route de Lunel. Un abri de jardin métallique est notamment soulevé et projeté à faible distance. En retombant, les tôles se désolidarisent et de l'abri, il ne reste qu'un amas de tôles tordues. Plus loin, une tonnelle métallique est pliée et couchée par le vent. Dans d'autres jardins, du mobilier parfois assez lourd est traîné ou emporté à faible distance. Fait le plus marquant, un trampoline est transporté par le vent et retrouvé à 150 mètres de son emplacement initial.
 
La tornade traverse ensuite plusieurs parcelles cultivées, brièvement interrompues par quelques arbres et par une habitation. Les traces du tourbillon se dessinent sur des terres récoltées dont il subsiste de la végétation non fauchée et disposée en cercles ; quelques branches sont également éparpillées dans un champ situé à environ 100 mètres des derniers arbres dont elles sont issues. Plus loin, le jardin d'une habitation est endommagé en bordure de la route de Lunel, et un nouvel axe de convergence est identifié dans la disposition des branches brisées et d'un petit arbre couché.
 
Enfin, la tornade traverse le lieu-dit de la Marguillère où, après avoir arraché quelques tuiles dans l'impasse de Santoline, elle renverse quelques bottes de paille au sud-ouest du cimetière. Les dommages sont observés sur une largeur d'environ 40 à 50 mètres. Au-delà de ce dernier point, le phénomène n'exerce plus d'influence au niveau du sol, même si plusieurs témoins de la commune gardoise d'Aubais affirment avoir vu un cône. Cette observation pourrait signifier que la tornade a évolué au stade de simple tuba sur une trajectoire complémentaire de 1 à 2 kilomètres.
 
Compte tenu des dégâts observés et de projections à faible distance, la tornade de Villetelle est classée EF0 sur l'échelle de Fujita améliorée, soit des vents estimés entre 105 et 135 km/h.
 

Photographies des dégâts

Les photographies suivantes retracent les principaux dégâts causés par la tornade de Villetelle :

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1    Premières traces de la tornade près de l'autoroute A9 : conifères malmenés
2    Axe de convergence illustré par le sens de chute de jeunes arbres (la tornade circule de gauche à droite)
3    Cèdre couché vers le Nord/Nord-Ouest, 1266 route de Lunel
4    Dégâts généralisés dans une propriété près de la route de Lunel : tuiles arrachées, mobilier de jardin déplacé. Abri de jardin métallique soulevé, déplacé et brisé dans sa chute
5    Le Grès : quelques débris retrouvés à 150 mètres environ (la tornade arrive d'en face). Trampoline ayant atterri dans le bosquet d'arbres situé au centre du cliché (point A, non visible)
6    Le Grès : trampoline retrouvé à 150 mètres de son emplacement d'origine
7    Végétation endommagée près de l'impasse de Santoline (la tornade arrive vers l'observateur)
8    Bottes de paille légèrement déplacées ou renversées à la Marguillère, près du cimetière et de la D110E1
 

Analyse de la cellule orageuse

La tornade de Villetelle s'est formée au sein d'un système convectif de méso-échelle (MCS), lors d'un épisode orageux intense qui a touché la plupart des départements méditerranéens les 23 et 24 août 2015.
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Ce MCS s'est constitué à l'extrémité sud d'un thalweg d'altitude secondaire, lors de sa mise en phase avec un axe de convergence humide dans les basses couches. Les orages, qui jusqu'alors s'étaient concentrés sur les reliefs, ont alors rapidement gagné une grande partie du département de l'Hérault peu après 13h30. Très actif, ce MCS a développé une structure complexe à partir de 14h30. Le creusement d'une méso-dépression en son sein a en effet généré un "LEWP" (Line Echo Wave Pattern). On désigne ainsi les signatures radar qui présentent une forte ondulation, avec une portion arquée dans leur partie sud et un enroulement sur leur flanc nord. L'ensemble se rejoint au niveau de la méso-dépression.

Ces signatures sont connues pour être propices à la production d'orages intenses, avec notamment un risque de fortes rafales de vent dans leur partie sud, et de tornade à proximité de la méso-dépression. Dans le cas présent, des rafales de vent parfois supérieures à 90 km/h ont bien été mesurées dans la partie sud du LEWP, sur le sud-est de l'Hérault, tandis que la tornade de Villetelle s'est formée pour sa part à proximité de la méso-dépression. L'animation radar ci-contre montre bien le transit de la tête du LEWP (méso-dépression) sur la localité de Villetelle (indiquée ici par un carré noir).

La carte composite ci-dessous montre la situation à 15 heures locales, soit quelques minutes avant que la tornade ne touche le sol. Cette carte présente les échos radars (précipitations), ainsi que les observations au sol (réseau SYNOP). On y voit la forme en S présentée par les échos radars, typique d'un LEWP, ainsi que l'enroulement des vents de surface autour de ce système orageux, avec un vent de secteur NO à Montpellier et d'ESE à Nîmes.
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Composition radar + observations au sol le 23 août 2015 à 15h00 locales. © KERAUNOS / image radar Météo France
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L'ensemble a généré une activité électrique intense, avec plus de 10.000 éclairs détectés en 30 minutes par le réseau Blitzortung, soit une moyenne de 5 décharges à la seconde.
 
           
 

Analyse des conditions météorologiques

Comme le montrent les deux champs ci-dessous, issus du modèle WRF 13 km Europe, la tornade s'est formée dans un contexte dépressionnaire piloté par un minimum d’altitude positionné au sud-ouest de l’Irlande. Celui-ci a généré un rapide flux d’ouest en haute altitude sur le sud de la France, tandis que s’organisait une circulation d’air froid à l’étage moyenau nord d’une ligne Biarritz / Nancy. L’Hérault s’est trouvé en périphérie des forçages d’altitude les plus marqués, sauf temporairement en début d’après-midi du 23 août, lorsque l’extrémité sud d’un thalweg secondaire est venue assurer un soulèvement dynamique passagèrement fort sur la zone.
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La tornade s’est déclenchée au sein d’une langue d’air chaud et humide en basses couches, étirée du Golfe du Lion aux Cévennes, et caractérisée par des thêta’w proches de 19 à 20°C à 850 hPa (voir ci-dessous à gauche). Les profils verticaux étaient dès lors instables, avec un MULI proches de -4 K vers 15h00 locales, comme le montre le champ ci-dessous au milieu, issu du modèle à haute résolution WRF 1 km France. L’indice de Thompson (ci-dessous à droite) indique pour sa part la présence d’une masse d’air plus particulièrement instable à la frontière entre Hérault et Gard (valeurs > 40), à 13h TU (15h locales), soit à l’heure de formation de la tornade.
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Cette instabilité modérée à assez forte a concerné des profils bien cisaillés dans les basses couches. Les trois champs ci-dessous, issus du modèle à haute résolution WRF 1 km France, montrent la présence d’un jet de basses couches concentré près du sol entre Languedoc et Gard (à 975 hPa, soit vers 250 mètres d’altitude), puis progressivement dissipé aux altitudes supérieures (à 850 et à 700 hPa, soit vers 1.500 et 3.000 mètres d’altitude).
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La conséquence en termes d’hélicité relative est nette. Le modèle simule en effet la présence d’un
axe d’hélicité relative marquée entre l’est du Languedoc et l’ouest du Gard, avec une SRH 0-3 km > 200 m²/s², et ce précisément à l’heure de formation de la tornade. La présence conjointe d’une instabilité latente modérée a généré un potentiel de formation supercellulaire non négligeable, comme l’illustre le Supercell Composite Parameter. Ce dernier présente d’ailleurs des valeurs élevées au large du Var, là où s’est formée peu après une supercellule durable et virulente.

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Le radiosondage réalisé à Nîmes à 14h00 locales, soit 1 heure avant la tornade, synthétise bien les différentes composantes de cette situation orageuse :

Radiosondage de Nîmes, le 23 août 2015 à 12h TU (14h00 locales). © KERAUNOS
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En somme, on note cet après-midi là une situation propice à des orages de forte intensité, avec un potentiel de tornade rendu modéré entre Languedoc et Gard par une conjonction entre une instabilité marquée et des cisaillements passagèrement forts. Un potentiel de tornade avait d’ailleurs été identifié entre autres dans cette zone, dans le bulletin national de prévision des orages émis en début de matinée du 23 août :

Risque de tornade > 5 % dans un rayon de 40 km autour d'un point,
tel que prévu pour la journée du 23 août 2015.
 

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