Observatoire français des tornades et orages violents

Orage de grêle à Montpellier (Hérault) le 13 mai 1922

Le 13 mai 1922 dans l'après-midi, des orages accompagnés de grêle frappent la moitié nord du département de l'Hérault. La ville de Montpellier est fortement touchée: la couche de grêlons atteint localement une épaisseur exceptionnelle de plusieurs dizaines de centimètres. Dans les campagnes environnantes, les vignobles sont très sérieusement endommagés.

Grêle abondante en plusieurs points de l'Hérault

Entre 14h30 et 17h, sur une bande de terrain de 45 kilomètres comprise entre Jonquières et Mauguio, des orages provoquent d'abondantes chutes de grêle qui compromettent les récoltes dans les principaux vignobles.

A Montpellier, l'orage débute vers 16h15. Rapidement, la grêle tombe en abondance et le phénomène perdure jusqu'à 17 heures. Sur le cours Gambetta, les bouches d'égout obstruées empêchent l'évacuation de l'eau mêlée d'une grande quantité de grêle. Un torrent se précipite alors vers la rue du Faubourg-de-la-Saunerie, la rue du Grand-Galion (actuelle rue Anatole France), le boulevard de l'Observatoire et la place de la Croix-de-Fer (actuelle place Alexandre Laissac) où une accumulation formidable de 70 cm est localement observée. Rapidement, la circulation est rendue impossible.

Galerie photographique

 Les principaux clichés ont été pris dans le périmètre du Marché Neuf (aujourd'hui place Alexandre Laissac) où l'épaisseur de la couche de grêlons est localement spectaculaire.



 

Dégâts importants

A Montpellier

Bien que les diamètres observés ne soient pas exceptionnels (2,5 cm tout au plus pour les plus gros), le phénomène est suffisamment durable pour provoquer de nombreux dégâts à la végétation. Les arbres et arbustes sont effeuillés. Dans les jardins des faubourgs de Montpellier, les potagers sont très endommagés. Quelques inondations sont observées là où la grêle a obstrué les conduits d'évacuation. Rue du Faubourg-de-la-Saunerie, une compagnie du 2e génie est réquisitionnée afin de rétablir la circulation.

Dans les campagnes

D'après les informations recueillies sur ce phénomène, la grêle a frappé sur plusieurs bandes distinctes orientées nord-ouest-sud-est, ce qui exclurait l'hypothèse d'un orage unique qui aurait traversé tout le nord du département d'ouest en est.

Les vignobles sont plus ou moins ravagés dans les communes suivantes: Jonquières, Montpeyroux, Saint-André-de-Sangonis, Lagamas, Gignac, Aniane, Popian, Saint-Bauzille-de-la-Sylve, le Pouget, Vendémian, Vailhauquès, Murles, Combaillaux, Grabels, Murviel-lès-Montpellier, Saint-Georges-d'Orques, Montpellier (Celleneuve), Pignan, Saussan, Lavérune, Saint-Jean-de-Védas, Lattes, Pérols et Mauguio.  

                      

Contexte météorologique du 13 mai 1922

La situation météorologique du 13 mai 1922 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses ERA-20C du Centre Européen de Prévision (résolution 125 km)  et du programme "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD (résolution 100 km). Les données fournies par ces programmes permettent de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.
En complément, afin d'analyser plus en détail le contexte de méso-échelle, le modèle WRF-ARW 3 km a été déployé en version « reforecast » et initialisé sur ERA-20C avec les conditions du 13.05.1922 00Z. Dans le cas présent, la simulation obtenue présente une forte cohérence avec les observations réalisées à l'époque et fournit donc un scénario sans doute très proche de la réalité.

Il ressort de ces analyses que l'ouest de l'Europe est soumise, le 13 mai 1922, à un vaste thalweg d'altitude dédoublé, qui s'étire du sud de la Scandinavie jusqu'à l'Espagne (ci-dessous à gauche). Il en résulte un flux général contrasté, de secteur nord-ouest sur le nord de la France, et de secteur sud-ouest en allant vers la Méditerranée. Au sol, une dorsale anticyclonique étend son influence sur les régions septentrionales, tandis qu'un creux dépressionnaire concerne un axe Espagne - Alpes - Europe Centrale (ci-dessous à droite).  




L'analyse détaillée met en évidence une configuration d'entrée droite de jet bien diffluente sur l'Hérault et ses environs (ci-dessous à droite). Au sol, un axe de convergence se constitue en cours de journée de l'Hérault au Gard et au Vaucluse notamment (ci-dessous à droite). L'ensemble dessine un contexte dynamique, favorable au déclenchement et à l'entretien de la convection dans la zone concernée conjointement par la divergence d'altitude et par la convergence en basses couches ; en l'occurrence, c'est principalement l'est du Languedoc qui est visé.



Ces divers forçages s'appliquent sur une masse d'air d'origine tropicale, caractérisée par des hautes valeurs de thêta'w à 850 hPa (ci-dessous à gauche). Cette langue d'air chaud et humide est parfaitement visible sur ce champ, entre Espagne et nord de l'Italie ; un fort contraste est d'ailleurs observé avec la masse d'air polaire qui s'enfonce au même moment sur le nord de la France : on relève 13,2°C de température maximale à Paris-Montsouris*, contre 25,5°C à Marseille-Marignane*. Les profils verticaux sont de fait bien instables près de la Méditerranée durant l'après-midi, avec une MUCAPE qui avoisine voire dépasse 1.000 J/kg près de Montpellier notamment (ci-dessous à droite).


 

Coupure de presse

L'Eclair, dans son édition du 14 mai 1922, fait part du phénomène. En voici un extrait à propos de l'orage montpelliérain:

Cet après-midi, vers 4 heures 15, un orage d'une violence rare s'est abattu sur notre ville.

A peine la pluie avait-elle commencé à tomber que les grêlons s'y mêlaient et bientôt une formidable chute de grêle tombait sur Montpellier.

Les rues et les boulevards se couvraient d'une couche blanche qui prenait d'instants en instants une épaisseur plus grande. Cela dura près de trois-quarts d'heure.

Sur le cours Gambetta, un torrent d'eau charriait des glaçons dont certains étaient plus gros que des noisettes. Les bouches d'égout furent bientôt obstruées et le torrent continuant sa route, roula dans la rue de la Saunerie une masse de grêle qui atteignit bientôt la hauteur invraisemblable de 0,70 m. La circulation devint absolument impossible.

Sources

Les données suivies d'un astérisque proviennent du Bureau Central Météorologique.