Observatoire français des tornades et orages violents

Pyrocumulonimbus et orages associés aux incendies catastrophiques en Australie

Un désastre écologique est en cours en Australie où des incendies de brousse dévastent plusieurs Etats du continent. Des millions d'espèces ont été décimées par ces feux de brousse incontrôlables et plusieurs dizaines de personnes ont perdu la vie depuis le début de la saison. Ces incendies parviennent à créer des pyrocumulus, qui évoluent jusqu'à l'orage.


Panache de fumées issu des incendies sur la côte sud-est de l'Australie avec pyrocumulonimbus le 4 janvier - Himawari-8


Les incendies contribuent à la création de pyrocumulonimbus

L'Australie est en proie à des incendies de bush catastrophiques depuis le début de la saison estivale. Les images de ces incendies dévastateurs ont fait le tour du monde. Incontrôlables, ils sont dus à la combinaison d'une sécheresse très marquée et d'un été particulièrement chaud. Après un premier épisode de canicule exceptionnelle avant Noël, de nouveaux records de chaleur ont été battus ce 4 janvier. Il a en effet fait 48.9°C à Penrith, à 50 km de Sydney, soit une valeur jamais relevée auparavant dans le bassin métropolitain de Sydney. La capitale, Canberra, a également battu son record absolu de chaleur avec 44.0°C. L'ancien record datait de 1939 (42.8°C sur la station désormais fermée d'Acton Site). Il avait aussi fait 42.2°C à l'aéroport en 1968.

Des vents secs et virulents, par ailleurs convergents à l'avant d'un front froid ce 4 janvier ont intensifié les incendies déjà très étendus depuis des semaines. Depuis plusieurs semaines, les sources de chaleur au sol causées par feux de brousse ont contribué à la formation de pyrocumulus évoluant fréquemment en pyrocumulonimbus.
Le mécanisme de formation de ces nuages convectifs, qui atteignent parfois plus de 15 km d'altitude, sont similaires à ceux des cumulonimbus classiques, que l'on rencontre partout sur la planète. La source de chaleur intense au sol contribue au développement de forts mouvements convectifs. A contrario des cumulonimbus classiques, les pyrocumulus (ou nimbus) ont besoin de moins d'humidité pour se développer. Ces nuages, selon le nouvel Atlas International des Nuages paru en 2017, sont scientifiquement dénommés cumulonimbus Flammagenitus.

L'animation satellite de ce 4 janvier met en évidence le panache de fumées issu des incendies ravageant la Nouvelle-Galles-du-Sud. On distingue des sommets convectifs puissants et outrepassants, qui percent fréquemment la tropopause :



Ces nuages évoluent jusqu'à l'orage. Il s'agit donc d'orages déclenchés par une source de chaleur issue des incendies. Les chutes de foudre produites par ces orages contribuent à l'allumage de nouveaux foyers d'incendies, entretenant ainsi un cercle vicieux désastreux. Par ailleurs, ils sont fréquemment responsables de violentes rafales descendantes, dangereuses pour les soldats du feu sur le terrain. Certains de ces pyrocumulonimbus évoluent en supercellules, avec mésocyclones profonds et durables.





Vus du sol, ces pyrocumulonimbus sont impressionnants. Ils ressemblent très clairement à n'importe quelle virulente supercellule orageuse. Leur couleur ocre laisse penser qu'ils sont composés de produits de combustion issus des incendies. On note sur le cliché ci-dessous un sommet pénétrant (overshooting top) particulièrement net. Ces sommets nuageux percent la tropopause en raison de la virulence des mouvements convectifs. Ils se retrouvent ainsi dans la stratosphère, à plus de 15 km d'altitude dans ce secteur de l'Australie :




Ces nuages convectifs ont également été photographiés par avion. On note également les sommets pénétrants, extrêmement virulents :







Une donnée météorologique insensée à Cabramurra

La station météorologique de Cabramurra en Nouvelle-Galles-du-Sud a relevé une température maximale de 69.8°C ce 4 janvier. Cabramurra était à ce moment-là cernée par les incendies. On note au même moment des rafales à plus de 120 km/h sur les relevés du Bureau de la Météorologie Australienne. Les capteurs de la station ont été exposés aux flux de chaleur intenses issus des feux qui ravageaient le Koscuiosko National Park. Précisons par ailleurs qu'une structure mésocyclonique (en lien avec un pyrocumulonimbus) évoluait au sud-est de la station, avec des cisaillements très importants confirmés par les radars Doppler.


Données du BOM à Cabramurra


Un panache de fumée s'étendant sur plus de 20 millions de km² et traversant le Pacifique sud 

Le panache de fumées qui est entretenu par les incendies s'étend à présent sur près de 20 millions de km². Les projections des modèles de prévision tendent à envisager que des concentrations faibles en fumées devraient gagner jusqu'en Amérique du Sud, de l'autre côté du Pacifique dans les prochains jours.


Image satellite Himawari-8 le 4 janvier à 12h UTC


Les 1er et 2 janvier, la Nouvelle-Zélande a été traversée par une partie très dense de ce panache, donnant des teintes ocres au ciel et déposant des cendres sur les glaciers de l'île :




L'analyse satellite CALIPSO montre que le panache a atteint la stratosphère, à plus de 15 km d'altitude au-dessus de la Nouvelle-Zélande. La dispersion de ce panache devrait être lente, la stratosphère n'étant pas le théâtre pas d'échanges très virulents :