Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Evron (Mayenne) le 1er février 1930

Le 1er février 1930, en cours de soirée, une tornade de faible intensité (EF1) traverse plusieurs hameaux d'Evron, dans l'est de la Mayenne. Le tourbillon, qui a été vu, provoque des dommages dans des fermes et dans des bois. 

La tornade d'Evron s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 2 cas pour la journée du 1er février 1930, dont la tornade EF2 de Tours (Indre-et-Loire). 
 

Principales caractéristiques de la tornade

* intensité maximale : EF1, soit des vents estimés entre 135 km/h et 175 km/h
* distance parcourue : 3,5 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : indéterminée

* communes traversées  : ÉVRON (bois des Rougeries, bois du Montil, les Petits Champs, les Guyonnières)
* département : MAYENNE (53)
* altitude moyenne du terrain : 122 mètres
* type de terrain : territoires agricoles ; forêts et milieux semi-naturels
 
* principaux dégâts : arbres décapités ou tordus dans le bois du Montil ; hangar de dix mètres de longueur effondré ; attelage de chevaux couché ; vitres brisées ; gros tonneau transporté à plus de 300 mètres

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
 

Trajectoire de la tornade

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© Keraunos (fond de carte : IGN 1950)

© Keraunos (fond de carte : Géoportail 2021)

Un tonneau transporté à plus de 300 mètres

La tornade d'Evron du 1er février 1930 est résumée dans un article du quotidien "La Mayenne" du 12 février 1930. Entre les bois des Rougeries et les Guyonnières, il est fait mention d'une "colonne de vent", arrivant à une vitesse vertigineuse, et accompagnée d'un "ronflement intense imitant le bruit des rapides des chemins de fer." D'après les informations recueillies sur ce cas, la distance minimale certaine parcourue par la tornade est de 3,5 kilomètres au sud d'Evron.

Le tourbillon, qui évolue de l'Ouest/Sud-Ouest vers l'Est/Nord-Est, décapite ou tord des arbres dans les bois des Rougeries et du Montil. Après avoir couché un attelage de chevaux, la tornade traverse la cour de la ferme des Petits Champs, où elle brise toutes les vitres et endommage un hangar de 10 mètres de longeur. Les machines et les outils agricoles présents à l'intérieur du bâtiment sont détruits. Des fermiers aperçoivent également un gros tonneau "tournoyer dans les airs" et être transporté à plus de 300 mètres

Ce type de dommages relève d'une intensité EF1 sur l'échelle de Fujita améliorée

Analyse de la situation météorologique

La situation météorologique du 1er février 1930 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses ERA-20C du Centre Européen de Prévision (résolution 125 km)  et du programme "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD (résolution 100 km). Les données fournies par ces programmes permettent de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.

En complément, afin d'analyser plus en détail le contexte de méso-échelle, le modèle WRF-ARW 3 km a été déployé en version « reforecast » et initialisé sur NCEP-20CR avec les conditions du 31.01.1930 18Z.
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Il ressort de ces analyses que la journée du 1er février 1930 est marquée sur la France par des conditions fortement dépressionnaires et par la pénétration, depuis l'Atlantique, d'un thalweg d'altitude qui vient s'étirer en journée le long d'un axe Bretagne - Roussillon. De fortes advections d'air froid s'organisent dès lors à l'étage moyen sur l'ouest du pays, situé en régime de traîne active. La traîne est plus particulièrement vigoureuse du nord de l'Aquitaine au Centre et à la Normandie, à la faveur de basses couches qui restent affectées par un air bien doux et humide (voir ci-dessous à droite l'analyse de la thêta'w à 850 hPa).



De fait, l'instabilité s'accentue nettement dès la fin de matinée sur tout l'ouest du pays. Le reforecast ARW3 réalisé dans le cadre de cette étude met ainsi en évidence des valeurs de MUCAPE qui excèdent 500 J/kg des Charentes à l'Indre-et-Loire et à la Bretagne à la mi-journée, soit un niveau d'instabilité marqué pour une situation hivernale. Le modèle produit d'ailleurs une traîne bien active sur ces régions (ci-dessous à droite), ce qui est corroboré par les observations de l'époque, qui témoignent de fortes averses mêlées de grêle et de rafales de vent.



Le reforecast suggère par ailleurs la présence d'une hélicité relative marquée dans les basses couches (0-1 km), notamment en début d'après-midi le long d'un axe qui va de la Gironde au Centre et à la Haute-Normandie (ci-dessous à gauche). Associée à la forte instabilité présente en même temps sur ces régions, le potentiel de phénomènes tourbillonnaires était non négligeable de la Gironde à la région de Tours notamment en milieu de journée (voir ci-dessous à droite).



On trouve ainsi ici les ingrédients propices à la formation de tornades dans un contexte de traîne active hivernale.

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