Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Cambrai (Nord) le 25 novembre 1880

Le 25 novembre 1880, en fin d'après-midi, une tornade de faible intensité (haut de l'échelon EF1) traverse le faubourg de Cantimpré, le quartier de la place d'Armes et des gares à Cambrai (département du Nord). Par chance, aucun blessé n'est à déplorer, bien que les dégâts matériels soient généralisés.

Il est à préciser que le territoire de Cambrai avait déjà été traversé par une tornade d'intensité EF1 survenue le 28 mai 1828. Le phénomène avait principalement endommagé le faubourg Saint-Druon.

Principales caractéristiques de la tornade

intensité maximale : EF1, soit des vents estimés entre 135 km/h et 175 km/h
* distance parcourue : 3,5 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 300 mètres

* commune traversée : CAMBRAI (faubourg de Cantimpré, casernes, église Saint-Géry, place Aristide-Briand, gare de voyageurs, gare de fret)
* département : NORD (59)
* altitude moyenne du terrain : 60 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés ; territoires agricoles

* principaux dégâts : cheminées renversées ; toitures endommagées ; vitres brisées ; toiture de la caserne de cavalerie (charpente et zinc) enlevée et lancée dans la cour ; baraques de foire endommagées : planches et volets en zinc emportés jusqu'à 80 mètres de distance ; une guérite déplacée ; carreaux du vitrail de la façade de l'église Saint-Géry brisés, vent engouffré dans l'église ; bâtiments autour de la gare de voyageurs et de l'ancienne gare de Picardie et Flandre, endommagés
 
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
 

Parcours de la tornade

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Un phénomène qui courait "du couchant à l'est"

Le Journal de Saint-Quentin nous renseigne sur un phénomène tourbillonnaire qui a traversé le nord de l'agglomération de Cambrai (Nord) en fin d'après-midi du 25 novembre 1880 : "Ce cyclone, cette trombe, ou, comme on voudra l'appeler [...] n'a pas épargné au dehors ce qui faisait obstacle à son passage. On a pu suivre sa direction : elle courait du couchant à l'est, tout en tournoyant sur une largeur qu'on peut estimer à 300 mètres."

Sur un parcours minimum de 3,5 kilomètres et selon un sens de déplacement de l'ouest vers l'est (280°), la tornade traverse plusieurs quartiers de la ville en occasionnant des dégâts matériels généralisés : cheminées renversées, becs de gaz éteints, toitures endommagées, vitres et lanterneaux brisés par milliers. L'analyse des dommages conduit à un classement en intensité EF1 (haut de l'échelon) sur l'échelle améliorée de Fujita.

Après avoir traversé le faubourg de Cantimpré où des dommages sont signalés sans plus de précisions, la tornade entre dans la ville fortifiée par la caserne de Cavalerie, où la toiture en zinc (charpente comprise) est enlevée et déposée dans la cour (le journal précise que ce sont les toitures en plus mauvais état, ou celles majoritairement élaborées en zinc, qui ont le plus souffert ailleurs en ville).

En traversant l'église Saint-Géry, la tornade brise quelques carreaux du vitrail de la façade occidentale, force les portes et s'engouffre dans l'édifice. De jeunes filles qui assistent au salut de Sainte-Catherine prennent la fuite. Plus loin, au niveau de la place d'Armes (aujourd'hui place Aristide-Briand), des baraques de foire sont endommagées : planches et volets en zinc sont emportés jusqu'à 80 mètres de distance, et une guérite est déplacée.

On signale encore le passage du tourbillon dans le secteur de la nouvelle gare de voyageurs, puis de l'ancienne gare hors-les-murs de Picardie et Flandre (devenue par la suite gare de fret). Au-delà de ce dernier point, les investigations cessent ; la trajectoire retenue pour cet événement est donc considérée comme un minimum et pourrait être supérieure

On ne signale aucun blessé, malgré la forte densité urbaine du territoire traversé par la tornade. 


Analyse de la situation météorologique

La situation météorologique du 25 novembre 1880 a pu être reconstituée à partir des archives météorologiques de l'époque, complétées par les données du programme de réanalyses "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD. L'approche ensembliste développée par ce programme permet de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.

Il ressort de ces analyses que la tornade s'est formée se jour-là dans un contexte fortement perturbé, dominé par un rapide flux océanique, comme en témoigne le jet à 250 hPa (ci-dessous à gauche), qui pointe vers les Iles Britanniques tout en débordant sur le nord de la France. En basses couches, on note l'enfoncement d'un front froid sur le nord du pays en cours de journée (ci-dessous à droite) ; en cours d'après-midi, le département du Nord se trouve donc dans une configuration de traîne active.



Ce flux perturbé circule entre des hautes pressions bien étendues sur le sud de l'Europe et un vaste minimum dépressionnaire étiré de l'Islande à l'Ecosse et à la Scandinavie (ci-dessous à gauche). Les précipitations reconstituées par modèle sont conséquentes (à droite), ce que confirment les relevés de l'époque (14 mm relevés durant cette journée du 25 novembre 1880 à Lille, et 15 mm au Cateau-Cambrésis situé à proximité de Cambrai) :



A
En somme, cette tornade s'est formée dans un contexte relativement classique pour les tornades de saison froide sur le nord du pays, à savoir une traîne active dans un flux perturbé océanique rapide et dynamique.


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