Observatoire français des tornades et orages violents

Printemps 2015 : un printemps peu orageux et une instabilité déficitaire

Malgré des températures en moyenne un peu plus douces que la normale, l'instabilité et le potentiel orageux ont été fortement déficitaires sur la France durant ce printemps 2015.
  Supercellule le 13 mai 2015 sur les Vosges. © Lucas Adler


Un printemps exceptionnellement stable près de la Manche et de la Mer du Nord

A échelle nationale, le printemps 2015 présente un déficit d'instabilité très marqué, voisin de 40%. Il constitue ainsi le printemps le plus stable en France depuis le printemps 1997, notamment en raison d'un mois de mars et d'un mois de mai sensiblement plus stables que la normale.

Si en moyenne un printemps aussi stable n'avait donc pas été vu en France depuis une vingtaine d'années, il apparaît que ce déficit s'est réparti selon un dégradé nord/sud très net : si l'écart à la normale est relativement contenu des Pyrénées aux Alpes (déficit d'instabilité de -10 à -30%), il est fort du Centre aux Vosges, et s'avère exceptionnel près de la Manche et de la Mer du Nord. De la Bretagne au Nord - Pas de Calais, ce printemps 2015 est le plus stable jamais observé depuis la fin des années 1940, et il établit ainsi un nouveau record, battant le remarquable printemps 1996.
 
Au niveau des contenus en eau précipitable, le printemps 2015 ressort dans la norme en moyenne nationale, avec toutefois un léger déficit sur les régions du nord, et un excédent modéré près de la Méditerranée.

 
Anomalie de MUCAPE sur la France durant le printemps 2015. © KERAUNOS          Anomalie du contenu en eau précipitable sur la France durant le printemps 2015. © KERAUNOS
Anomalies de MUCAPE (instabilité) à gauche et du contenu en eau précipitable (à droite)
 
 

Des orages remarquablement peu fréquents

Sur les trois mois de printemps, la France a compté 55 jours d'orage, soit 15 jours de moins que la moyenne 2009-2014.
 
Même s'il s'agit des scores les plus élevés de ce printemps, seuls 15 à 16 jours d'orage ont été comptabilisés sur le sud des Alpes (04, 06) et sur l'Aveyron. Sur le nord des Alpes, l'Ariège, l'Hérault et ponctuellement en Lorraine, ce sont 13 jours d'orage qui sont comptabilisés pour ces trois mois de printemps.
Les départements les moins orageux sont ceux du Morbihan et du Finistère, qui ne comptabilisent que 2 jours d'orage. Seulement 1 à 2 jours d'orage sont également enregistrés entre Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis, mais la faible superficie de ces départements biaise à la baisse ce résultat.
 
De fait, par rapport à la moyenne 2009-2014, tous les départements français enregistrent un déficit notable, sauf l'Hérault qui est en très faible excédent (+1 jour). C'est sur l'Ain et les Pyrénées-Atlantiques que l'anomalie est la plus marquée, puisqu'on note un déficit de 16 jours. Le déficit se montre également très marqué sur la Corse, le val de Saône (Allier, Saône-et-Loire), la Franche-Comté (Jura), les Hautes-Alpes, l'Isère, ou les Landes. Sur tous ces secteurs, le déficit est de 12 jours.
 
D'une manière générale, les orages ont été peu sévères durant le printemps. On ne compte qu'un seul jour avec orage violent (dans les Vosges le 13 mai) et 5 jours avec orage fort.
 
 
Nombre de jours avec orage durant le printemps 2015          Ecart à la moyenne du nombre de jours avec orage durant le printemps 2015
Nombre de jours d'orage (à gauche) et écart à la moyenne 2009-2014 à droite
 
 
 
Si l'on considère l'indice de sévérité orageuse (I.S.O.) moyen de ce printemps, le score ressort à 1,20, soit la valeur la plus basse de ces six derniers printemps. Ce score faible est nettement tiré vers le bas par un mois de mai 2015 remarquablement peu orageux. La journée la plus orageuse de ce printemps 2015 est celle du 26 avril avec un I.S.O qui atteint 14,31. 
 
ISO moyens de chaque printemps depuis 2009            ISO quotidiens du printemps 2015
Indice de sévérité orageuse moyens saisonniers (à gauche) et indices de sévéirté orageuse quotidiens durant le printemps 2015 (à droite)
 
 
 

Quels régimes de temps ont dominé ce printemps ?

En moyenne, sur ces trois mois, les hautes pressions ont été dominantes sur l'ouest de l'Europe. On observe en effet une anomalie fortement positive au niveau du géopotentiel à 500 hPa sur le proche Atlantique, l'Espagne et la France. Les anomalies négatives ont été repoussées très au nord, en direction du Groenland. De ce fait, les conditions ont été régulièrement plus anticycloniques que la normale, avec un déficit de flux perturbés, peu d'intrusions froides en altitude et dès lors un potentiel d'activité orageuse réduit.
 
Conséquemment, les vents en haute troposphère ont été plus faibles que la normale sur une grande moitié sud du pays, et ont présenté un excédent non significatif sur les régions du nord. Ceci témoigne de conditions relativement peu dynamiques durant cette saison.
 
 
Anomalie du géopotentiel à 500 hPa durant le printemps 2015. © KERAUNOS    Anomalie du vent à 300 hPa durant le printemps 2015. © KERAUNOS
Anomalie du géopotentiel à 500 hPa (à gauche) et du vent à 300 hPa (à droite)
 
 
Les deux cartes ci-dessous présentent l'anomalie de MULI (instabilité de la masse d'air) et de la température à 850 hPa (vers 1.500 mètres d'altitude) au cours du printemps 2015.
On constate un déficit d'instabilité marqué sur l'ensemble de l'Europe, avec un déficit maximum de la Bretagne au Benelux (plages de couleurs rouges, qui indiquent un MULI supérieur à la normale, c'est-à-dire des masses d'air plus stables que la normale). Pourtant les basses couches ont été plus chaudes que la normale durant cette saison, avec un excédent vers 1.500 mètres qui avoisine +0,5°C sur les régions du nord, et +1 à +1,5°C des Pyrénées aux Alpes. L'absence d'instabilité dans ces conditions s'explique par la présence simultanée d'un air encore plus anormalement doux en altitude.
 
 
Anomalie du MULI (instabilité) durant le printemps 2015. © KERAUNOS   Anomalie de la température à 850 hPa durant le printemps 2015. © KERAUNOS
Anomalie du MULI (à gauche) et de la température à 850 hPa (à droite)