Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Maisons-Laffitte (Yvelines) le 21 septembre 1893

Le 21 septembre 1893, à 10h50 locales, une tornade de forte intensité (EF3) traverse le territoire de Maisons-Laffitte (Yvelines) et provoque d'importants dégâts matériels sur son parcours. Le phénomène se dissipe après avoir survolé la Seine.
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Maisons-Laffitte (78) du 21 septembre 1893intensité maximale :  EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 4,4 kilomètres
* largeur moyenne : 60 mètres

* communes traversées : MAISONS-LAFFITTE (avenue de Poissy, rue Saint-Nicolas, rue d'Achères, rue Puebla, gare de marchandises, rue du Fossé, rue de la Muette, avenue Lavoisier, avenue Albine, avenue Eglé), LA FRETTE-SUR-SEINE (la Seine)
* départements : YVELINES (78), VAL-D'OISE (95)
* altitude moyenne du terrain : 35 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles, surfaces en eau

* principaux dégâts : vitres brisées ; arbres déracinés ou brisés (feuillus) ; toitures enlevées et débris projetés à distance, pans de murs d'une fabrique écroulés, une petite construction détruite aux trois-quarts, grue de 10 tonnes jetée à terre, plusieurs wagons renversés, croix renversées au cimetière et tombes enlevées par le vent, débris parfois très lourds (>100 kg) emmenés à distance

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen. 
 

Parcours de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : carte topographique des environs de Paris de 1906)
 

Trois wagons renversés et une grue mobile jetée à terre

La tornade de Maisons-Laffitte du 21 septembre 1893 a fait l'objet de très nombreuses publications. A l'appui des informations contenues dans ces sources, il est possible de conclure que le phénomène tourbillonnaire a parcouru une distance totale de 4,4 kilomètres, sur une bande de terrain large de 60 mètres
 
Les premiers dégâts sont observés un peu avant l'avenue de Poissy, où des arbres sont couchés dans des champs. Au-delà de cette avenue, la tornade redouble d'intensité, et une fabrique de borax est sinistrée : une petite maison située dans la cour de l'usine est détruite, des constructions sont effondrées et des murs abattus. Des réservoirs d'eau sont également renversés. Après avoir endommagé plusieurs habitations (rue Saint-Nicolas, rue d'Achères, rue Puebla), la tornade traverse la voie de chemin de fer et la cour de la gare de marchandises. Là, elle renverse des poteaux télégraphiques, mais aussi trois wagons situés sur une voie de garage, et surtout jette à terre une grue mobile dont la masse est estimée à 10 tonnes.
 
De l'autre côté du chemin de fer, la tornade traverse l'ancien cimetière où elle sectionne des arbres, arrache des tombes, renverse des croix et abat le mur de clôture sur une large portion. Puis le tourbillon dévaste plusieurs propriétés du parc de Maisons-Laffitte (avenue Lavoisier, avenue Albine, avenue Eglé). Les toitures sont arrachées, les jardins dévastés, de gros arbres brisés net ou déracinés. Une villa nouvellement construite aurait même été détruite aux trois-quarts, mais les détails font défaut.
 
Dans cet environnement urbain dense, la tornade blesse plusieurs personnes, parfois grièvement : tel est le cas d'un jeune boucher, renversé dans son attelage à cheval, et blessé à la tête et à l'épaule. Une autre personne est même enlevée par le vent et projetée contre un mur. Au total, quatre personnes sont blessées de la sorte.
 
En quittant le parc de Maisons-Laffitte, la tornade arrache une petite cabane dans un champ : une jeune fille est grièvement atteinte à la poitrine par une poutre.

Enfin, le tourbillon traverse la Seine et provoque un grand remous de l'eau du fleuve, qui est temporairement mis à sec. Au-delà de ce point, aucun dégât n'est signalé à Cormeilles-en-Parisis, ce qui doit signifier que la tornade s'est dissipée après avoir traversé la Seine.

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Illustration de la trajectoire de la tornade dans l'agglomération de Maisons-Laffitte :
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Illustrations des dégâts provoqués par la tornade de Maisons-Laffitte :
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Analyse de la situation météorologique

La situation météorologique du 21 septembre 1893 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD. L'approche ensembliste développée par ce programme permet de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.
 
La journée du 21 septembre 1893 est dominée par un rapide flux de sud-ouest sur la moitié nord du pays. Celui-ci est piloté par un thalweg d'altitude qui s'enfonce alors en direction de l'Irlande (voir ci-dessous à gauche) et qui accélère le flux du Golfe de Gascogne à la Lorraine. Les réanalyses suggèrent des advections froides modérées en altitude dès le matin au nord de la Seine (ci-dessous à droite) :
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En basses couches, la situation est dominée par un front froid qui aborde la Bretagne en cours de matinée (voir ci-dessous à gauche). Il est lié à une dépression de surface qui circule sur le sud des îles britanniques, et qui assure des advections d'air doux et humide de l'Aquitaine aux Ardennes à l'avant de la limite frontale. Un jet de basses couches est suggéré à l'avant du front froid principal par la réanalyse, sur un axe Pays-de-la-Loire / Ile-de-France / Nord - Pas de Calais (ci-dessous à droite) :
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Cette situation perturbée est associée à un
environnement préfrontal instable. C'est du moins ce qui ressort lorsque l'on reconstitue les profils verticaux probables : l'indice de soulèvement est inférieur à -2 K dans sa formulation de base (Lifted Index) sur les deux tiers nord du pays, et le SWEAT Index est réactif de l'Aquitaine aux Ardennes (ci-dessous à droite), indiquant ainsi un contexte propice à une convection profonde parfois virulente.
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On voit ainsi se dessiner ici une
situation propice à une dégradation orageuse localement forte durant cette journée du 21 septembre 1893. De fait, de nombreux orages ont été signalés entre la fin de matinée et le début de soirée de la Normandie et de l'Ile-de-France jusqu'au Nord - Pas de Calais et aux Ardennes. Des foyers orageux se sont également constitués en Bourgogne, sur le nord des Alpes ainsi que sur le Jura ; 25 mm de pluie sont recueillis à Annecy.
 
Le scénario le plus probable pour l'orage producteur de la tornade de Maisons-Laffitte, compte tenu des réanalyses et des observations au sol réalisées à l'époque, est celui d'un axe orageux préfrontal virulent, constitué quelques centaines de kilomètres à l'avant du front froid principal alors sur la Bretagne.
 
A noter qu'un orage virulent est observé à Paris au moment de la tornade de Maisons-Laffitte, avec de nombreux éclairs et une pluie qualifiée de "diluvienne". Les cumuls quotidiens restent toutefois modérés sur ce secteur, avec 8 mm à Meudon, à l'Observatoire de Paris et à Montsouris. Une lame d'eau de 14 mm est mesurée à Achères, commune toute proche de Maisons-Laffite. Un cumul remarquable de 55 mm de pluie est par ailleurs mesuré au Touquet (Pas-de-Calais) au cours de cette journée.
 

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