Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Vendays-Montalivet (Gironde) le 18 juillet 1983

Le 18 juillet 1983, en début de soirée, une tornade meurtrière de forte intensité (EF3) dévaste plusieurs campings de Montalivet-les-Bains, commune de Vendays-Montalivet (Gironde). Le phénomène, probablement issu d'une trombe marine, poursuit sa course dans les terres en détruisant plusieurs dizaines d'hectares de forêts.
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Vendays-Montalivet (33) du 18 juillet 1983* intensité maximale : EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 4 kilomètres
* largeur moyenne : 200 mètres
 
* commune traversée: VENDAYS-MONTALIVET (Montalivet-les-Bains, Centre Hélio-Marin)
* département : GIRONDE (33)
* altitude moyenne du terrain : 12 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, forêts et milieux semi-naturels

* principaux dégâts : arbres brisés, dépouillés, éclatés sur plusieurs dizaines d'hectares ; caravanes pleines envolées, déchiquetées et projetées à distance ; mobil-homes retournés

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.

 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 

Des caravanes pulvérisées

La tornade de Vendays-Montalivet est survenue dans un contexte météorologique caractérisé par des profils verticaux chauds et très humides dans les basses couches, et fortement cisaillés en profondeur. Ainsi, la température du point de rosée atteint une valeur assez remarquable de 21°C à 20 heures locales à la station météorologique de Bordeaux-Mérignac. Cette situation assure un contexte propice aux développements supercellulaires.

Compte-tenu du flux reconstitué (Sud-Sud-Ouest) et du sens de déplacement de la tornade (230°), l'hypothèse d'une supercellule moteur droit est retenue pour cet événement.

Venue de l'océan Atlantique, probablement sous forme de trombe, la tornade fait son entrée dans les terres au sud de l'actuel centre hélio-marin de Montalivet-les-Bains, avant de se dissiper quatre kilomètres au Nord-Est en direction de la route de Vendays. Le bilan est lourd : 1 mort et plusieurs dizaines de blessés. M. Goulée, alors maire de Vendays-Montalivet, a pu livrer le témoignage suivant qu'il avait transmis à Jean Dessens : « Le 18 juillet 1983, une tornade venant de l'Ouest [Sud-Ouest après vérification] a parcouru la commune sur une distance de 4 kilomètres et une largeur de 200 mètres. C'était une tornade violente avec des cheminées d'ascendance aspirant tentes et caravanes. 40 hectares de forêt a été endommagée (arbres vrillés impropres à la vente). »

Les dégâts matériels sont très importants et relèvent d'une intensité EF3 : outre les arbres dépouillés ou éclatés en forêt, des dizaines de caravanes (parfois chargées) ont été aspirées et pulvérisées. Plusieurs mobil-homes ont également été traînés, voire retournés ou partiellement détruits par le souffle.

Photographies aériennes comparatives avant la tornade (1982) et après la tornade (1984) - On aperçoit toujours les effets du tourbillon dans les campings, ainsi qu'en forêt où une tranchée d'environ 200 m de large est bien visible : 

© IGN

Autre vue plus détaillée dans le périmètre des campings sinistrés et au-delà de l'avenue de l'Europe - Passage de la tornade marqué par des plages de couleur rouge (on observe un élargissement assez brutal du couloir de dégâts, plusieurs centaines de mètres après le contact sur la terre ferme) : 
A
© Keraunos (d'après une image aérienne issue de l'IGN)
 
Le journal télévisé du 19 juillet 1983 consacre également un court reportage au sujet de la tornade de Vendays-Montalivet. Voici les propos d'Alain Gillot-Pétré repris ci-après:
 
« Au camping de Montalivet, c'est sans doute une petite tornade qui est à l'origine de ce pilonnage, de ces deux morts, et d'une cinquantaine de blessés. L'effet d'aspiration du phénomène a joué à plein, renversant les caravanes, déracinant les arbres, soufflant les êtres et les choses. Le front orageux d'hier soir a sévi partout, privant d'électricité 50 000 foyers dans la Nièvre, et je ne compte pas les lignes téléphoniques endommagées, les inondations-surprise, les routes coupées, les vignobles détruits, les trains retardés, les véliplanchistes  en difficulté pris dans les bourrasques. Prudence, il y aura encore de violents orages, les jours prochains ; et si vous voyez surgir, du sol au nuage, une sorte d'entonnoir sombre et tourbillonnant sur quelques dizaines de mètres de diamètre, mettez-vous à l'abri tout de suite dans un abri en dur : c'est une tornade, et vous voyez ce que ça fait, une tornade. »
 
Le reportage s'accompagne d'illustrations qui montrent l'ampleur des dégâts dans l'un des campings :  



Analyse de la situation météorologique

La tornade de Vendays-Montalivet s'est formée dans un contexte à la fois très instable et fortement dynamique. La situation du 18 juillet 1983 est en effet dominée par la présence d'un thalweg d'altitude bien creux, étiré de l'Ecosse jusqu'au large du Portugal. Il induit un rapide flux de sud-ouest sur la France, comme en témoigne le champ de vent en haute troposphère (à 250 hPa, ci-dessous à gauche), avec une configuration de sortie de jet bien diffluente sur les régions du sud-ouest. A l'étage moyen, une goutte froide est isolée également au large du Portugal (ci-dessous à droite), et un thalweg secondaire remonte depuis la péninsule ibérique en direction de l'Aquitaine en cours d'après-midi. L'analyse détaillée montre qu'il s'est formé à l'avant immédiat d'une anomalie basse de tropopause qui remontait en suivant le même axe.



Au sol, un complexe dépressionnaire se creuse au fil de la journée entre l'Espagne et le sud-ouest de la France, où il finit par se creuser plus nettement en fin d'après-midi et en soirée. Celui-ci a assuré une forte convergence humide en basses couches en direction des différents départements aquitains. L'ensemble s'est organisé au sein d'une masse d'air très riche en chaleur et en humidité, comme en témoignent les hautes valeurs de thêta'w concentrées entre Aquitaine et Limousin le soir du 18 juillet (ci-dessous à droite).



Afin d'analyser plus en détail les mécanismes à l'oeuvre, le modèle WRF-ARW a été utilisé en configuration "reforecast" à haute résolution (3 km) ; cette technique a permis de travailler à des échelles très fines et de reconstituer cet épisode du passé dans des conditions proches de la prévision opérationnelle actuelle. On remarque notamment la très forte instabilité résultant de cette configuration synoptique, avec des valeurs de MUCAPE qui excède 2500 J/kg et des MULI proches de -9 K en Aquitaine. Les forts cisaillements observés sur toutes les épaisseurs constituent par ailleurs un important réservoir de SRH 0-3 km, qui concerne toute la zone littorale en fin d'après-midi (localement plus de 400 m²/s²) ; l'effet conjugué du creusement dépressionnaire en Aquitaine et des brises de mer accentuent en effet tout particulièrement la SRH en zone maritime ce jour-là.



Conséquemment, le potentiel de tornade est significatif sur l'ensemble du littoral d'Aquitaine en fin de journée, comme l'illustre le Significant Tornado Parameter (ci-dessous à gauche). Le potentiel est en revanche nettement plus limité dans les terres, ce qui explique peut-être que la tornade se soit assez vite dissipée en pénétrant à l'intérieur du département de la Gironde, faute d'y trouver un environnement favorable. Témoignage de cette situation très instable et cisaillée, le modèle génère une série de structures supercellulaires en fin de journée (ci-dessous à droite), l'une d'elles finissant par toucher le nord du littoral de Gironde en début de soirée. L'ensemble s'évacue ensuite vers le nord-est en constituant un vigoureux MCS.




En savoir plus sur les tornades

+  consulter  la  liste des tornades en France
+  découvrir  la  climatologie des tornades en France