Observatoire français des tornades et orages violents

Analyse de l'activité orageuse sur le Gard (région de Nîmes) et en Ardèche (Cévennes) entre les 9 et 13 octobre 2014

L'analyse de l'activité foudre observée lors des épisodes orageux du 9 - 11 octobre puis du 12 - 13 octobre 2014 permet de mettre en corrélation les lames d'eau relevées à l'activité orageuse observée entre le Gard et l'Ardèche.

 
Inondations à Nîmes le 10 octobre - Stéphane RODILLON
Stéphane RODILLON
 

Les données utilisées pour cette analyse sont issues du réseau de détection Blitzortung. La densité de ce réseau est suffisamment significative entre l'est du Languedoc et Rhône-Alpes pour que les données recueillies puissent représenter de manière satisfaisante la réalité de l'activité foudre dans cette zone.

 

Près de 650 décharges de foudre sur Nîmes en quelques heures le 10 octobre

Cumuls de pluie observés du 9 au 11 octobreSur la période du 9 au 11 octobre, c'est sur le département du Gard que l'activité orageuse s'est montrée la plus soutenue. Ces orages diluviens ont généré des lames d'eau remarquables en quelques heures seulement. Sur l'ensemble de cet épisode de 48h environ, il est tombé jusqu'à 378 mm à Sainte-Anastasie (30) et 345 mm à Uzès (30). Sur Nîmes, les pluviomètres étant situés à Courbessac et Garons, soit au sud-est de la commune, les lames d'eau relevées ne sont pas représentatives. De fait, on estime que plus de 200 mm sont tombés sur Nîmes, ainsi que sur toutes les communes situées à l'ouest et au nord de la ville, lors de cet épisode. Sur le département de l'Ardèche voisin, les lames d'eau ont été localement très importantes avec 303 mm à Barnas en haute vallée de l'Ardèche.
 
Si l'on compare la répartition de ces lames d'eau avec l'activité foudre détectée par le réseau Blitzortung au cours de l'épisode, il ressort clairement que les noyaux de très fortes pluies sont  bien corrélés à l'activité électrique la plus intense.
 
Ainsi par exemple, près de 650 décharges de foudre ont été détectées sur le territoire communal de Nîmes sur la seule journée du 10 octobre. Sur l'ensemble de l'épisode du 9 au 11 octobre 2014, cela représente 6 décharges de foudre au km² pour la commune de Nîmes toute entière. C'est à l'ouest et au nord de l'agglomération que la densité de foudroiement s'est avérée la plus importante. A Sainte-Anastasie, le nombre d'impacts relevés ramené à la superficie du territoire communal s'élève à 7,5 impacts au km² sachant que 313 impacts ont été relevés au total.

Si l'on tient compte de la superficie des communes, c'est à Saint-Côme-et-Maruéjols que l'activité foudre peut être considérée comme la plus marquée durant cet épisode avec plus de 15 impacts au km², pour la grande majorité sur la seule journée du 10 octobre. Viennent ensuite Clarensac (14 décharges/km² pour un total de 200 décharges), Saint-Dionisy (13 décharges/km²), Souvignargues et Parignargues (11 décharges/km²) et Caveirac avec 10 décharges/km².
 
Une seconde zone de forte activité électrique est par ailleurs identifiable sur le même département du Gard, dans les environs de la commune de Portes par exemple, avec 8 impacts/km²
 
Si l'on analyse l'évolution temporelle de l'activité électrique, il apparaît que les orages ont présenté un déclenchement soudain de leur activité foudre, en milieu de nuit du 9 au 10 octobre. Près de 4.000 impacts de foudre y ont relevés en quelques heures (cf. graphe ci-dessous à droite). Cette brutale hausse de l'activité correspond à l'arrivée d'un système multicellulaire linéaire qui balayait l'Hérault et les Cévennes gardoises en soirée du 9 octobre. C'est ce dernier qui arrêta sa progression au nord-ouest immédiat de Nîmes, jusqu'à l'Uzège, en matinée du 10 octobre. La hausse de la courbe est ensuite plus régulière et progresse constamment au rythme de quelques centaines d'impacts par heure.
 
Côté Ardèche, l'activité orageuse a été moins marquée, bien que des cumuls de pluie tout aussi importants aient été relevés en Cévennes. C'est en frontière du Gard, à Malbosc et à Saint-Sauveur-de-Cruzières, que la densité de foudroiement a été la plus significative avec 1,6 décharge/km². Sur le territoire communal de Barnas, pourtant concerné par des pluies intenses, seuls 7 impacts de foudre ont été relevés sur l'épisode, ce qui représente une densité faible de 0,20 décharge/km².
 
 
Activité foudre du 9 au 11 octobre 2014 - KERAUNOS / Blitzortung     Evolution de l'activité foudre des 9 au 11 octobre 2014 - KERAUNOS / Blitzortung

 
 

Analyse du système convectif responsable des inondations dans le secteur de Nîmes

L'imagerie satellite infra-rouge colorée de 00h TU le 10 octobre montre clairement une structure convective mature organisée en V. Des sommets convectifs particulièrement froids persistent à la pointe du V depuis laquelle se dégagent deux branches que l'on distingue aisément. C'est donc au moment où le système orageux est arrivé à maturité entre 00h et 02h TU que l'activité foudre a été la plus marquée sur le département avec près de 4.000 impacts détectés.
 
Ce MCS s'est organisé au sein d'une convergence de basse couche bien organisée et peu mobile. L'alimentation de la convection a été garantie par un flux de sud-est chaud et humide advecté dans le Golfe du Lion. La persistance de cette configuration durant plusieurs heures a favorisé la stationnarité du système au nord et nord-ouest immédiat de Nîmes :
 
Image satellite thermique de 00h TU le 10 octobre - EUMETSAT     Image satellite thermique et vent à 10m à 00 TU le 10 octobre - EUMETSAT
Image satellite thermique de 00h TU le 10 octobre 2014 - EUMETSAT 
 
 
Six heures plus tard, l'analyse satellite de 6h TU montre un système en cours de déstructuration. La convection se montre effectivement moins profonde et n'est plus du tout organisée. Nous ne retrouvons plus de sommets convectifs outrepassants à la pointe d'une strurue en V et la température au sommet des nuages a considérablement augmenté. Par ailleurs, la convergence de basse couche est en déclin. Très bien organisée et vigoureuse à 00h TU le 10 octobre, elle tend à faiblir assez significativement au petit matin du 10 octobre :
 
Image satellite thermique et vent à 10m à 06 TU le 10 octobre - EUMETSAT
Image satellite thermique de 06h TU le 10 octobre 2014 - EUMETSAT 
 

Si l'on compare l'analyse satellite couplée aux données du modèle CEP, on constate une baisse sensible de l'advection chaude de basse couche et donc du potentiel instable. Les thêtaE (exprimées en Kelvins sur les cartes ci-dessous) passent d'environ 57°C à 52°C, accusant une baisse d'environ 5°C. La CAPE (instabilité) est en retrait de plusieurs centaines de J/kg :
 
Image satellite WV et thêtaE à 00 TU le 10 octobre - EUMETSAT     Image satellite WV et thêtaE à 06 TU le 10 octobre - EUMETSAT
Image satellite vapeur d'eau et thêtaE à 850 hPa à 00h et 06h TU le 10 octobre 2014 - EUMETSAT 
 
Image satellite WV et CAPE à 00 TU le 10 octobre - EUMETSAT     Image satellite WV et CAPE à 06 TU le 10 octobre - EUMETSAT
Image satellite vapeur d'eau et CAPE à 00h et 06h TU le 10 octobre 2014 - EUMETSAT 
 

Ce déclin du potentiel convectif peu après 00h TU n'a néanmoins pas empêché les très fortes pluies de s'abattre en fin de nuit sur la région de Nîmes.
Si les conditions thermodynamiques telles qu'elles étaient à 00h TU le 10 octobre avaient persisté davantage, on peut penser que des lames d'eau plus fortes encore auraient pu être relevées.
 
 

Lames d'eau diluviennes à Sainte-Anastasie durant la déstructuration de l'orage

Entre 00h et 12h TU le 10 octobre, près de 4.000 impacts de foudre ont été relevés sur le Gard. Néanmoins, sur la seule période de deux heures, entre 03h et 05h TU, ce sont près de 1.000 impacts qui ont été relevés sur le secteur de Nîmes.

Cette phase de foudroiement intense correspond aux lames d'eau horaires les plus importantes, avec près du tiers de la lame totale relevée à Sainte-Anastasie. Il faut également rappeler que cette période correspond à la phase de déstructuration du système orageux (comme vu précédemment).


Impacts relevés entre 03h et 05h TU le 10 octobre - KERAUNOS / Blitzortung      Lames d'eau  horaires relevées à Sainte-Anastasie durant l'épisode de 12h entre 00h et 12h TU le 10 octobre
Impacts de foudre et lames d'eau horaires en mm relevées à Sainte-Anastasie (cumuls Hydroreel)
.


Un épisode orageux marqué les 12 et 13 octobre sur l'Ardèche

Cumuls de pluie observés du 12 au 13 octobreLors de l'épisode du dimanche 12 et lundi 13 octobre 2014, ce sont surtout les Cévennes qui ont connu les intempéries les plus significatives. Les lames d'eau relevées sur cette période de 48h montent à plus de 300 mm, une nouvelle fois en hautes vallées d'Ardèche, de la Beaume, du Chassezac et du Lignon. Ainsi, Barnas cumule 318 mm (ce qui porte à plus de 600 mm la lame d'eau sur la semaine du 7 au 13 octobre) alors que plus de 250 mm sont relevés à Montpezat-sous-Bauzon ou Pereyres.
 
Si l'on procède à la même analyse que pour l'épisode précédent, on remarque que c'est sur l'Ardèche, depuis la haute vallée du Chassezac en Cévennes jusqu'à l'est des Boutières et au sud du Vivarais que l'activité foudre a été la plus marquée durant cet épisode. Entre 80 et 100 impacts de foudre ont ainsi été enregistrés par Blitzortung sur les communes de JaujacMalarce-sur-la-Thines, Beaumont, La Souche et Mézilhac.
Ramené à la superficie communale, c'est de l'extrême sud-ouest au centre de l'Ardèche que le nombre de décharges au km² a été le plus significatif, évoluant fréquemment entre 6 et 8 le long de cet axe très orageux. Cette forte activité foudre correspond parfaitement au plus fortes lames relevées du Chassezac à la vallée d'Ardèche. On observe toutefois un décalage intéressant plus au nord, sur le centre Ardèche, signe d'une activité orageuse certes soutenues mais plus inconstante, générant donc moins de cumul de pluie.
 
Le graphe représentant l'évolution de l'activité foudre au cours des heures (en heure TU) est très parlant. On constate une hausse brutale et significative de l'activité électrique peu après 13h TU le 12 octobre. Avant la fin de soirée, soit en 6 à 8h de temps, plus de la moitié des impacts relevés sur l'ensemble de l'épisode s'étaient abattus sur l'Ardèche. Au total, ce sont plus de 5500 impacts qui ont été enregistrés par le réseau Blitzortung au cours de l'épisode.
 
 
Activité foudre des 12 au 13 octobre 2014 - KERAUNOS / Blitzortung     Evolution de l'activité foudre des 12 au 13 octobre 2014 - KERAUNOS / Blitzortung
 
 

C'est donc entre 15h et 20h TU le 12 octobre que l'activité foudre s'est montrée la plus vigoureuse sur l'Ardèche. L'image satellite thermique de 18h TU, soit au milieu de la période de 5h à très forte activité électrique, montre un système multicellulaire linéaire qui s'étire dans le flux de sud/sud-ouest. Son alimentation trouve son origine sur l'extrême sud-ouest du département de l'Ardèche, entre vallées du Chassezac et de l'Ardèche. Le panache convectif, très froid, s'étire vers le nord/nord-est sur plusieurs centaines de kilomètres.
 
L'analyse des vents à 10 m révèle clairement qu'une convergence humide pointe en direction de la Cévenne ardéchoise et du Vivarais. C'est, comme dans le Gard deux jours plus tôt, la persistance de cette configuration météorologique plusieurs heures durant qui a favorisé ces forts orages très pluvieux sur l'Ardèche les 12 et 13 octobre.
 
 Image satellite thermique de 18h TU le 12 octobre 2014 - EUMETSAT     Image satellite thermique et vent à 10 m à 18h TU le 12 octobre 2014 - EUMETSAT
Image satellite thermique de 18h TU le 12 octobre 2014 - EUMETSAT