Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Villemort (Vienne) le 9 novembre 1997

Le 9 novembre 1997, vers 13h30 locales, une tornade de forte intensité (EF3) frappe plusieurs communes du saint-savinois (Vienne), dont celle de Villemort. Le phénomène aurait poursuivi sa route dans l'Indre, dans le secteur de la Pérouille, mais une incertitude demeure sur l'évolution du phénomène sur ce département. Environ trois quarts d'heure plus tôt, et 70 kilomètres plus à l'ouest-sud-ouest, une autre tornade toute aussi puissante dévastait plusieurs communes du canton de Lusignan, dont Rouillé.
 
La tornade de Villemort s'inscrit donc dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 4 cas entre le 8 novembre et le 9 novembre 1997 (24 heures glissantes), dont la tornade EF2 de Noirmoutier-en-l'Ile (Vendée), la tornade EF0 d'Arthenac (Charente-Maritime) et la tornade EF3 de Rouillé (Vienne). Cet outbreak est à ce jour le plus important enregistré en France en saison froide.
 

Principales caractéristiques de la tornade

Tornade de Villemort (EF3) le 9 novembre 1997* intensité maximale : EF3, soit des vents estimés de 220 km/h à 270 km/h
* distance parcourue : 12 kilomètres
* largeur moyenne : indéterminée

* communes traversées : ANTIGNY (cimetière, la Chebaudière), HAIMS (la Commanderie), VILLEMORT, BÉTHINES (le Blanchet, Vrassac), CONCREMIERS (Chabanne)
* départements : VIENNE (86), INDRE (36)
* altitude moyenne du terrain : 110 mètres
* type de terrain : systèmes culturaux et parcellaires complexes, terres arables hors périmètres d'irrigation, forêts, prairies

* principaux dégâts : toitures entièrement arrachées avec, au pire, des murs extérieurs écrêtés; poteaux électriques brisés ; gros arbres déracinés ou coupés nets (conifères et feuillus); véhicules retournés ; nombreux hangars démolis (structures solides avec murs en pierre), nombreuses projections à distance

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Parcours de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 

Une muraille de feuilles et de tuiles

La tornade de Villemort présente les mêmes caractéristiques (intensité, trajectoire parcourue, sens de déplacement) que celle de Rouillé, survenue environ 60 kilomètres plus à l'Ouest. Le phénomène est décrit comme suit : « J'étais sorti déplacer ma voiture, car je n'aimais pas l'allure de l'orage qui arrivait. J'ai eu le temps de la bouger avant que les tuiles ne tombent sur la place qu'elle occupait. J'ai vu une muraille de feuilles et de tuiles mélangées qui tourbillonnait, alors que je me réfugiais sous le porche. » [Centre Presse des 10 et 11 novembre 1997].

Les dégâts sont également très importants et concernent cinq communes de la Vienne et de l'Indre. Des toitures d'habitations ont été arrachées d'une pièce et transportées à distance, des bâtiments éventrés, des arbres fauchés à la base, et des débris parfois lourds emmenés à grande distance. Dans une cour abritée du vent, on cite un camping-car retourné par la tornade. Le cimetière d'Antigny et le château de Villemort ont également été fortement atteints.

Comme pour la tornade de Rouillé, aucun blessé sérieux n'est à déplorer suite à cette tornade.

Un troisième cas probable dans l’Indre ?

La traîne active du 9 novembre 1997 se distingue par son originalité sur les régions Poitou-Charentes et Centre. En effet, sur une bande de terrain rectiligne de plus de 120 km, parfaitement orientée OSO-ENE, d’importants dégâts liés au vent sont reportés, dont certains de nature tourbillonnaire. Ces dégâts sont liés au transit d'une cellule orageuse durable et virulente, qui a rapidement circulé des Deux-Sèvres (12h30 locales) jusqu'à l'Indre (vers 15h00 locales).

Même si les images satellite tendent à montrer qu'elles sont issues d'une seule et même cellule orageuse, les tornades de Rouillé (ouest de la Vienne) et de Villemort (est de la Vienne) sont clairement identifiées et considérées comme deux cas distincts. En effet, ces zones sinistrées sont séparées par un parcours de 60 kilomètres sans dégâts. Une telle interruption ne permet pas de considérer qu'il s'agisse d'un seul phénomène continu ; deux tornades distinctes se sont donc bien formées, au sein d'une cellule orageuse dont on peut présumer qu'elle a connu un comportement cyclique.

Concernant le cas de la Pérouille (Indre), certains témoignages semblent probants et accréditer l'hypothèse d'une tornade, mais l’absence de descriptif précis du phénomène, et le fait que l'inventaire de dégâts soit très partiel sur la bande de terrain affectée, nous incitent à classer ce cas en liste secondaire. Par ailleurs, l’horaire exact n’est pas connu : les dégâts semblent s’être produits après 14h00 locales, et pourraient donc être liés à la même cellule orageuse que celle qui a donné naissance aux tornades de Rouillé et de Villemort. Néanmoins, à l'heure actuelle, le cas de la Pérouille est considéré comme distinct de la tornade de Villemort, dans la mesure où certaines communes sont totalement épargnées entre ces deux points. Si d’autres informations plus précises devaient être obtenues à l'avenir, la trajectoire réelle de la tornade au-delà du département de la Vienne pourrait être réévaluée.
 
Si vous avez été témoin ou victime de ce phénomène, n'hésitez pas à nous contacter. Des informations nouvelles pourraient permettre de qualifier définitivement les événements de la Pérouille.
 

Coupure de presse

Centre-Presse évoque ce phénomène tourbillonnaire dans son édition des 10 et 11 novembre 1997. En voici un extrait:

A Antigny, le cimetière communal offrait un spectacle de désolation : stèles renversées, cyprès cassés, alors que les habitations et plantations du bourg devaient également souffrir de cette catastrophe naturelle imprévisible. Au hameau de La Chebaudière, situé sur le plateau, la désolation était à son comble chez M. Robert Guillemin ou Mme Jacqueline Auzanneau, dont les habitations étaient ouvertes à tous les vents (et aux ondées). Un voisin, M. Norbert Thomas raconte : « J'étais sorti déplacer ma voiture, car je n'aimais pas l'allure de l'orage qui arrivait. J'ai eu le temps de la bouger avant que les tuiles ne tombent sur la place qu'elle occupait. J'ai vu une muraille de feuilles et de tuiles mélangées qui tourbillonnait, alors que je me réfugiais sous le porche. »

La tornade continuait ensuite son chemin vers la commune voisine de Villemort, ravageant le bourg : arbres couchés, tuiles et toitures enlevées, camping-car renversé dans l'allée d'un garage... Le scénario se répétait également dans les hameaux proches, mais appartenant à la commune de Béthines. Au total, 35 bâtiments étaient sinistrés dans le canton.

Analyse de la situation météorologique

La tornade de Villemort s'est formée dans une situation de traîne très active, au sein d'un flux océanique perturbé et dynamique.
 
L'image satellite en canal visible (ci-dessous) a été prise au moment où la tornade s'apprêtait à frapper Villemort. On identifie aisément la cellule orageuse à l'origine de la tornade, sous la forme d'un point blanc qui trahit un sommet convectif très profond (ciblé par une flèche rouge). On voit par ailleurs que la traîne est très chargée et active sur tout le proche Atlantique ainsi que sur le centre-ouest de la France :
 

La
réanalyse de la situation météorologique de l'époque, ainsi que les reforecasts réalisés avec le modèle WRF (coeur NMM) en résolutions de 5 et 30 km, permettent d'établir les éléments qui ont donné naissance à cette tornade.
 
En l'occurrence, on note la présence d'un rapide flux d'ouest qui ceinture l'ensemble de l'Atlantique nord, et qui se prolonge sur le sud de l'Europe. L'ouest et le centre-ouest de la France sont ainsi positionnés en bordure nord de ce courant-jet, et à l'arrière immédiat d'une anomalie de haute altitude (noyau d'anomalie basse de la tropopause dynamique en cours d'évacuation par le Benelux).


Le flux d'altitude est par ailleurs marqué par une circulation modérément froide, avec des températures à 500 hPa qui s'abaissent jusqu'à -26°C. En basses couches, le flux reste à l'inverse relativement doux, avec des thêta'w qui avoisinent 6°C à 850 hPa sur le Poitou-Charentes et les Pays-de-la-Loire.


Les profils verticaux s'en trouvent nettement 
instabilisés, avec des valeurs de MUCAPE qui atteignent 400 J/kg et un TTI qui dépasse 55.


Enfin, les 
cisaillements sont marqués dans cette situation dynamique, avec près de 20 m/s sur l'épaisseur 0-6 km et une forte hélicité en basses couches (SRH 0-1 km de 200 à 250 m²/s²) :


Cette situation à la fois dynamique et instable est confirmée par le radiosondage réalisé à Bordeaux le 9 novembre 1997 à 13h locales. Celui-ci est le plus proche, spatialement et temporellement, de l'outbreak de tornades du centre-ouest. Même s'il est positionné en bordure sud de la zone la plus instable, ce profil vertical illustre bien le potentiel de phénomènes orageux et la forte disponibilité en cisaillements dans l'environnement. Si la MUCAPE ne ressort qu'à 68 J/kg, le TTI atteint 54,2. Les cisaillements profonds s'établissent à 22 m/s, avec une SRH 0-1 km de 153 m²/s² et une SRH 0-3 km de 305 m²/s².


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