Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Troyes (Aube) le 21 mai 1893

Le 21 mai 1893, à 16h10, une tornade meurtrière de faible intensité (haut de l'échelon EF1) traverse plusieurs quartiers de la ville de Troyes (Aube). Le phénomène tue deux personnes et provoque de nombreux dégâts matériels sur un parcours d'au moins 4 kilomètres. Il est à préciser que cette tornade s'accompagne d'autres dégâts venteux survenus au sud-est de l'agglomération, ainsi qu'à Bar-sur-Seine.

Principales caractéristiques de la tornade

Dossier tornade Keraunos - Localisation de la tornade

* intensité maximale : EF1, soit des vents estimés entre 135 km/h et 175 km/h

* distance parcourue : 4 kilomètres (distance minimale certaine)

* largeur moyenne : 250 mètres (estimation)


* commune(s) traversée(s) : SAINT-ANDRÉ-LES-VERGERS, TROYES (rue Courtalon, gare, rue Grosley, parc de la Vallée Suisse, boulevard Gambetta, usine à Gaz, rue Diderot, rue de la Paix, canal du Trévois, temple, les Tauxelles)

* département(s) : AUBE (10)

* altitude moyenne du terrain : 110 mètres

* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles


* principaux dégâts : gros arbres déracinés ou sectionnés ; projections de branches ; habitations atteintes (corps de descente arrachés, vitres brisées, cheminées démolies) ; portions de toitures arrachées ; pan de la toiture d'un bâtiment de l'usine à gaz, détuilé ; jardins dévastés : fruits arrachés des arbres, châssis endommagés ; plusieurs personnes jetées à terre ; nombreux débris de toute sorte au sol

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.

Parcours de la tornade

Tornade EF1 à Troyes (Aube) le 21 mai 1893

© Keraunos (fond de carte : Géoportail)

Deux morts après un concert joué en plein air

La tornade de Troyes du 21 mai 1893 survient en plein après-midi dans un contexte de forte instabilité, où de nombreux orages sont observés dans le centre-est et le nord-est de la France. Le tourbillon, qui frôle la vieille ville de Troyes sur son flanc nord-ouest, parcourt au moins 4 kilomètres entre Saint-André-les-Vergers et le faubourg encore agricole des Tauxelles. En disposant les dégâts sur une carte détaillée, la tornade semble avoir agi sur une bande de terrain large de 200 à 300 mètres, d'où la moyenne estimée à 250 mètres

A Saint-André-les-Vergers, là où les premières informations sont recueillies sur ce cas, le tourbillon déracine ou brise de nombreux arbres, et endommage des châssis chez les maraîchers. La plupart des bâtiments ont souffert. Les faîtières, ardoises, débris de vitres, fruits, branches, jonchent le sol.

En poursuivant sa route vers le nord-est (220°), le tourbillon entre dans l'agglomération de Troyes par la rue Courtalon et prend en écharpe tout le flanc nord-ouest de la vieille ville délimité par le boulevard Gambetta et les rues adjacentes. Au même moment, de nombreux habitants - massés devant l'usine à gaz où se déroule un concert en plein air - vont être les premières victimes d'un vent meurtrier qui ne durera que quelques dizaines de secondes. Quelques minutes avant le drame, plusieurs témoins sont déjà surpris par l’atmosphère qui "prenait des teintes inédites et inquiétantes" du côté de la gare. Cette situation ne semble pas inquiéter la fanfare militaire qui débute son concert. C'est au terme du premier morceau que la tornade se manifeste avec un bruit "comme une série de détonations d’artillerie". Il est précisément 16h10.

Prise de court, la population, concentrée le long du boulevard Gambetta, subit les effets du tourbillon qui sème une panique générale : chapeaux et ombrelles qui "voltigent comme des plumes", promeneurs jetés par terre, une fillette violemment lancée contre un arbre, arbres déracinés ou brisés et nombreuses branches emportées. Dans ce chaos, les femmes s’enfuient en poussant des "cris assourdissants" et le café du Théâtre est envahi. La durée du phénomène est estimée à "une demi-minute". Rapidement, plusieurs personnes blessées, victimes de chutes de branches ou d'arbres, sont secourues en se rendant dans la pharmacie la plus proche. Mais deux d'entre elles sont grièvement atteintes : une femme de 52 ans qui a le crâne fracturé, et un homme de 48 ans qui est blessé à la tête et dont la jambe gauche est cassée à hauteur de la cheville. Ces deux personnes succombent moins de deux jours plus tard.

Dans le bâtiment à fours de l’usine à gaz voisine, un des pans de l’immense toiture est dépouillé de ses tuiles et la charpente métallique est à découvert. La salle des épurateurs et le magasin sont endommagés. Une plaque de zinc est également transportée à 200 mètres, rue Diderot. Plus loin, les dégâts sont observés entre les rues Grosley et Diderot via le parc de la Vallée Suisseplusieurs arbres sont déracinés. Dans cette même rue Diderot, la toiture d'une école en construction est envolée. De nombreuses habitations sont atteintes (corps de descente arrachés, vitres brisées, cheminées démolies) et des portions de toitures arrachées. Là encore, une plaque de zinc se détache et atterrit dans la rue de la Paix. 

Après avoir endommagé des platanes le long du canal du Trévois, la tornade atteint le temple protestant (dans la maison du pasteur, des mitres de cheminées sont démolies) puis le faubourg des Tauxelles, où de nombreux jardins sont dévastés. Les fruits détachés des arbres jonchent le sol, ce qui représente une perte importante pour les maraîchers. Au-delà de ce point, aucun dommage n'est mentionné, mais il est tout à fait vraisemblable que le tourbillon ait continué sa course dans la campagne.

Les dégâts s'apparentent à un phénomène d'intensité EF1 (haut de l'échelon), même si toutes les informations ne semblent pas recueillies pour pouvoir déterminer l'intensité maximale avec certitude. 

La tornade de Troyes du 21 mai 1893 est l'illustration du danger que représente un phénomène tourbillonnaire en milieu urbain. Sans atteindre un niveau d'intensité exceptionnel, le phénomène est suffisamment puissant pour déraciner des arbres et mettre en danger la vie des habitants, en particulier dans des lieux de grand rassemblement en plein air.

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