Tornade EF3 à Lajoux (Jura) le 2 août 1967

La trajectoire de la tornade de Lajoux du 2 août 1967 a pu être reconstituée à l’appui de témoignages, d’informations contenues dans la presse locale, et grâce à des vues aériennes postérieures à l’événement. La tornade, qui survient à une altitude moyenne particulièrement élevée (1210 mètres), parcourt une distance de 15,7 kilomètres au sein d’un couloir large de 500 mètres en moyenne. Les aspirations périphériques sur le flanc sud-est sont particulièrement marquées, surtout en zone de relief.

Aux Moussières, où le phénomène semble débuter, le maire de l’époque résume : « quelques tourbillons seulement ont été observés. Un pan de toit a été soulevé par le vent dans une ferme de la commune, lieu-dit des Grands Prés ». Dans la direction du NE, la tornade traverse successivement les villages jurassiens des Molunes, puis de Septmoncel (le Manon) enfin de Lajoux (village, le Petit Pré, la Canonnière, Combe de Mijoux) particulièrement atteint. A lui-seul, le village recense l'essentiel des dégâts matériels, avec des constructions partiellement détruites. Un témoin raconte : « On se serait cru sous un intense bombardement. Dans un fracas infernal tout voltigeait et s'entrechoquait au-dessus du village » [Sud-Ouest du 4 août 1967]. Un autre observateur décrit « deux masses tourbillonnantes de nuages, l'une venant de l'Ouest-Sud-Ouest, l'autre du Sud, et se déplaçant à une vitesse exceptionnelle, se rencontrer au-dessus de Lajoux. C'est à ce moment-là que les premiers toits ont été comme aspirés. »

Après une inflexion progressive vers l’est, le tourbillon entre dans le département de l’Ain par la Combe de Mijoux et la vallée de la Valserine (Mijoux). Les traces du phénomène sont encore perceptibles jusqu’au NO de Divonne-les-Bains, où une parcelle forestière est touchée aux Louvatières, à 1340 mètres d'altitude.

Les dégâts sont significatifs et relèvent d'une intensité EF3 : certains murs de corps de ferme sont abattus et des toitures entièrement arrachées avec leur charpente. Des débris des immeubles endommagés ou détruits à Lajoux, sont retrouvés jusqu'à 3 ou 4 kilomètres de distance (un chalet est rasé sans qu'on en retrouve la trace). Au sujet de la végétation, outre les résineux brisés sur plusieurs dizaines d'hectares, plusieurs arbres sont soulevés et transportés par la tornade, avant de retomber sur le sol. On note également qu'une 403 à l'arrêt fait un tonneau complet avec ses six occupants. Des vaches sont aussi soulevées ou roulées par le vent.

Photographies d'époque des dommages causés par la tornade à Lajoux : 

Le quotidien Sud-Ouest évoque la tornade de Lajoux dans son édition du 4 août 1967 :

Nuit de cauchemar à Lajoux (Jura) dévasté par une tornade

« On se serait cru sous un intense bombardement. Dans un fracas infernal tout voltigeait et s'entrechoquait au-dessus du village », a déclaré hier matin, à peine remis de la violente émotion, qui, mercredi vers 17h30, le saisit, un habitant de Lajoux (Jura). Les sinistrés de Lajoux ont vécu ensuite une véritable nuit de cauchemar. Rassemblés dans les immeubles du village qui furent le moins éprouvés, c'est dans l'obscurité et l'isolement qu'ils attendirent le lever du jour. Les lignes électriques et téléphoniques furent en effet les premières à être atteintes.

A la pointe du jour, les habitants de Lajoux ont pu enfin contempler l'étendue du désastre. Dans la brume matinale, ils ont vu se dégager petit à petit les monceaux de ruines constitués par les toitures pulvérisées, tandis que partout des sapins arrachés jonchent le sol et que les tôles des couvertures sont éparpillées, loin parfois, dans les paisibles pâturages jurassiens.

Les maisons décapitées contribuent à donner a ce décor sinistre un aspect de véritable champ de bataille auquel rien ne manque, même pas les ruines encore fumantes de la ferme de M. Richardet incendiée et embrasée par la foudre. On ne retrouve aucune trace d'un chalet en bois, occupé par une famille d'estivants. Seuls reste le socle de maçonnerie. Le chalet, qui semble s'être trouvé au centre même du cyclone, s'est littéralement volatilisé, ainsi que son contenu, tandis que la caravane de ses propriétaires, garée à proximité, s'est envolée vers la forêt voisine où l'on ne retrouve d'elle qu'un informe tas de tôles. Surpris au pâturage, par la tempête, le troupeau de M. Benoit-Jeannin, cultivateur et maire de Lajoux, a été lui aussi emporté, ou plus exactement roulé, sur une centaine de mètres.

Il est difficile d'apprécier la durée du phénomène. Cette durée était estimée tout d'abord à cinq longues minutes, mais après réflexion, les témoins pensent qu'en réalité il ne dut guère sévir pendant plus de 60 secondes qui, il est vrai, apparurent démesurément longues.

Grâce à une mission de reconnaissance aérienne effectuée dans le secteur en 1968, on peut apercevoir l'évolution des paysages meurtris par la tornade. Si certaines parcelles forestières sont déjà en cours de déblaiement, d'autres n'ont pas encore été nettoyées, notamment dans des zones d'altitude difficiles d'accès. On note également que toutes les toitures ne sont pas encore reconstruites.

Vue de gauche : aperçu de parcelles forestières à l'ENE de Lajoux (la Canonnière) : les troncs (cercles rouges) sont progressivement récupérés et mis en tas en vue d'être évacués. Les points rouges symbolisent les dommages encore perceptibles un an après l'événement.

Vue de droite : aperçu de parcelles forestières dévastées (cercles rouges) à Mijoux (l'Etala, Combe de Mijoux). Les points rouges symbolisent les dommages plus ponctuels.