Observatoire français des tornades et orages violents

Grêle, supercellules, fortes pluies et tubas les 1er et 2 mai

De forts orages de grêle, parfois supercellulaires, ont balayé l'est de la France les 1er et 2 mai 2013. Dans le centre-ouest, de nombreux tubas se sont développés. 

 

Un contexte météorologique de saison

Le mois de Mai est souvent caractérisé par des décrochages d'air froid en altitude, issus de thalwegs qui balaient l'Europe du Nord. L'épisode orageux que vient de connaître la France s'inscrit dans ce type de scénario.
 
En effet, un minimum d'altitude s'est positionné dès la fin du mois d'avril sur le sud de l'Espagne avant de remonter très lentement vers le sud-ouest de la France les 1er et 2 mai 2013.
Ainsi, une moitié ouest du pays a été directement concernée par une convection de masse d'air froid, étant située juste au-dessous de la goutte froide d'altitude (cf Fig. 1). C'est dans le centre-ouest de la France, au coeur même du minimum d'altitude, que la convection la plus active a été observée. L'environnement de méso-échelle est en effet rapidement devenu favorable à la genèse de phénomènes tourbillonnaires. C'est ainsi que plusieurs tubas ont été observés, aussi bien le 1er que le 2 mai.
 
Température et isohypses à 500 hPa. Modèle WRF 8 km France. Run du 01.05.2013 00Z.(c) KERAUNOS     Température et isohypses à 500 hPa. Modèle WRF 8 km France. Run du 02.05.2013 06Z.(c) KERAUNOS
Fig. 1 : Température 500 hPa : 1er mai à 15Z (à gauche) et 2 mai à 16Z (à droite). Modèle WRF 8 km France. (c) KERAUNOS
 
Dans le même temps, les régions de l'est ont été soumises durant deux jours à une advection douce de basse couche (cf. Fig. 2) induite par un flux de sud modéré. De fait, les profils verticaux ont acquis un potentiel instable marqué (cf. Fig. 3), favorable au développement d'orages parfois forts. La forte instabilité, couplée à des cisaillements profonds constamment significatifs (cf. Fig. 4) ont permis le déclenchement de chutes de grêle soit de grosse dimension, soit très abondantes. Les conditions ont par ailleurs été réunies surtout l'après-midi du 2 mai pour que certaines cellules convectives adoptent un comportement supercellulaire plus ou moins durable.
 
Thêta'w 850 hPa. Modèle WRF 8 km France. Run du 01.05.2013 00Z.(c) KERAUNOS     Thêta'w 850 hPa. Modèle WRF 8 km France. Run du 02.05.2013 06Z.(c) KERAUNOS
Fig. 2 : Thêta'w 850 hPa : 1er mai à 15Z (à gauche) et 2 mai à 16Z (à droite). Modèle WRF 8 km France. (c) KERAUNOS
 
MUCAPE. Modèle WRF 8 km France. Run du 01.05.2013 00Z.(c) KERAUNOS     MUCAPE. Modèle WRF 8 km France. Run du 02.05.2013 06Z.(c) KERAUNOS
Fig. 3 : MUCAPE : 1er mai à 15Z (à gauche) et 2 mai à 16Z (à droite). Modèle WRF 8 km France. (c) KERAUNOS
 
Cisaillements 0-6 km. Modèle WRF 8 km France. Run du 01.05.2013 00Z.(c) KERAUNOS     Cisaillements 0-6 km. Modèle WRF 8 km France. Run du 02.05.2013 06Z.(c) KERAUNOS
Fig. 4 : Cisaillements 0-6 km : 1er mai à 15Z (à gauche) et 2 mai à 16Z (à droite). Modèle WRF 8 km France. (c) KERAUNOS
 

Dans la nuit du 2 au 3 mai, puis dans la journée du vendredi 3 mai, le minimum d'altitude a balayé le Golfe du Lion avant de remonter sur la région Rhône-Alpes puis la Bourgogne et l'Alsace. Après les forts orages de la journée du 2 mai, à l'aplomb immédiat du forçage d'altitude et dans un environnement resté instable, un corps pluvio-orageux peu mobile a produit de fortes précipitations.
 
 

Des chutes de grêle nombreuses et localement fortes

Grêle au nord de Dijon le 2 mai 2013. (c) Fabien COLAS Les orages qui se sont développés ces 1er et 2 mai ont présenté un caractère grêligène très marqué. Pas moins de 131 chutes de grêle significatives ont été recensées par Keraunos, dont 46 de diamètre supérieur à 2 cm. Ce sont surtout les régions Auvergne, Rhône-Alpes, Franche-Comté, Bourgogne et sud Lorraine qui ont été frappées par ces chutes de grêle parfois fortes. La plus forte chute de grêle identifiée au cours de cet épisode a concerné le Doubs, avec des diamètres maximum qui ont atteint 5 cm.
 
A noter que ce potentiel de grêle a pu être anticipé plusieurs jours à l'avance dans les bulletins de prévision convective émis quotidiennement sur le site. Cette anticipation a été rendue possible par des algorithmes spécifiques développés par Keraunos, qui permettent de simuler la production de grêle au sein des nuages orageux ; cette technologie permet entre autres d'anticiper les diamètres maximum des grêlons. Or ces indicateurs affichaient des potentiels de grêlons de gros diamètre (jusqu'à 5 cm) le mercredi 1er mai en seconde partie d'après-midi entre le sud de la Bourgogne et la Franche-Comté, ce qui avait justifié l'émission d'un avis de risque d'orages forts sur ces régions.
 
 

10 structures de type supercellulaire en deux jours

Colonne d'alimentation principale d'une supercellule moteur gauche en fin de vie, photographiée dans l'extrême sud de la Meurthe-et-Moselle. (c) K. LECLERCQIl est intéressant de noter que la plupart de ces fortes chutes de grêle ont été générées par des structures convectives de type supercellulaire.
 
On désigne par "supercellule" les structures orageuses qui s'organisent autour d'un mésocyclone profond et durable, et qui de ce fait sont animées par un mouvement de rotation significatif. Leur identification nécessite ordinairement l'usage d'un radar Doppler, mais ce type de matériel n'est pas utilisable de manière systématique et suffisamment résolue en France à ce jour. Néanmoins, des indices visuels, couplés à l'analyse des réflectivités radar, permettent dans un certain nombre de cas de diagnostiquer des supercellules sur le sol français (cf. la base de données des supercellules françaises).
 
Il s'avère que ces deux journées ont été propices à leur formation, et on dénombre ainsi 1 structure de type supercellulaire le 1er mai (liste 2), et 9 structures de ce type le 2 mai (dont 4 supercellules avérées), ainsi qu'une multitude de "splits" (dédoublement des cellules convectives qui est généralement associé à l'amorce des structures supercellulaires). Même si seule une minorité de ces cellules rotatives ont atteint un stade supercellulaire abouti, il n'empêche que la situation du 2 mai se distingue par un nombre inhabituellement élevé de formations mésocycloniques.
 
Ces structures de type supercellulaire ont provoqué d'abondantes chutes de grêle, ainsi que des pluies intenses, comme à Motey-sur-Saône et Mercey-sur-Saône par exemple, qui ont été balayées par des coulées de boue consécutives à des précipitations particulièrement sévères sous une supercellule devenue peu mobile en fin de vie.
 
 

Une multitude de tubas en 48h

Multiples tubas près de La Rochelle le 1er mai 2013. (c) J.M. GIRAUDLa situation a également été propice aux phénomènes tourbillonnaires durant ces deux jours. Pas moins de 10 tubas ont ainsi été recensés pour le moment, dont l'essentiel sur l'ouest du pays.
 
La Charente-Maritime s'illustre par 5 phénomènes en deux jours, dont 4 sur la seule journée du 1er mai. Même s'il ne s'agit pas d'un phénomène rare, il est toujours source de surprise et d'étonnement pour la population, ce qui a d'ailleurs valu une médiatisation importante des cas charentais, comme l'illustre cet article du quotidien Sud-Ouest paru le 2 mai et cette brève publiée également par Sud-Ouest le 3 mai.
 
A ce jour, aucun contact avec le sol n'a pu être établi pour ces tubas, même si 2 des 4 tubas qui se sont formés à proximité de La Rochelle le 1er mai ont présenté des morphologies bien développées et auraient pu de ce fait connaître une brève phase tornadique.
 
 

De forts cumuls de pluie en fin d'épisode

L'épisode s'est achevé par la formation d'une série de cellules orageuses très pluvieuses le soir du 2 mai et nuit suivante entre Rhône-Alpes, Franche-Comté et Bourgogne.

Les cumuls enregistrés par Météo-France approchent localement 80 mm en 24 heures, comme à Bessey en Côte-d'Or. Til-Chatel (21), Colombiers-Saugnieu (69) et Vienne (38) enregistrent une soixante de litres par mètre carré sur la même période. Certaines stations ont par ailleurs mesuré jusqu'à 40 mm en une heure seulement.