Observatoire français des tornades et orages violents

Retour sur la plus forte tornade de l'année 2013

Le 20 mai 2013, une violente tornade, classée EF5, frappait la région de Moore (Oklahoma), provoquant 24 morts et près de 400 blessés sur son passage. Cette tornade reste la plus forte tornade enregistrée dans le monde cette année. 

 
Tornade EF5 de Moore, photographiée quelques minutes avant sa phase la plus violente.
Tornade EF5 de Moore, photographiée quelques minutes avant sa phase la plus violente.
 
 

Des rafales supérieures à 320 km/h

C'est à 14h56 CST, ce 20 mai 2013, que le premier contact au sol de ce qui devait être la plus forte tornade de l'année 2013 est établi. Les premiers dégâts sont observés à 7 km à l'ouest de Newcastle, sur le comté de Grady (Oklahoma).
 
Ils relèvent dans un premier temps d'un niveau de dommages EF0, puis la tornade entre dans un cycle d'intensification particulièrement rapide. En moins de 10 minutes, le tourbillon s'emballe pour générer des rafales qui avoisinent 300 km/h (intensité EF4) en approchant la route Interstate 44. Elle faiblit un peu par la suite avant de regagner en violence au moment d'aborder la ville de Moore.
 
Elle atteint alors son intensité maximale (EF5), frappe durement l'école primaire Briardwood et pulvérise de nombreuses maisons. Les vents au sol sont alors estimés entre 320 et 340 km/h compte tenu des dégâts observés. Elle traverse ensuite toute la ville en présentant une intensité essentiellement EF4, détruisant de multiples infrastructures et plus d'un millier de bâtiments divers (habitations, commerces, établissements publics,...).
 
En quittant Moore, la tornade entre en phase progressive de dissipation, puis finit par se limiter à un cordon nuageux tortueux avant de disparaître. Au total, le contact au sol aura duré 39 minutes, pour une trajectoire de 27 km. La tornade laisse derrière elle 24 morts et environ 380 blessés, faisant d'elle la tornade la plus meurtrière aux Etats-Unis depuis celle de Joplin (Missouri), qui causa 158 décès le 22 mai 2011.
 
 
Dévastations à Moore (Oklahoma), après le passage de la tornade du 20 mai 2013.    Dévastations à Moore (Oklahoma), après le passage de la tornade du 20 mai 2013.
 
 
Couloir de dégâts laissé par la tornade de Moore du 20 mai 2013.
 
 
 

Une vidéo inédite, filmée par des chasseurs d'orages français

Une équipe de chasseurs d'orages français était sur place ce jour-là, et a pu filmer la tornade ainsi que les dommages qu'elle a causés. La vidéo, qui présente des images inédites de cet événement, a été diffusée au public ce dimanche 22 décembre.
 
 
Il s'agit en l'occurrence du 4ème épisode d'une série documentaire consacrée aux tornades et aux orages américains, filmée durant le printemps 2013. Cette série illustre de manière à la fois passionnée et didactique la puissance des orages outre-Atlantique.
 
 

Une supercellule particulièrement puissante

La tornade de Moore a été générée par une virulente supercellule. On désigne ainsi les orages qui présentent la particularité d'être alimentés par une colonne d'air chaud ascendant en rotation. Cette rotation est alors associée à un mésocyclone, à la fois profond et durable.
 
L'imagerie radar ci-dessous à gauche (fig.1) présente de manière remarquablement nette la structure en crochet, typique des supercellules. La tornade s'apprête ici à frapper Moore, et génère d'ailleurs des "debris balls" qui viennent accentuer les réflectivités dans cette zone.
 
     
Fig 1 : image radar composite (à gauche) Fig 2 : imagerie doppler vents relatifs (au centre) - Fig 3 : image satellite visible HR (à droite)
 
 
Les vitesses radiales mesurées par l'analyse doppler sont tout à fait caractéristiques, avec un dipôle net immédiatement au sud de Moore (fig. 2). Cela trahit la présence d'un mésocyclone et, dans ce cas, de la tornade.

L'imagerie satellite visible haute résolution (fig.3) montre pour sa part que cette supercellule s'est développée au sein d'un système convectif linéaire puissant. Ce dernier s'est structuré le long d'une "dry line" très marquée. De multiples sommets pénétrants, mettant en évidence l'ampleur de la convection profonde, se distinguent parfaitement.
 
 

Remarque sur l'activité électrique de cet orage

Il est intéressant de noter que la vidéo filmée par l'équipe de chasseurs français confirme les témoignages des victimes, faisant état d'une activité électrique peu marquée. Pourtant, les détecteurs de foudre (réseau TLN) ont mesuré une activité électrique forte au sein de cette cellule, avec des pics jusqu'à 50 éclairs par minute. Mais l'essentiel de ces décharges étaient intranuageuses, et de ce fait invisibles en plein jour.
 
On retrouve là une des caractéristiques souvent rencontrées dans les orages supercellulaires en phase tornadique. Ces derniers tendent en effet régulièrement à produire une très forte activité électrique intranuageuse pendant leur intensification, celle-ci précédant généralement de quelques minutes le début de la phase tornadique. Ces décharges intranuageuses sont souvent accompagnées de quelques chutes de foudre positives.
 
Ce type d'observation a déjà été fait en France, comme par exemple lors de la tornade de Hautmont, qui a dévasté plusieurs communes du Nord le 3 août 2008, en atteignant une intensité EF4. A cette occasion, la cellule orageuse, de nature supercellulaire, avait été décrite par les témoins comme productrice d'une activité électrique quasi incessante. Pourtant, seule une dizaine d'impacts au sol ont été détectés par le réseau Météorage dans la région de Hautmont, essentiellement de polarité positive.
 
 

Un contexte météorologique propice aux tornades violentes

La situation météorologique était particulièrement propice aux orages violents et aux tornades ce 20 mai 2013. Une information spéciale avait d'ailleurs été émise sur notre site dès le 17 mai, compte tenu du potentiel remarquable qui était attendu pour le 20 mai.
 
En l'occurrence, tous les ingrédients nécessaires à la formation d'orages supercellulaires étaient rassemblés ce jour-là, notamment aux abords de l'Oklahoma, avec la présence conjointe d'une très forte instabilité latente (MUCAPE > 4.000 J/kg, MULI < -10 K), essentiellement consécutive à un afflux d'air très humide et très chaud en basses couches, associée à de forts cisaillements (près du sol comme en profondeur) et à un contexte synoptique dynamisé par une forte diffluence d'altitude à l'avant d'un thalweg progressant par l'ouest.
 
Le caractère potentiellement extrême de cette situation est bien illustré par le radiosondage réalisé le 20 mai à 12 heures UTC à Norman, en Oklahoma (début de matinée en heure locale). On y remarque notamment une instabilité latente particulièrement marquée (MUCAPE de 4.084 J/kg), inhibée par une forte inversion en basses couches (MUCIN de -112 J/kg). Le MULI atteint -13 K. Les cisaillements profonds dépassent 20 m/s, tandis que l'hélicité relative atteint 171 m²/s² sur l'épaisseur 0-1 km, 226 m²/s² sur 0-2 km et 258 m²/s² sur 0-3 km.
Ce type de profil supporte sans difficulté une convection à la fois profonde et sévère, avec risque supercellulaire élevé :
 

Profil vertical du radiosondage réalisé à Norman, Oklahoma, le 20 mai 2013 à 12Z. (c) KERAUNOS

 

A-t-on déjà connu des tornades d'intensité EF5 en France ?

A ce jour, deux tornades d'intensité EF5 sont recensées en France :
+ la tornade de Montville, en Seine-Maritime, le 19 août 1845
+ la tornade de Palluel, dans le Pas-de-Calais, le 24 juin 1967
 
Ainsi, même si elles sont rares, les tornades violentes ne sont pas inconnues sur notre territoire.
 
 

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