Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF0 à Lambersart (Nord) le 24 octobre 2010

Une tornade de très faible intensité (EF0) est brièvement ressentie dans une cité de la commune de Lambersart (Nord), le 24 octobre 2010, à 17h15 locales. La structure convective à l'origine du phénomène, qui a été vue et photographiée, s'est constituée en périphérie arrière droite d'une cellule orageuse productrice de chutes de grêle abondantes sur l'agglomération lilloise.

Principales caractéristiques de la tornade

intensité maximale : EF0, soit des vents estimés de 105 km/h à 135 km/h
distance parcourue : 100 mètres
largeur moyenne : 10 mètres

commune traversée : LAMBERSART (cité Richez, rue Gabrielle Bouveur)

département : NORD (59)
altitude moyenne du terrain : 20 mètres
type de terrain : tissu urbain discontinu

principaux dégâts: faîtières de toitures enlevées, toitures endommagées (<20%), un roulement de persienne arraché, un toit en plexiglas aspiré et projeté aux alentours dans une cour intérieure, projection de tuiles sur une habitation dont l'une des vitres a volé en éclats

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, 
mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.

Parcours de la tornade


Photographies du phénomène

Le phénomène a pu être photographié depuis Lille, environ 4 minutes après le contact au sol et à une distance d'environ 2300 mètres. La phase tornade s'est produite lorsque le phénomène était caché par l'alignement des immeubles de droite, et il n'est devenu visible depuis le point d'observation qu'environ 2 minutes plus tard, une fois le rideau de grêle évacué. Il ne restait alors plus qu'un tuba relativement court, en phase de rétractation. Il est donc impossible de dire dans quelle mesure le tuba s'est davantage prolongé visuellement vers le sol lorsque l'impact des vents rotatifs au sol s'est produit.

 
© MAHIEU-WESOLEK / KERAUNOS / Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

La carte ci-dessous présente au point A le lieu de prise de vue du cliché (Lille), au point B la zone d'impact de la tornade (Lambersart) et au point C la localisation du tuba résiduel lorsque le phénomène a pu être photographié, une fois évacuées les chutes de grêle qui s'abattaient sur Lille :
 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 
Il est intéressant de noter qu'une autre colonne convective d'alimentation périphérique arrière présentant elle aussi une très forte et très nette rotation cyclonique à sa base a transité au zénith de la ville de Lille au même moment et également en bordure arrière droite immédiate du rideau de grêle. La vitesse de rotation observée était relativement irrégulière et présentait des phases d'accélération spectaculaires. Aucun tuba visible et structuré n'est toutefois parvenu à se former sous ce misocyclone. La photo ci-dessous présente la zone en forte rotation lors de son passage sur le Vieux-Lille.
 
 © MAHIEU-WESOLEK / KERAUNOS / Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents
 

Photographies des dégâts

Une enquête de terrain a été effectuée par Keraunos. Elle fait apparaître un couloir de dégâts, très circonscrit mais très net, sur une trajectoire d'une centaine de mètres et une largeur maximale de 10 mètres.
 
© Keraunos (fond de carte : Googlemaps)

A    Cité Richez
B    Rue Gabrielle Bouveur

A   Dégâts recensés sur la cité Richez

La cité Richez forme un îlot d'habitations clos de 100 mètres de longueur, évasé à son extrémité nord-ouest. Un couloir principal dessert successivement quatre cours intérieures, chacune étant délimitée par quatre alignements de maisons ouvrières en briques à un étage, percées d'une voûte qui permettent une communication complète à l'ensemble de la cité. Si les cours intérieures offrent par conséquent une prise au vent très faible, elles sont en revanche propices à une intensification locale (phénomène d'engouffrement) liée à leur situation encaissée.  

Détail sur la cité Richez:
© Keraunos (fond de carte : Googlemaps)
 
Concernant les débris de la cour n°2, ils étaient déjà ramassés et entassés au moment de l'enquête. La cour n°2 a donc été endommagée, bien que l'alignement n°2 qui la précède n'eut à souffrir aucun dommage sérieux.

De nombreuses tuiles, arrachées à la toiture, avaient déjà été remplacées lors de la prise de vue. On retrouve cependant la localisation des dégâts d'origine, en raison de la teinte plus foncée constatée sur les tuiles nouvellement posées.

 
B   Dégâts recensés dans la rue Gabrielle Bouveur:

Face à l'entrée de la cité Richez, plusieurs tuiles projetées ont fait voler en éclats les vitres d'une fenêtre de la maison portant le n°106:
 
© MAHIEU-WESOLEK / KERAUNOS / Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

En définitive, compte tenu de l'absence de rafales descendantes significatives observées lors du passage de ces orages de grêle (vent faible à modéré non rafaleux), autant à Lille qu'à Lambersart, de la présence de stigmates d'une forte aspiration verticale sur les infrastructures endommagées qui, pour certaines d'entre elles, ne présentaient qu'une prise au vent marginale et donc peu sujette à dommages lors de rafales convectives classiques, de l'extrême concentration de ces dégâts et de la soudaineté du phénomène (cf. témoignages ci-dessous), la conclusion d'une tornade brève et de très faible intensité s'impose. Cette conclusion est étayée en outre par l'observation simultanée et précisément dans l'axe de la zone touchée d'un tuba, quatre minutes après l'heure de survenue des dégâts. Par ailleurs, un second misocyclone vigoureux était observé au même moment au zénith de la ville de Lille, soit à 2 km du tuba, confirmant la forte propension rotative des cellules convectives qui transitaient sur la région lilloise à ce moment-là.
 

Témoignage

Deux témoignages précieux, recueillis auprès des habitants de la cité Richez, ont permis de retracer la chronologie des événements:

Témoin n°1 : "J’étais à l’intérieur, chez moi. Je n’ai donc pas vu le phénomène arriver. Il a d’abord plu, puis il est tombé de la grêle. Une rafale de vent extrêmement brève (2 secondes) avec des bruits de tôles et de tuiles, a balayé la cour. Le vent a traversé la cité, mais uniquement le milieu, en épargnant les maisons autour.
Question : le phénomène est-il survenu avant, pendant ou après la grêle ?
Réponse : le phénomène est survenu après la grêle, ensuite tout s’est arrêté et le soleil est revenu"

Témoin n°2 : "Je n’étais pas présent lors du phénomène ; par contre, mes enfants, si. Ils sont traumatisés. Ils ont décrit un vent très intense et d’une durée extrêmement brève. Ils ont eu très peur à cause du bruit des tuiles qui tombaient un peu partout. La toiture en plexiglas de l’extension d’une maison voisine [petit bâtiment de 2 m de haut] a été soulevée. Comment voulez-vous qu’un vent normal réussisse à détruire ce toit qui est censé être protégé par les maisons qui l’entourent ? C’est vraiment très bizarre ; il y a des tuiles qui sont allées détruire le carreau d’une maison située devant l'entrée de la cour, de l’autre côté de la rue Bouveur. Ma maison n’a rien eu, pourtant celle du voisin a été endommagée [sous le vent]. Chose étrange, les toitures du côté par où le phénomène est arrivé n’ont rien eu, alors qu’elles sont en moins bon état. Même ma toiture, de ce côté-là, est dans un état moyen, elle aurait dû être endommagée. Vous avez vu en face ? Le roulement du volet a été arraché".

Coupure de presse

La Voix du Nord évoque le phénomène dans ses éditions du 25 et du 26 octobre 2010:

Une forte bourrasque fait des dégâts cour Richez, à Lambersart

La bourrasque n'a duré que quelques minutes, dimanche vers 17h15. Suffisamment pour faire des dégâts dans six maisons de la cour Richez, rue Bouveur dans le quartier de Canteleu, à Lambersart. ...

Vincent Verbeke était chez lui quand ça a commencé : « D'abord une pluie battante, puis quelques grêlons, et enfin, une bourrasque ». Le Lambersartois ne pourra que constater les dégâts : sa toiture est abîmée, les faîtières se sont envolées. Le lendemain (hier), plusieurs voisins se sont retrouvés dans la petite allée pour comparer leur infortune. Chez une vieille dame, la toiture de l'extension à la petite maison est désormais béante... et la tôle ondulée, composée d'amiante, repose le long des murs. « C'est les vacances et les gamins jouent tout près », s'inquiète un riverain. La maison juste en face de celle de Vincent Verbeke a la cour couverte de tuiles, la persienne est de travers, tout comme la gouttière. « A la mairie, on m'a dit que c'était trop localisé pour pouvoir demander le classement en catastrophe naturelle », regrette le jeune homme. Comme ses voisins, il préparait hier son dossier, en espérant se faire indemniser au mieux par son assureur.

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