Observatoire français des tornades et orages violents

Orage en V diluvien sur le Gard le 14 septembre

Un violent orage a stationné sur une portion du département du Gard durant la matinée du 14 septembre. Gros grêlons, rafales de vent parfois supérieures à 100 km/h et surtout pluies diluviennes ont causé des dommages parfois sévères.
 

Des pluies diluviennes ciblées sur le Gard

Le système orageux à l'origine de ces violentes intempéries s'est formé peu après 07h locales et a connu trois phases successives :
* une première phase de stationnarité entre 08h00 et 09h00 sur le sud-ouest du Gard,
* une phase de lent transit vers le sud du Gard,
* une seconde phase de stationnarité entre 10h00 et 13h00 sur le sud du Gard.
 
Ses deux phases de stationnarité ayant été associées à une très forte activité précipitante, ce système orageux a réussi à produire des lames d'eau remarquables. De fait, les cumuls de pluie diluviens ont concerné une étroite portion à l'ouest/sud-ouest de Nîmes et une partie du bassin du Vidourle.
Bien que la lame d'eau radar estime à plus de 300 mm les cumuls les plus importants, les pluviomètres ont relevé jusqu'à 276 mm à Saint-Dionisy dont 111 mm en 1h et 20 mm en 5 minutes, ce qui illustre la violence des précipitations.
Il a également été relevé : 197 mm à Caissargues, 157 mm à Quissac, 122 mm à Nîmes-Courbessac.
 
L'animation radar ci-dessous présente l'évolution des précipitations par intervalle de 15 minutes, entre 07h30 et 13h30 locales :
 
 
 
Le bassin du Vistre a donc été fortement impacté, générant une crue très importante sur le cours d'eau. A Bernis, la côte du Vistre a atteint 3,56 m, se rapprochant à moins de 20 cm de la crue de référence d'octobre 1988.
 
 
 

Une activité électrique extrême

L'activité électrique relevée a été extrême pour la France, avec plus de 22000 éclairs détectés sur le seul département du Gard dont la moitié en 2h seulement, entre 9h et 11h locales.
A l'échelle communale, plus de 2200 éclairs ont été relevés à Nîmes, 1600 à Vauvert, 1200 à Saint-Gilles et 900 au Cailar. Une telle densité de foudroiement est peu fréquente en France et se rencontre sous structures peu mobiles, dont les régions méditerranéennes sont coutumières.
 
 

 

La cause : un orage en V typique

Les orages qui se sont abattus sur le Gard sont liés à une structure convective multicellulaire dite à propagation rétrograde. On désigne ainsi les orages qui s’alimentent de manière durable sur la même zone géographique au lieu de progresser, de manière classique, dans le sens du flux d’altitude. Cette caractéristique conduit ces orages à faire du quasi sur-place, et donc à produire des lames d’eau parfois considérables sur les zones concernées (parfois plus de 100 mm en 1 heure, et plus de 300 mm en quelques heures).
De fait, ce type d’orage s’organise autour d’un point d’alimentation quasi fixe, qui se matérialise par une colonne convective particulièrement active et profonde. Ceci est particulièrement spectaculaire sur les images satellite, puisqu’on peut y voir un « sommet pénétrant », à savoir un dôme de convection extrême qui vient pénétrer dans la basse stratosphère. Celui-ci peut générer des ondes de gravité (bien identifiables sur les images en canal visible), et surtout se distingue par une température sensiblement plus froide que les sommets nuageux environnants (analyse en canal infrarouge).

Dans certains cas, la signature thermique des sommets nuageux prend une allure dite en V. Concrètement, on remarque dans ce cas que le sommet pénétrant froid est assorti de deux branches divergentes de sommets froids (en forme de V), et que la zone située sous le vent du sommet pénétrant présente des sommets plus bas et donc nettement plus chauds (« traîne chaude »). Or ces signatures thermiques sont associées à des systèmes orageux très bien structurés et donc durables, avec une forte propension à produire des phénomènes orageux intenses. C’est précisément ce qui a été observé et qui s'est vérifié ce 14 septembre en matinée sur le Gard.

L’image satellite ci-dessous montre le système orageux au maximum de son activité, vers 11h locales ; elle présente tous les éléments caractéristiques d'une signature en V. La zone la plus active est localisée à proximité du sommet pénétrant, en bordure ouest du système, soit sur le département du Gard ; la température minimale du sommet a avoisiné -75°C, ce qui est particulièrement froid sous nos latitudes.
 



L’animation ci-dessous montre l’évolution de cet orage durant son cycle de vie, par intervalle de 1 heure, entre 07h (initiation) et 14h locales (dissipation). On identifie bien les deux phases successives de stationnarité :

 
 
Le développement de ce type de structure nécessite une instabilité marquée et des cisaillements de vent propices. Le radiosondage de Nîmes-Courbessac tiré à 11h UTC montrait une instabilité proche de 2000 J/kg. La masse d'air pouvait donc supporter le développement d'orages puissants.
En outre, la colonne troposphérique était dotée d'un potentiel précipitable très élevé avec 48,8 mm (PW), soit une valeur traduisant un potentiel pluvieux extrême.
Enfin, les cisaillements était prononcés en vitesse et en direction, avec un flux de sud-est en basse couche virant à l'ouest/sud-ouest au-dessus de 3000 m d'altitude. Cette structure de cisaillement est critique et peut occasionner des orages stationnaires, à propagation rétrograde.
 
 
 

Quelques antécédents d'orages en V en France

Même si les orages en V ne sont pas courants en France, il ne s'agit pas d'un phénomène exceptionnel et leur occurrence ponctuelle sur nos régions est connue de longue date. Les régions méditerranéennes y sont particulièrement exposées en raison de leur configuration géographique particulière. En voici quelques exemples :
* orage en V et pluies intenses en Haute-Loire le 6 août 2019
* supercellules et orage en V sur le Massif-Central le 13 juin 2017
* orage en V et pluies diluviennes sur le Languedoc le 12 septembre 2015
* orage rétrograde diluvien sur le Gard les 8 et 9 septembre 2002

 

Vidéos des intempéries

Quelques vidéos filmées pendant et après l'épisode témoignent de la violence des intempéries à l'ouest et sur Nîmes :