Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Seysses (Haute-Garonne) le 29 avril 2012

Le 29 avril 2012, à 19h10 locales, une tornade de faible intensité (très temporairement le haut de l'échelon EF1) frappe le sud-ouest de l'agglomération toulousaine. Le phénomène, qui s'est développé au sein d'une structure orageuse de nature supercellulaire, a traversé une partie de la commune de Seysses, du sud vers le nord. Le cas a fait l'objet d'une communication tout à fait exceptionnelle, avec de très nombreuses photographies et vidéos.

Principales caractéristiques de la tornade

* intensité maximale : EF1 soit des vents estimés de 135 km/h à 175 km/h
* distance parcourue : 3,3 kilomètres
* largeur moyenne : 100 mètres

* communes traversées : MURET (Cizier), SEYSSES (la Galianne, Couloumaras, Largenté, la Muraille)
* département : HAUTE-GARONNE (31)
* altitude moyenne du terrain : 179 mètres
* type de terrain : territoires agricoles (terres arables hors périmètres d'irrigation)

* principaux dégâts : arbres couchés ou étêtés (résineux), arbres fruitiers cassés net ou grosses branches cassées, dégâts aux habitations (toitures faiblement endommagées), panneaux de signalisation ou publicitaires décrochés ou tordus, toiture d'un hangar d'une exploitation agricole endommagée, hangar et grange d'une exploitation agricole très endommagés (structure avec charpente, une partie des murs en briques) mais dont les fondations ont subsisté, un pylône électrique (basse tension) brisé (peut-être indirectement), un pivot d'irrigation couché, une serre atteinte (arceaux intacts)

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Parcours de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)

Photographie du phénomène


Photographie prise depuis Saint-Clar-de-Rivière. © N. MULLER

Un buisson chargé de poussière

Une enquête de terrain a été effectuée par Christophe Ferré pour Keraunos, quelques heures à peine après la tornade. Les principaux dégâts sont encore tels quels et les lieux ne sont pas encore remis en état. D'après les témoignages recueillis sur place, la tornade a débuté sa course environ 200 mètres avant la ferme de la Galianne, avant de s'évanouir au-delà de la Muraille, près de Manaud.  
 

Discussion sur l'intensité retenue

La tornade de Seysses a fait l'objet d'une mobilisation et d'une communication tout à fait inédites. Il s'agit du cas de tornade le plus filmé et photographié à ce jour en France. L'Observatoire a recueilli, en l'espace de quelques heures, plusieurs dizaines de signalements qui se reportaient au même phénomène. La proximité de l'agglomération toulousaine n'est pas étrangère à cette situation: bon nombre d'habitants ont pu assister au phénomène, parfois à plus de dix kilomètres de distance.

Même si la tornade a surpris par la largeur du buisson et par la grande netteté de la base du cône, son intensité n'a pas atteint de niveaux exceptionnels. L'inventaire et l'analyse des dégâts conduit à une tornade d'intensité EF1, cette dernière ayant temporairement atteint la partie haute de l'échelle lors de son passage sur la ferme de la Galianne. Certes les dommages sur le hangar impressionnent, mais ils sont à considérer en fonction de la nature de la structure elle-même: la charpente qui soutient la toiture est peu ajourée, les murs de soutènement sont peu épais et les briques ne constituent qu'une faible part des matériaux. Les débris emmenés à distance restent par ailleurs très légers.

Les autres dégâts s'apparentent davantage à une intensité EF0 ou petite EF1.

Analyse de la structure convective à l'origine de la tornade

La tornade s'est formée dans le prolongement direct du mésocyclone d'une supercellule, peu de temps après que cette dernière eut connu une phase de dédoublement (split). La supercellule s'est formée vers 18 heures locales au sud-ouest de Muret, en Haute-Garonne, avant de connaître un développement relativement chaotique pendant une quarantaine de minutes. Elle s'est ensuite rapidement intensifiée au cours des 20 minutes qui ont suivi, générant ainsi peu avant 19 heures locales un split à l'ouest de Muret. La cellule moteur droit issue de ce dédoublement a ensuite pris la direction de Toulouse, tout en parvenant à entrer en phase tornadique. C'est à cet instant que la tornade a pu être observée par de nombreux témoins. La supercellule a ensuite poursuivi sa route vers le Tarn avant de s'y dissiper vers 21 heures locales.

L'image satellite en canal visible prise à 20 heures locales (source Meteosat) montre les sommets très compacts et élevés de la supercellule, positionnée en extrémité sud d'un système orageux linéaire actif :

  

Analyse de la situation météorologique à échelle synoptique

La journée du 29 avril 2012 est marquée par le creusement d'un minimum à tous niveaux sur la Bretagne. Ce contexte fortement dépressionnaire a généré un flux très contrasté et rapide sur une grande partie du pays.

L'analyse du flux à l'étage moyen (cf. Fig. 1), tel qu'il apparaît dans la simulation produite par le modèle WRF Europe en résolution 24 km, montre un fort cyclonisme associé à de vigoureuses advections d'air froid depuis les Pyrénées jusqu'à la Normandie. En moins de 24 heures, les températures à 500 hPa chutent de plus de 10°C sur une grande moitié ouest du pays.

Cette intrusion froide est très dynamique et circule dans une branche de courant-jet  (cf. Fig. 2). Les vitesses de vent simulées par le modèle pour cette journée excèdent ainsi localement 180 km/h vers 10.000 mètres d'altitude.

Dans le même temps, en surface, les conditions sont dépressionnaires, en périphérie d'un minimum très creux en transit sur la Bretagne. Un petit minimum secondaire se constitue sur Midi-Pyrénées en fin d'après-midi et tend à induire une convergence des vents de surface sur cette région.

   
 

Analyse de la situation météorologique à méso-échelle

Les trois principaux éléments qui semblent avoir favorisé la formation de cette supercellule tornadique tiennent à la présence conjointe en région toulousaine d'une instabilité convective relativement marquée, de cisaillements profonds très prononcés et d'une convergence des vents en basses couches.

En effet, les profils verticaux ont été sensiblement instabilisés en cours d'après-midi par des advections d'air doux et humide en basses couches depuis les Pyrénées jusqu'au nord-est du pays. Celles-ci se traduisent par la présence d'un axe de ?'w élevées à 850 hPa (cf. Fig. 4), qui s'est constitué au fil de la journée, à l'arrière d'un front froid qui se décalait rapidement en direction de l'Allemagne. Cette langue d'air doux et humide a été surplombée par les fortes advections froides de l'étage moyen, constituant ainsi une configuration verticale instable.

Dans l'heure qui a précédé la formation de la tornade, le modèle WRF France en résolution 8 km simule ainsi des valeurs positives de l'indice Adedokun 1 en région toulousaine, ce qui témoigne d'un étage moyen instable (cf. Fig. 5).
 
Les valeurs résultantes de MLCAPE avoisinent 700 à 800 J/kg (cf. Fig. 6), avec une MUCAPE qui atteint localement 1300 J/kg dans la simulation du modèle (c. Fig 7). L'indice de soulèvement calculé sur la base d'une parcelle soulevée depuis le sol affiche pour sa part des valeurs proches de -5°K sur Toulouse (Fig. 8). L'ensemble indique une atmosphère qui, certes, ne présente pas une instabilité remarquable, mais qui se caractérise néanmoins par des profils verticaux en mesure de supporter une convection profonde vigoureuse.

Les cisaillements verticaux du vent ont pour leur part présenté des valeurs très modestes en basses couches (inférieures à 5 m/s sur l'épaisseur 0-1 km dans la simulation du modèle ; cf. Fig 9), et à l'inverse très significatives sur l'épaisseur 0-6 km, avec des valeurs de 25 m/s (cf. Fig. 10).

L'hélicité relative dans les basses couches (cf. Fig. 11 et 12) est elle aussi restée modeste, avec une SRH 0-1 km inférieure à 50 m²/s² dans la simulation du modèle (pour une valeur reconstituée de 37 m²/s² sur la base du vent réellement observé), et une SRH 0-3 km inférieure à 120 m²/s² en simulation (85 m²/s² sur le profil reconstitué). Ces valeurs sont en-deçà des seuils habituellement associés aux développements de supercellules et aux formations de tornades mésocycloniques.
 
                                                                                                                                

Il est donc probable qu'un renfort local en vorticité ait favorisé la formation du phénomène, dans la mesure où une convergence des vents de surface était en position sur la région toulousaine lors de la genèse de la tornade (cf. Fig. 13). Le fait que cet axe de convergence soit bien alimenté en air humide (cf. Fig. 14) a également pu contribuer à l'entretien de la convection dans cette zone et dès lors à un développement optimal de la structure convective.

En somme, même si la situation n'était pas incompatible avec des développements de tornades supercellulaires dans le sud-ouest du pays en cette fin d'après-midi du 29 avril, le potentiel était néanmoins limité, et c'est vraisemblablement des facteurs locaux qui ont permis la genèse de ce tourbillon.
 
 
 

Coupures de presse et interview

Le quotidien Sud-Ouest a publié un compte-rendu de ce cas de tornade, avec une interview d'Emmanuel WESOLEK, président de KERAUNOS.

Le journal local La Dépêche a rapidement fait part du phénomène dans un bref article daté du 30 avril 2012:

Un phénomène météorologique rare s'est produit hier vers 19h30 dans le sud-ouest toulousain, entre Muret et Seysses. Une tornade de couleur jaune s'est élevée dans le ciel, pendant cinq minutes environ. Elle n'a fait que quelques dégâts matériels dans une ferme de Seysses, au lieu-dit Galianne, où des silos ont été éventrés et un toit fragilisé.

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