Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Seclin (Nord) le 10 décembre 2000

Une tornade de faible intensité (EF1) touche la commune de Seclin (Nord) le 10 décembre 2000 en milieu de journée. Le phénomène, qui a été vu, provoque quelques dégâts matériels.
 
La tornade de Seclin s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 3 cas pour la journée du 10 décembre 2000, dont celui la tornade EF3 de Houdain (Pas-de-Calais) et la tornade EF1 de Mourmelon-le-Grand (Marne).
 

Principales caractéristiques de la tornade

* intensité maximale : EF1, soit des vents estimés entre 135 km/h et 175 km/h
* distance parcourue : 1,9 kilomètre (trajectoire minimale certaine)
* largeur moyenne : indéterminée

* commune traversée : SECLIN (les Aviateurs, rue du Quatorze Juillet, voie de chemin de fer)
* département : NORD (59)
* altitude moyenne du terrain : 27 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu

* principaux dégâts : arbres déracinés (feuillus) ; toitures partiellement envolées (la moitié d'une couverture est emportée) ; pergola de treize mètres entièrement emportée, dont l'armature est passée au-dessus d'une maison (débris emmenés à 50 mètres)

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

 
 
 

Un sifflement inhabituel

La tornade de Seclin s'est manifestée durant une journée exceptionnelle dans les Hauts-de-France, marquée par une très forte instabilité dans un contexte tempétueux. Cette situation est à l'origine d'une ligne de grains très active, qui a balayé la région Nord-Pas de Calais d'Ouest en Est, et provoqué sur son passage de très nombreux dégâts venteux. A ce jour, au moins trois tornades (dont l'une dans la Marne) ont été recensées, sans toutefois en connaître la distance totale parcourue en l'absence d'enquête de terrain.

P. Mahieu, témoin du phénomène, nous livre ses impressions : "Le temps était orageux et l'atmosphère pesante. Il n'y avait quasiment pas de vent. Le ciel se parait de teintes verdâtres vers le sud-ouest et quelques coups de tonnerres caverneux se faisaient entendre. Tout ceci laissait présager une dégradation dans la minute. Le ciel s'est sérieusement obscurci et, quittant mon point d'observation, je suis retourné à mes occupations. En l'espace de quelques dizaines de secondes, le temps s'est fortement dégradé: d'abord un gros coup de tonnerre mêlé à de la pluie, puis un peu de grêle, puis le vent s'est brutalement levé d'une façon inhabituelle. Intrigué par un sifflement aigu et par le tremblement de la toiture de la cuisine, je me suis précipité vers l'extérieur: une base nuageuse extrêmement basse et filant à vive allure était à l'origine de cette agitation. C'était une tornade, dont les contours étaient à peine définis (une quinzaine de mètres tout au plus à la base), mais dont la rotation cyclonique était parfaitement visible grâce aux quelques débris qu'elle transportait. Il n'a fallu que quelques secondes pour qu'elle disparaisse et prenne la direction du quartier de Burgault. Il était 13h45 locales. Après son passage la température a chuté. La tornade est donc passé à quelques dizaines de mètres de notre habitation mais son influence au sol était prononcée: les tremblements de la toiture étaient causés par l'aspiration générée par le tourbillon.

Après m'être renseigné, la tornade a frappé le quartier des Aviateurs avant d'emprunter ma rue. Là, une habitation a perdu une grande partie de sa couverture. Peu avant, c’est la vitre d’un abribus qui a volé en éclats.

Le phénomène venteux aurait poursuivi son chemin au-delà de l'autoroute A1. A cet endroit d'ailleurs, plusieurs panneaux se sont envolés et ont été propulsés sur des arbres ou près de l'axe routier. Le risque d'accident était maximal. En consultant la presse, j'ai appris qu'une camionnette de fret avait été retournée sur une des pistes d'atterrissage de l'aéroport. La liaison entre ce phénomène et le mien peut être établie, même si elle n'est pas certaine. Faute d’enquête de terrain effectuée avant et après la zone touchée, la trajectoire certaine de la tornade ne peut aller au-delà de la voie ferrée."

Coupure de presse

La journée du 10 décembre 2000 est marquée par de nombreux phénomènes venteux destructeurs. La Voix du Nord consacre plusieurs pages à ces événements, dont la tornade de Seclin dans son édition du 12 décembre 2000:
 
A Seclin, une mini-tornade sur les Aviateurs

« Cela ressemblait au bruit d’un avion qui décolle. Je suis sorti, mais quand j’ai vu les tuiles voler, j’ai préféré revenir à l’abri. » Sage précaution qu’a eue cet habitant des Aviateurs : si la mini-tornade qui a touché le quartier, dimanche à 13h45, a provoqué des dégâts matériels sans commune mesure avec ceux observés dans le Pas-de-Calais ou à Sainghin-en-Weppes, elle a été courte (quelques secondes, selon un témoin) mais violente.

On ne déplore aucun blessé. Mais c’est presque un miracle. Ainsi, la tornade, qui est arrivée par l’ouest, a arraché la pergola de quelques treize mètres, installée dans le jardin de M. Derville, 76 rue d’Artois : l’armature métallique s’est envolée par-dessus la maison pour percuter l’habitation de M. et Mme Duthoit, au n°43. Là, des tuiles ont été arrachées, un chéneau et une gouttière détruits par les débris de ferraille, tandis qu’une voiture, stationnée dans l’allée de garage, était endommagée. Quand aux morceaux de plexiglas de la pergola, on en a retrouvé jusqu’à cinquante ou soixante mètres plus loin…

Les sapeurs-pompiers n’ont guère chômé (notre photo de droite) : une quinzaine d’interventions, dimanche, dans le quartier des Aviateurs, mais aussi rue du Quatorze-Juillet. Outre les tuiles envolées, la vitre d’un abribus a volé en éclats et des arbres ont été déracinés, notamment du côté de la rue de Chemy.


Gérard Baeyens, adjoint aux sports, et Robert Turpain, secrétaire général de la mairie, étaient sur place pour se rendre compte de l’étendue des dégâts. Et M. Turpain demande aux habitants qui ont subi des dommages de les signaler le plus vite possible auprès des services techniques de la mairie (03 20 62 91 22), afin de monter rapidement le dossier pour obtenir un arrêté de catastrophe naturelle. 
 

Analyse de la situation météorologique

La journée du 10 décembre 2000 est dominée sur l'ouest de l'Europe par un flux océanique perturbé et dynamique. La France est située dans l'axe d'un courant-jet d'ouest (voir ci-dessous à gauche) et un axe de thalweg de haute altitude, associé à une anomalie basse de tropopause, évolue en milieu de journée sur les régions du nord, positionnant les abords des Hauts-de-France dans une configuration de sortie gauche bien diffluente. Dans le même temps, à l'étage moyen, de fortes advections froides se présentent peu après 12h locales sur le Nord - Pas de Calais, en provenance du sud des Îles Britanniques (ci-dessous à droite).


Dans le même temps, près du sol, un front froid s'évacue à la mi-journée en direction de l'Aquitaine et de l'Alsace. Il est suivi par une onde secondaire (voir ci-dessous à gauche à 14h00 locales entre Bassin Parisien et frontières belges), qui affecte le nord du pays au moment où se présentent les advections froides en altitude (front froid secondaire). L'ensemble génère une forte instabilisation des profils verticaux au nord de la Seine, avec plusieurs centaines de J/kg de MUCAPE et des indices de soulèvement qui deviennent négatifs.


Ce front froid secondaire se matérialise sous la forme d'un système à forte composante convective, organisé en une ligne de grains arquée. Cette structure est d'ailleurs bien représentée par le reforecast réalisé avec le modèle WRF-ARW en résolution 3 km (voir les réflectivités composites produites par le modèle ci-dessous à gauche). Un jet de basses couches pénètre conjointement sur le Nord - Pas de Calais (plus de 50 noeuds vers 1.000 mètres d'altitude ; voir ci-dessous à droite) et produit de très forts cisaillements au passage de la ligne de grains. C'est à proximité immédiate de cette ligne de grains que se sont formées les tornades de Houdain et de Seclin.


De fait, le contexte était propice à la formation de tornades sous ce système convectif, grâce notamment à de très fortes valeurs d'hélicité relative dans les basses couches (> 300 m²/s² sur 0-1 km ; voir ci-dessous à gauche). La meilleure mise en phase entre cisaillements et instabilité est dès lors identifiée en milieu de journée au nord de Paris, entre Nord, Pas de Calais et Picardie. En témoignent les fortes valeurs du Tornado Index sur ce secteur (ci-dessous à droite).



En savoir plus sur les tornades

+  consulter  la  liste des tornades en France
+  découvrir  la  climatologie des tornades en France