Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à la Ferté-Frênel (Orne) le 14 septembre 2015

Le lundi 14 septembre 2015, vers 20h10 locales, une tornade de faible intensité (bas de l'échelon EF1) traverse deux communes rurales ornaises. Le phénomène, qui a été vu, provoque quelques dégâts matériels, essentiellement à la Ferté-Frênel.
 
La tornade de la Ferté-Frênel s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées), qui totalise 3 cas pour les journées des 13 et 14 septembre 2015 (24 heures glissantes), dont la tornade EF1 de Saint-Bonnet-sur-Gironde (Charente-Maritime) et la tornade EF0 de Chaillé-les-Marais (Vendée).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade EF1 de la Ferté-Frênel (61) du 14 septembre 2015* intensité maximale : EF1 soit des vents estimés de 135 à 175 km/h
* distance parcourue : 2,8 kilomètres
* largeur moyenne : 50 mètres (aspirations périphériques jusqu'à 200 mètres)

* communes traversées : LA FERTÉ-FRÊNEL (village du Bois, étang du château) ; GAUVILLE (la Heudrichère, Campagne des Noires Vallées)
* départements : ORNE (61)
* altitude moyenne du terrain : 265 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; terres arables hors périmètre d'irrigation ; prairies ; forêts mélangées ; forêt et végétation arbustive en mutation

* principaux dégâts : arbres feuillus adultes (peupliers, aulnes, chênes, bouleaux) ébranchés, déracinés et parfois brisés net ; un épicéa sectionné et tête projetée à 10 mètres ; plusieurs habitations endommagées dans deux lotissements (tuiles arrachées, mobilier de jardin détruit, clôtures renversées) ; abri de jardin projeté dans une baie vitrée ; projection de menus débris à distance (500 mètres au maximum pour de petites branches d'arbres) ; balles rectangulaires de foin renversées
 
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte: Géoportail
 

Des dégâts entre champs et forêts

Une enquête de terrain a été effectuée par Thibault Cormier pour Keraunos, en complément d'informations tirées de la presse locale. L'analyse des dommages au niveau du sol permet d'attester d'un phénomène tourbillonnaire sur une trajectoire totale de 2,8 kilomètres et une largeur moyenne de 50 mètres (entre 30 mètres et 200 mètres si l'on tient compte des aspirations périphériques).
 
Les premiers dégâts sont observés en lisière de la forêt de la Ferté, à proximité de deux lotissements bâtis à l'ouest de la D252. Quelques grosses branches d'arbres sont brisées. Les essences les plus frêles sont étêtées. 
 
La tornade traverse ensuite deux lotissements successifs et endommage une douzaine d'habitations. Arthur et Laëtitia Dos Santos, témoins du phénomène, racontent : « Ce fut violent, ça n'a pas duré très longtemps, la pendule s'est arrêtée sur 20h10, quand elle s'est cassée. L'abri de jardin s'est envolé, il est venu se fracasser contre la baie vitrée. Nos enfants s'y trouvaient 5 minutes plus tôt, ça aurait pu être dramatique » [Ouest-France du 16 septembre 2015]. Parmi les habitations endommagées, on observe des antennes pliées, des tuiles arrachées (20% de la couverture du toit), du mobilier de jardin détruit ou déplacé, et certaines clôtures renversées. Les arbres plantés aux alentours sont également atteints : certains d'entre eux, d'un bon diamètre, sont déracinés ou brisés net. 
 
Au-delà de la D252, la tornade se dirige vers le parc et l'étang du château, dont une rangée de peupliers est touchée (quelques arbres sont brisés à mi-hauteur). Certaines petites branches brisées par la tornade sont retrouvées à 500 mètres de distance.
 
Au hameau de la Heudrichère (commune limitrophe de Gauville), quelques dégâts sont observés sur une habitation en construction. Quelques menus objets sont transportés au pied d'un pylône électrique à basse tension en béton qui présente une légère inclinaison. Dans un verger voisin, des pommiers sont couchés ou sectionnés en divers sens et un axe de convergence est identifié. Un peu plus loin, une tête d'épicéa, sectionnée par la tornade, est projetée à 10 mètres.
 
La tornade se dissipe dans un bois de la Campagne des Noires Vallées, après avoir renversé, à contre-flux, plusieurs balles de foin rectangulaires.
 
* * *
 
Photographies des principaux dégâts relevés entre le sud de la Ferté-Frênel et le nord-ouest de Gauville :

A
1    Premières traces identifiées en lisière de la forêt de la Ferté
2    Illustration d'une habitation endommagée au lotissement du village du Bois : tuiles arrachées, gouttière brisée
3    Végétation endommagée au sein du lotissement : arbres déracinés ou sectionnés
4    Peupliers brisés à mi-hauteur et projections de branches jusqu'aux abords de la D12 (vue prise vers l'ouest)
5    Branches de peupliers de faible diamètre fichées dans le sol à 500 mètres de leur emplacement d'origine
6    Gauville - La Heudrichère - Verger traversé par la tornade : pommiers renversés ou sectionnés (axe de convergence identifié dans le sens de chutes des arbres)
7    Gauville - La Heudrichère - Epicéa sectionné et tête projetée à 10 mètres
8    Balles rectangulaires renversées à contre-flux. Au fond, le bois de la Campagne des Noires Vallées où la tornade s'est dissipée  
 

Analyse des conditions météorologiques

La tornade de la Ferté-Frênel s'est formée sous une cellule orageuse active, mais isolée et de petite dimension, dans un contexte de traîne active (instabilité de masse d'air froid). Sa signature radar et sa durée de vie (environ 3 heures) permettent de considérer que la structure orageuse à l'origine de cette tornade s'apparente à une supercellule LT. Cette cellule s'est structurée vers 18h30 aux frontières ouest de l'Orne, puis a balayé le département d'ouest en est. Sa phase tornadique, brève, s'est déclenchée aux environs de 20h10, puis la cellule orageuse a poursuivi sa route sur le sud de l'Eure, pour venir se dissiper vers 21h45 à la frontière avec les Yvelines.

Image radar de 20h15 locales, le 14 septembre 2015. © Météox
L'activité électrique générée par cette cellule orageuse a été soutenue pour ce type de situation, avec plus de 150 décharges de foudre détectées lors de son trajet sur le nord-est de l'Orne (à l'est d'Argentan).
 

Comme le montre le champ ci-dessous à gauche, issu des réanalyses du NCEP-NCAR, un rapide flux d'ouest est en position ce lundi 14 septembre 2015 sur la France, en altitude, en périphérie sud d'un minimum calé sur les îles britanniques. La Normandie est exposée conjointement à de fortes advections froides à l'étage moyen, suite à l'arrivée d'une goutte froide en Manche (ci-dessous à droite) :


La circulation de basses couches est alors déterminée par une dépression bien creusée sur l'Angleterre, avec un flux graduellement plus frais progressant par la Bretagne. Les profils verticaux sont instables et propices aux développements orageux de la Bretagne au Nord - Pas de Calais, dans un environnement très fortement cisaillé près du sol en raison de la présence d'un jet de basses couches étiré sur toutes les régions qui bordent la Manche :



On retrouve ici une configuration relativement classique lors des épisodes de tornades en situation instable de masse d'air froid.

A

En savoir plus sur les tornades

+  consulter  la  liste des tornades en France
+  découvrir  la  climatologie des tornades en France