Observatoire français des tornades et orages violents

Hiver 2016 : instabilité marquée, températures exceptionnellement douces et orages venteux

L'hiver 2015 a été normal au niveau thermique à l'échelle de la France. Les orages observés durant les trois mois de l'hiver météorologique n'ont pas présenté de sévérité particulière et l'instabilité s'est avérée  en moyenne plus faible que la normale.


Orages de masse d'air froid fin janvier 2015 entre Cöte-d'Azur et Ligurie - Tristan BERGEN
Cliché réalisé par Tristan Bergen depuis les hauteurs de Nice. On y voit une cellule orageuse en cours d'évacuation vers l'Italie le 22 février 2016

 

Un hiver bien instable surtout sur le centre du pays

A échelle nationale, cet hiver 2016 présente un net excédent d'instabilité voisin de 70%, ce qui contraste nettement avec l'hiver précédent, plus stable que la normale. Cet hiver se positionne ainsi en dixième position des hivers les plus instables depuis la fin des années 1940.
 
C'est sur une vaste partie centrale de la France que l'excédent d'instabilité est le plus marqué avec +100 à +120% d'anomalie positive du Centre au Poitou et au Massif-Central. A contrario, l'anomalie n'excède pas +20 à +30% près des frontières allemandes et sur les Pyrénées. 
 
Au niveau des contenus en eau précipitable, l'anomalie est positive, de l'ordre de 20% à l'échelle nationale.

 
Anomalie de MUCAPE sur la France durant l'hiver 2015-2016. © KERAUNOS          Anomalie du contenu en eau précipitable sur la France durant l'hiver 2015-2016. © KERAUNOS
Anomalies de MUCAPE (instabilité) à gauche et d'eau précipitable (à droite)
 
 

Un début d'hiver très calme puis une activité orageuse progressivement plus fréquente

Sur les trois mois d'hiver, la France compte 34 jours d'orage soit 9 jours de moins que la moyenne 2009-2015. En effet malgré des mois de janvier et février bien orageux, le mois de décembre exceptionnellement peu orageux contribue à une baisse significative de la fréquence des orages sur l'ensemble de l'hiver.
 
15 à 16 jours d'orage ont été comptabilisés sur les deux départements corses durant ce trimestre et 11 jours sur le département des Landes. A contrario, six départements (Petite Couronne parisienne, Haute-Loire, Eure-et-Loir et Lozère) n'ont enregistré aucun jour d'orage.
 
Par rapport à la moyenne 2009-2015, c'est sur l'Allier et la Moselle que l'anomalie est la plus marquée avec +5 jours d'orage. On observe par ailleurs ponctuellement entre le Maine et les Deux-Sèvres, aux abords du Massif-Central, sur les Alpes ou sur le nord-est de la France des anomalies positives significatives. Ces dernières sont correlées à la forte anomalie d'instabilité rencontrée sur le centre du pays durant l'hiver. 
A l'inverse, les rivages de la Méditerranée, le nord Bretagne et localement la Normandie sont concernés par une anomalie négative, très marquée sur la Provence où l'activité convective a été très rare. 
 
Les orages ont été parfois sévères durant l'hiver. On comptabilise en effet 6 jours avec orage fort et 5 avec orage violent. Les critères ont été remplis en raison de violentes rafales sous orage au passage de traînes tempétueuses.
 
 
Nombre de jours avec orage durant l'hiver 2015-2016          Ecart à la moyenne du nombre de jours avec orage durant l'hiver 2015-2016
Nombre de jours d'orage (à gauche) et écart à la moyenne 2009-2015 à droite
 
 
 
Si l'on considère l'indice de sévérité orageuse (I.S.O.) moyen de cet hiver, le score ressort à 0,62, soit la valeur la plus élevée de ces six derniers hivers. Entre 2009 et 2015, tous les hivers ont connu un I.S.O. n'excédant pas 0,50. Ce score élevé malgré une fréquence plutôt faible (à cause du mois de décembre) s'explique par l'étendue géographique de l'activité orageuse et la sévérité des orages. En effet, l'activité orageuse ne s'est pas cantonnée aux zones littorales et a été remarquablement fréquente dans l'intérieur des terres, parfois jusqu'aux reliefs du centre et de l'est du pays.
 
ISO moyens de chaque hiver depuis 2009-2010
Indice de sévérité orageuse moyens saisonniers depuis l'hiver 2009-2010
 
 
 

Quels régimes de temps ont dominé cet hiver ?

En moyenne, sur ces trois mois, un régime de sud-ouest a dominé sur la France et plus largement sur une bonne partie de l'Europe. En altitude, les hautes pressions sont restées solidement installées sur le sud de la Méditerranée et le Maghreb alors qu'un puissant système dépressionnaire a dominé entre Islande et îles britanniques. 
Si l'on se place à plus haute altitude, vers 10.000 m, on constate une forte anomalie positive du vent zonal de plus de 10 m/s en moyenne entre Terre-Neuve, le centre de l'Atlantique et l'Europe de l'ouest. 
Ce type de régime est caractéristique d'une NAO positive dominante lors de l'hiver propice aux épisodes pluvio-venteux parfois orageux lors de passages de fronts froids ou en régime de traîne. 
 
 
Anomalie du géopotentiel à 500 hPa durant l'hiver 2015-2016. © KERAUNOS    Anomalie du vent zonal à 300 hPa durant l'hiver 2015-2016. © KERAUNOS
Anomalie des géopotentiels à 500 hPa (à gauche) et des vents zonaux à 300 hPa (à droite)
 
 

Un hiver historique d'un point de vue thermique

Les deux cartes ci-dessous présentent l'anomalie de MULI (instabilité de la masse d'air) et de la température à 850 hPa (vers 1.500 mètres d'altitude) durant l'hiver 2016.
 
Au niveau de la température de la masse d'air, la carte ci-dessous à droite met clairement en évidence une anomalie fortement positive de +2.1°C à l'échelle de la France vers 1.500 m d'altitude.
De fait, cet hiver historiquement doux au sol (1er hiver le plus doux depuis 1900) l'a été tout autant à basse altitude puisqu'il se place en deuxième position depuis la fin du XIXè siècle, juste derrière l'hiver 1990 (+2.4°C).
On notera par ailleurs que l'excédent thermique a concerné toute l'Europe durant ce trimestre, et plus encore une partie de l'Arctique autour de la Mer de Barents et de la Nouvelle Zemble.
 
En conséquence, avec cet exceptionnel excédent thermique et un régime de sud-ouest dominant, la masse d'air s'est révélée instable sur l'ensemble de l'hiver, et ce sur l'ensemble de la France et même partout en Europe.
 
 
Anomalie des MULI durant l'hiver 2015-2016. © KERAUNOS   Anomalie des températures à 850 hPa durant l'hiver 2015-2016. © KERAUNOS
Anomalie des MULI (à gauche) et des températures à 850 hPa (à droite)