Observatoire français des tornades et orages violents

Supercellules très électriques dans le Centre le 9 juin 2014

Le chasseur d'orages Damien BELLIARD livre son récit et ses clichés des orages du 9 juin 2014.


Je suis réveillé dès 5h du matin par le tonnerre d'un orage proche, chez moi à Bouzillé (SO d'Ancenis, 44). Malheureusement le temps de me lever, de préparer le matériel, que celui-ci déjà s'éloigne. Je dois me lever à 6h pour aller travailler de toute façon. Pendant mon travail, des orages qui ont l'air costaud se forment le matin même dans la région, dont une cellule déjà suspecte à l'Est de l'Anjou. Je dois me concentrer sur mon travail, dur dur, d'autant que j'ai déjà manqué l'épisode supercellulaire du dimanche la veille, également à cause du travail. Mais j'ai mon lundi après-midi et je suis bien décidé à ne rien rater de cette journée où les orages promettent d'être absolument dantesques (niveau 4 sur 4 de Keraunos).

10h du matin, ça y est, je suis libre. Les orages qui ont traversé l'Anjou et la Sarthe ce matin sont malheureusement déjà sur le bassin parisien. Ca ne sera donc pas pour moi. Je pars là où cela sera le plus violent selon les modèles, sur une ligne entre Chartres et Orléans. Direction donc Chartres, 3h de route.

Arrivé vers 14h au Sud-Est de Chartres. Il s'agit ici de la ligne orageuse qui a formé dans son extrémité Sud la fameuse supercellule qui a transité du Loiret vers l'Yonne dans l'après-midi. Me concernant j'étais situé plus au Nord-Ouest et donc j'ai pu observer ceci. Est-ce qu'on peut appeler ça un arcus ? A vrai dire je ne sais pas comment on peut appeler ce genre d'assiette de moyen étage, généralement cela se forme toujours accompagné d'un arcus en-dessous en basse couche, mais là apparemment non, pas d'arcus, juste l'assiette arquée de moyenne altitude. Je capture quelques coups de foudre comme celui-ci avec le détecteur, mais c'est très lumineux, obligé de surexposer un peu...

Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 

Je décide alors de me rapprocher de l'extrémité Sud-Est de cette ligne orageuse justement qui, au vu du radar, devient de plus en plus intéressante et même supercellulaire (splitting et déviation Est). Malheureusement, de nouvelles cellules orageuses se développent à l'avant et elle finit par me rattrapper. Je décide de ne pas foncer tête baissée dedans et m'arrête juste avant, à cause du risque de grêle, aussi je ne peux la contempler que depuis l'arrière. Je fais bien, des grêlons de plus de 9 cm de diamètre ont été repérés là-dedans. Si j'avais traversé ça pour me retrouver du coté intéressant (là où il y le mésocyclone) j'aurais probablement eu des dégâts.

De gros mammas se développent sous son enclume arrière. On aperçoit au loin à droite la colonne ascendante principale de l'orage mais elle s'éloigne de plus en plus de moi en allant du Loiret vers l'Yonne et même l'Aube.

Après ça, je rejoins l'équipe de Henri Buffetaut, Cyril Leroy et Olivier Momon sur un point de vue (Bromeilles) plus à l'Est. Nous y passerons le reste de l'après-midi dans l'attente des orages du soir car une pause semble se dessiner et nous ne savons toujours pas ce qui va se passer après. L'équipe de Jérémie Gaillard nous rejoint également. On finit par être une bonne dizaine de chasseurs au même endroit.

Mais nous nous quitterons tous en début de soirée, en effectuant tous différentes stratégies, alors que les cellules commencent à exploser vers Tours. Je ferai pour ma part équipe jusqu'à la fin avec Olivier Momon.

 
Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 
Oliver et moi décidons de nous rapprocher de la ligne qui se forme entre Tours-Blois-Pithiviers. Alors que nous cherchions justement à nous arrêter, nous voyons une voiture d'un chasseur arrêté au bord de la route. Nous le rejoignons (il s'agit de Yannick Morey) et contemplons tous les 3 le spectacle qui va suivre.
 

Un nuage-mur mésocyclonique gigantesque vient frôler notre position. D'abord peu discernable au loin, plus il se rapproche, plus le spectacle devient magnifique avec de fréquents éclairs intranuageux (peu de foudre malheureusement). Le voici alors qu'il n'était qu'à quelques km de notre position. La nuit vient de tomber. Des grêlons géants de presque 13 cm tomberont sous cette supercellule. La seconde de la journée donc. Nous avons bien fait de ne pas aller plus loin (on avait hésité au début). J'ai de quoi faire un time lapse plus tard, la base tournait énormément sur elle-même.

Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 

A peine 10 minutes séparent les deux photos. Alors qu'il nous passe devant et qu'on le voit maintenant de profil, le nuage-mur semble se recroqueviller sur lui-même en se concentrant. Une pluie très violente semble tomber juste derrière le nuage-mur, sans doute le RFD.

Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 
Le spectacle est magnifique. Le nuage-mur s'est totalement résorbé sur lui-même. Dans son RFD, la pluie (et sans doute même plutôt grêle) tombe très fort, à la limite de la microrafale. Ca flashait énormément en extranuageux tout autour. J'ai fait toute une succession de photos de ce genre. Un régal pour les yeux. Un nouvel orage aussi électrique s'est formé pratiquement au-dessus de nous juste à droite de la photo, d'où un certain danger. Mes 2 compères avaient alors remballé leur matériel par peur de la foudre. Yannick s'en ira même, nous ne le reverrons plus de la soirée. Et comble de l'excitation, une nouvelle supercellule se forme juste derrière à quelques kilomètres à peine, juste à gauche de cette photo.
 
 
Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 

Une autre supercellule arrive et sa configuration est un vrai cas d'école, avec le nuage-mur mésocyclonique bien visible également. Voici une photo avec un des très rares coups de foudre que j'ai pu photographier. Il s'agissait pourtant bien d'une pile électrique mais à 99% constituée d'éclairs intra ou extranuageux ne touchant pas le sol.

Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 

Cette supercellule nous passe également juste devant. Ici vu de profil. On voit que le RFD se forme également avec de la pluie très forte tombant juste derrière, des grêlons géants ont été repérés sous cette cellule.
 
Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 
Cet orage commence à s'éloigner de nous, et alors que la nuit est complètement tombée ; entre les flashs électriques on aperçoit un énorme tuba (limite tornadique) se former. L'excitation est au paroxysme. Malheureusement il ne durera pas longtemps et ne touchera pas terre. Mais quel spectacle !!!
 Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 
D'autres orages du même accabit et très électriques, avec des tourelles très suspectes se forment à l'arrière, mais on se rend compte que ça se rapproche de plus en plus de nous et sommes pile sur leur trajectoire. Un ami chasseur (Olivier Buhard) nous informe par téléphone que les grêlons sont géants et qu'il a son pare-brise détruit. On décide de s'éloigner vers l'Est vers le point de vue justement de l'après-midi. Mais la ligne orageuse se transforme en arcus, gagne en vitesse et fini par nous rattraper. Tous aux abris, ça va être violent (j'ai filmé ce passage). Le vent est très violent, la pluie très intense et il y a effectivement beaucoup de grêle, mais pas des géants. Ouf on a de la chance. Une fois la tempête passée, Olivier Buhard nous rejoint et nous allons nous poster vers Puzeaux (Est Pithiviers) essayer de faire de la photo de foudre avec les dernières cellules qui remontent encore. Voici une des rares photos de foudre réussies, malheureusement un peu surexposée. Sans doute un positif (ramifiactions en Y inversé) :
 
Orages du 9 juin 2014 - (c) Damien BELLIARD
 
 
A 3h du matin il est temps de rentrer. J'ai 4h de route environ et je commence le travail à 7h. Outch. Mission impossible donc, surtout sans sommeil, mais c'est ça c'est une autre histoire et beaucoup moins intéressante ;)