Observatoire français des tornades et orages violents

Comment évalue-t-on l'intensité des tornades ? Retour sur l'usage de l'échelle EF par KERAUNOS.

Avec 9 tornades en 7 jours seulement, la semaine qui vient de s'écouler laissera sa trace dans l'histoire des tornades françaises. L'occasion de revenir sur la méthode utilisée pour évaluer l'intensité de ces tourbillons brefs mais dévastateurs.

 
 

Tornade EF2 de Bailleul, le 20 octobre 2013. (c) KERAUNOS

 

Une intensité déterminée par l'analyse des dégâts

Il est rarissime qu'une tornade vienne à passer directement sur une station météorologique dotée d'un anémomètre. Quand le cas se présente, le matériel de mesure est par ailleurs souvent détruit par la violence des vents.

Comment faire alors pour savoir à quelle vitesse ont soufflé les rafales au coeur du tourbillon ?

A défaut de pouvoir mesurer la vitesse réelle des vents au niveau du sol, l'intensité des tornades est évaluée en analysant les dégâts qu'elles produisent. C'est de cette analyse qu'est déduite la vitesse du vent, grâce à l'utilisation d'une échelle spécifique ("échelle EF"). Cette échelle fait correspondre à chaque type de dégâts une fourchette de vents probables.

 

Pourquoi l'échelle EF ?

Plusieurs échelles d'intensité des tornades coexistent dans le monde, la plus célèbre et la plus utilisée d'entre elles étant l'échelle de Fujita (échelle F). Cette échelle répartit les tornades selon 6 niveaux différents, qui vont du niveau F0, le plus faible, au niveau F5, le plus intense.

KERAUNOS utilise la version la plus récente de l'échelle de Fujita, dite "échelle améliorée de Fujita", ou échelle EF, mise en oeuvre par les Américains depuis 2007. Pourquoi ce choix ?


L'échelle de Fujita, dans sa formulation originelle (échelle F), est une échelle de vitesses de vent, qui relie l'échelle de Beaufort à la vitesse du son. Le niveau F1 correspond à 12 Beaufort ; et le niveau F12 correspond à Mach 1. Cette approche, très théorique, est délicate à mettre en oeuvre sur le terrain et très subjective dans son utilisation. La version améliorée (échelle EF) vient corriger ces limites, tout en conservant l'esprit de l'échelle de Fujita originelle.1. l'échelle EF est une échelle de dégâts, ce qui la rend efficiente lors des enquêtes de terrain. Son principe est ainsi cohérent avec son utilisation, contrairement à l'échelle F d'origine, qui est une échelle de vents, trop souvent utilisée à tort comme une échelle de dégâts (voir ci-contre).

2. l'échelle EF propose une série d'indicateurs de dommages, qui sont autant de référentiels pour l'analyse des dégâts. Un certain nombre d'entre eux sont directement adaptables sur le continent européen, ce qui n'était pas le cas des quelques indications fournies par Fujita dans son échelle originelle. La cohérence entre les notations d'intensité réalisées en Europe et aux Etats-Unis s'en trouve très nettement renforcée.

3. les vitesses de vent déduites de l'analyse des dommages ont été calibrées par des ingénieurs en structure, ce qui n'était pas le cas de l'échelle F d'origine, ni des autres échelles d'intensité disponibles.

4. enfin, la notation des cas de tornades du passé est très sensiblement améliorée et affinée par l'usage de l'échelle EF. En effet, par définition, il est impossible de réaliser des mesures de vitesses de vent pour des cas du passé. L'usage d'une échelle de vents (échelle F) dans ce contexte n'est donc pas adapté, là où une analyse par les dommages (échelle EF) trouve tout son sens et son intérêt.

 

L'ensemble de ces améliorations assurées par l'échelle EF ont justifié le choix de cette dernière comme échelle de référence pour les notations de tornades depuis 2008 en France.

 

Une version spécifique de l'échelle EF pour l'Europe

Malgré sa pertinence, l'échelle EF, dans sa version de 2007, comporte quelques manques et imperfections, liés au fait qu'elle est de conception strictement nord-américaine. De fait, si elle prend en compte les divers types d'habitats que l'on trouve aux Etats-Unis, elle laisse naturellement de côté un certain nombre de spécificités de l'habitat européen en général, et français en particulier.
 
Comment déterminer la vitesse des vents qui ont pu détruire ces arbres de cette manière ? On peut supposer qu'ils ont dépassé 200 km/h. Mais plutôt 240 km/h ? Plutôt 260 km/h ? Sans mesure anémométrique, la tâche est délicate. La décision n'est toutefois pas anodine car, sur l'échelle F, on se situerait au niveau F2 dans le premiers cas, et au niveau F3 dans le second. Sur la base des indications fournies par Fujita dans son échelle, le choix d'un niveau devient très subjectif. A l'inverse, l'échelle EF est claire, vu qu'elle raisonne au préalable en termes de dommages. En l'occurrence, des arbres de cette essence dépouillés et partiellement écorcés relèvent d'un niveau de dégâts EF3. Ce niveau est associé à une fourchette de vents estimatifs qui va de 220 à 270 km/h. [Tornade EF3 d'Etrochey, le 19 juin 2013. (c) KERAUNOS]C'est pour pallier cette lacune que KERAUNOS a développé une version augmentée de l'échelle EF. Cette variante, totalement calibrée sur l'échelle EF de 2007, a été développée spécifiquement pour intégrer à cette échelle les principaux types de bâtiments rencontrés en Europe. Elle rend enfin possible une notation précise de l'intensité des tornades en Europe et une climatologie cohérente des deux côtés de l'Atlantique. Les principes de cette échelle augmentée ont été présentés lors de la Conférence Européenne sur les Orages Violents de 2011 (WESOLEK E., P. MAHIEU, 2011 : Contribution to an European adaptation of the Enhanced Fujita Scale : Analysis of Damage caused by Tornadoes in France. 6th European Conference on Severe Storms, Palma de Majorque, octobre 2011).
 
C'est cette échelle qui est utilisée de manière opérationnelle par KERAUNOS, autant pour les cas actuels que pour les cas du passé, qui ont tous été ré-étudiés et documentés. L'intégralité de la base de données des tornades françaises a ainsi été entièrement revue et notée de manière uniformisée sur cette échelle.
 
A noter que l'échelle EF n'est pas figée et sera sans doute amenée à connaître quelques évolutions, entre autres dans les fourchettes de vent associées à chacun des niveaux de l'échelle. KERAUNOS, qui est membre du comité d'orientation de l'échelle EF (comité international composé majoritairement de membres de la NOAA et du SPC, ainsi que de 4 membres européens dont 2 issus de Keraunos), oeuvre justement à une évolution encore plus internationale de cette échelle, ainsi qu'à l'introduction de quelques ajustements sur certains indicateurs de dommages.
 
 

En savoir plus sur l'échelle EF

Les grandes lignes de l'échelle EF sont présentées sur cette page.
 
A noter que KERAUNOS prépare actuellement une publication détaillée sur cette échelle et les aménagements introduits pour son adaptation française et européenne. Un résumé de la présentation des principes de cette échelle augmentée est consultable ici.