Les violents orages des 18 et 19 août 1890 : tornades, grêle, rafales de vent et fortes pluies
Un épisode orageux particulièrement sévère a balayé la France durant ces deux journées. Il s'est organisé dans un rapide flux de sud-ouest, au sein d'une masse d'air très chaude et instable.
Situation météorologique globale
Cet épisode orageux intense s'est développé, selon toute vraisemblance, à l'avant d'un axe dépressionnaire d'altitude étiré sur le proche Atlantique (thalweg). C'est du moins ce qui ressort de l'analyse des données issues du programme de réanalyse par méthode ensembliste de la NOAA (ESRL/PSD).
Ces informations sont retraitées sur l'animation ci-dessous, qui présente une simulation d'image satellite, couplée à une reconstitution des zones de précipitations et au traçage des isohypses à 500 hPa. Ceci permet de mettre en évidence les grandes lignes de la situation synoptique que l'on peut considérer comme la plus probable durant cette période, soit entre le dimanche 17 août et le mercredi 20 août 1890.
Une dégradation orageuse qui débute le dimanche 17 août 1890
Après une journée du 15 août 1890 sans orages, le samedi 16 août voit une activité orageuse ordinaire se développer sur le sud de l'Aquitaine, ainsi que sur les Alpes et le Jura. Un orage isolé est signalé près de la Rochelle, en Charente-Maritime.Le dimanche 17 août, le flux s'oriente plus nettement au secteur sud-ouest et la masse d'air s'instabilise sensiblement (voir carte ci-dessous à gauche). Des orages se forment dès le début de journée sur la Gironde et la Charente-Maritime. Ils progressent ensuite vers le Centre au fil des heures. Dans le courant de l'après-midi, tandis qu'une dépression se creuse progressivement dans le Golfe de Gascogne (carte ci-dessous à droite), l'activité orageuse prend de l'ampleur et concerne en soirée toutes les régions qui s'étirent de la Normandie et du Nord - Pas de Calais jusqu'à la Lorraine et à la Franche-Comté. Des orages se forment également au pied des Pyrénées et de fortes rafales de vent provoquent des dommages entre Belvèze-du-Razès et Montbrun.
Réanalyses de la MUCAPE et de la pression réduite au niveau de la mer pour le dimanche 17 août 1890 à 12h09 et 18h09 (heure de Paris).
Les orages de la nuit du 17 au 18 août 1890
Dans la nuit du 17 au 18 août, un premier système orageux d'intensité modérée se développe sur l'Anjou et la Touraine puis gagne la Bourgogne, Champagne-Ardenne et la Lorraine. Très durable, il a probablement constitué un système convectif de méso-échelle (MCS).
Ainsi, à 3 heures, des orages sont signalés au Mans, à Châteauroux et à Nevers. A 4 heures, ces orages progressent vers Blois, Bourges et Clamecy. A 5 heures, ils passent Orléans, Beaune, Tonnerre et Auxerre. A l'aube, vers 6 heures, les orages atteignent la Champagne, avant de gagner les Vosges vers 9 heures. Aucun dommage particulier n'a été signalé sous ces orages nocturnes.
En périphérie de ce système orageux organisé, d'autres foyers orageux se forment en toute fin de nuit et début de matinée sur la Normandie, la Picardie et l'Ile-de-France. Entre 8 heures et 9 heures, le tonnerre gronde d'Amiens à Saint-Quentin.
Quelques orages sont également signalés en fin de nuit sur la Savoie, le Massif Central, ainsi que sur le Vaucluse, l'Aude et les Pyrénées-Orientales.
Les orages du lundi 18 août 1890



De très fortes rafales de vent sont signalées sous ces orages, notamment dans le Cantal, dans la Creuse ou encore dans la Nièvre. De violentes chutes de grêle et des rafales de vent destructrices provoquent également de nombreux dommages en Côte-d'Or.
Ces orages gagnent la Franche-Comté en fin de soirée, ainsi que la Lorraine, et débordent vers la Champagne d'une part, et sur la Savoie et la Haute-Savoie d'autre part. Des grêlons de 5 cm de diamètre sont recueillis dans la Marne. D'importants dégâts liés au vent sont signalés sur le Jura et les Vosges.

Les orages de cette journée du 18 août donnent localement de forts cumuls pluviométriques. Ainsi, en 24 heures, on relève 24 mm à Aurillac (Cantal), 26 mm à Hucqueliers (Pas-de-Calais), 28 mm à Gespunsart (Ardennes), 31 mm à Gournay-en-Bray (Seine-Maritime), 31 mm à Redon (Ille-et-Vilaine), 32 mm à Guigny (Pas-de-Calais), 36 mm à Sainte-Sévère-sur-Indre (Indre), 37 mm à Magnicourt-sur-Canche (Pas-de-Calais) et 48 mm à Alençon (Orne).
Mais le fait le plus marquant de cette soirée d'orages violents est la formation de deux tornades :
+ la première survient sur la commune de Domagné, en Ille-et-Vilaine. D'intensité EF2, elle frappe 7 communes sur une distance totale de 16 kilomètres. Sur son parcours, elle endommage des toitures d'habitation, déporte un attelage, disperse des meules de foin et brise des arbres adultes de toutes essences.
+ la seconde, environ 3 heures plus tard, est une tornade de forte intensité (EF3) qui s'abat sur l'Eure-et-Loir ; elle traverse la ville de Dreux de part en part.
Les orages du mardi 19 août 1890

Quelques orages évoluent encore entre Aquitaine et Midi-Pyrénées, ainsi qu'à proximité des côtes de la Manche. Mais l'activité orageuse la plus marquée se concentre du Massif Central à la Franche-Comté et à l'Alsace. Les orages y sont plus nombreux et plus actifs durant l'après-midi et en soirée, tout particulièrement sur le nord des Alpes et le Jura.
C'est au sein de ces orages qu'une tornade de très forte intensité (EF4) s'abat sur la région de Saint-Claude, dans le Jura.