Observatoire français des tornades et orages violents

Hiver 2021 : des orages peu actifs, gros déficit sur le tiers nord

L'hiver 2020-2021 s'est révélé globalement plus doux que la normale en France. L'activité orageuse, un peu plus franche en décembre, est restée relativement modeste tout au long de la saison. Les régions du nord observent un déficit d'orages marqué.

Orage dans le secteur de Toulon le 1er janvier 2021 - Janis Brossard
 
 

Des orages rares sur le tiers nord

Sur les trois mois d'hiver, la France compte 45 jours d'orage soit 4 jours de plus que la moyenne 2009-2020, et 7 jours de plus que l'hiver précédent. Au cours de cet hiver 2021, c'est le mois de décembre qui, comme l'année passée, a été le plus orageux en terme de fréquence, suivi à égalité par janvier et février.
 
La Corse est la région de France ayant enregistré le plus de jours d'orage durant ces trois mois d'hiver avec 17 à 18 jours. Viennent ensuite les Landes (15 jours), les Pyrénées-Atlantiques et la Gironde (11 jours), les Alpes-Maritimes (9 jours), le Var (8 jours), les Bouches-du-Rhône et les Hautes-Pyrénées (7 jours).
A l'inverse, 20 départements métropolitains n'ont enregistré aucun jour d'orage durant cet hiver. Ces derniers sont très majoritairement situés au nord de la Seine et sur le nord-est du pays.
Il faut ajouter Paris mais cela est à relativiser compte tenu de la superficie de ce territoire.
 
Par rapport à la moyenne 2009-2020, c'est sur les Landes que l'anomalie positive est la plus marquée avec un excédent de +6 jours d'orage. On observe globalement une anomalie positive sur les Alpes-Maritimes, la Corse-du-Sud et les Hautes-Pyrénées (+4 jours). Les excédents deviennent ensuite peu marqués, tout au plus +1 à +2 jours sur le sud-ouest ou sur les Alpes du Nord.
A l'inverse, les déficits sont importants au nord de la Seine, où ils atteignent -7 jours sur la Seine-Maritime, -6 jours sur la Somme et la Manche, -5 jours sur l'Eure, -4 jours sur de nombreux autres départements s'étendant du Finistère à la Lorraine
 
A noter que les orages ont été rarement forts durant l'hiver. On ne comptabilise en effet que 5 jours avec orage fort et 2 avec orage violent. Les critères ont été remplis en raison de violentes rafales sous orage ou de tornades au passage de traînes.
 
 
 

Nombre de jours d'orage (à droite) et écart à la moyenne 2009-2020 (à gauche)
 
 
 
Si l'on considère l'indice de sévérité orageuse (I.S.O.) moyen de cet hiver, le score ressort à 0,39, soit une valeur bien inférieure à la moyenne de ces 12 derniers hivers.
 
 

Un hiver instable mais irrégulièrement orageux

A échelle nationale, cet hiver 2021 présente un excédent d'instabilité remarquable de +124%, soit un excédent nettement plus marqué que l'hiver précédent (+27%). De fait, cet hiver se positionne au 3ème rang des hivers les plus instables depuis les années 1940, derrière les hivers 1977 et 1979 qui conservent respectivement leurs première et deuxième place. Cet excédent d'instabilité a été permanent durant les trois mois d'hiver, avec un excès plus particulièrement marqué en décembre. 
 
Même si l'ensemble des régions a été concerné par cet excédent d'instabilité, la situation a été plus sensiblement instable dans le quart sud-ouest du pays ainsi qu'aux abords de la Corse. En effet, sur ces régions, l'hiver 2021 arrive fréquemment en deuxième position des hivers les plus instables, et c'est d'ailleurs là que les anomalies de jours avec orage ont été les plus significatives. Au nord de la Loire, l'excédent est généralement plus modeste, et il a été associé à des configurations peu propices aux orages ; de ce fait, l'excédent d'instabilité s'est plus rarement traduit en activité orageuse.
 
Anomalie de l’instabilité latente (MUCAPE) durant l'hiver 2020-2021
 

Quels régimes de temps ont dominé cet hiver ?

En moyenne, au cours de ces trois mois, la configuration synoptique a été nettement dominée par des conditions dépressionnaires sur l'Europe de l'ouest. Ainsi, en altitude, on note la présence de bas géopotentiels centrés en moyenne entre Irlande et Bretagne (carte ci-dessous à gauche), et de hauts géopotentiels calés entre l'est du Canada, le Groenland et le Svalbard. Dans cette configuration, le flux perturbé océanique a été régulièrement actif, et bien alimenté en air froid à l'étage moyen, ce qui a occasionné des épisodes pluvieux répétés, parfois bien venteux, suivis par des traînes actives qui rassemblent l'essentiel des jours d'orage de cette saison.

Si l'on se place au niveau du sol (pression réduite au niveau de la mer, ci-dessous à droite), on note une configuration très voisine de celle observée en altitude. La position de l'anomalie basse de pression la plus marquée (entre Manche et Irlande) a favorisé d'une part les périodes de temps océanique perturbé et agité, plus doux que la normale et très pluvieux ; mais aussi des intrusions temporaires de masses d'air continentales polaires en provenance de Scandinavie et de Russie, lorsque les minimums dépressionnaires se sont temporairement dirigés vers des latitudes un peu plus basses
. En effet, dans ces configurations, le nord de la France se trouve soumis à des vents d'est à nord-est, qui ont véhiculé, notamment en février, un temps sec et froid.
 
 

Anomalie des géopotentiels à 500 hPa (à gauche) et de la pression réduite au niveau de la mer (à droite)
 
 

Un hiver doux et instable

Les deux cartes ci-dessous présentent l'anomalie du l'instabilité latente et de la température à 850 hPa (vers 1.500 mètres d'altitude) durant l'hiver 2020-2021.

On remarque que l'excédent d'instabilité observé en France (teinte orangée sur la carte ci-dessous à gauche) a concerné l'ensemble de l'Europe, en lien avec des températures souvent trop douces en basses couches et à l'inverse des circulations plus froides à l'étage moyen. A l'échelle de l'hémisphère nord, la situation est toutefois plus contrastée, avec des conditions anormalement stables sur la Russie et les Etats-Unis notamment. On note également des zones sensiblement plus stables que la normale sur la corne de l'Afrique ou encore l'Atlantique tropical sud.
 
Si la température au sol a été excédentaire durant cet hiver sur la France (avec une anomalie moyenne proche de +1°C), les températures en altitude ont présenté à l'inverse des écarts à la normale négatifs. Ainsi, au niveau de la température de la masse d'air à 850 hPa (vers 1.500 mètres d'altitude), la carte ci-dessous à droite met en évidence une anomalie négative d'environ -0,5°C. Cette anomalie fraîche a concerné également les Iles Britanniques, et s'est étendue, de manière nettement plus nette, jusqu'aux Canaries. Contrairement à l'hiver 2019-2020, on note des conditions nettement plus froides que la normale sur l'ensemble de la Russie. C'est néanmoins la douceur qui a prédominé sur une grande partie de l'Europe et de l'Afrique, et plus encore entre Canada et Groenland où l'anomalie saisonnière est remarquable et dépasse +4°C.
 
 
 
 Anomalie de l'instabilité latente (à gauche) et de la température à 850 hPa (à droite)