Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Cormeilles (Eure) le 4 mai 1961

Le 4 mai 1961 en fin d'après-midi, une tornade meurtrière de forte intensité (EF3) traverse plusieurs communes du Lieuvin (Eure), dont Cormeilles et Epaignes qui apparaissent les plus atteintes. Le tourbillon, qui tue deux personnes, provoque des dégâts matériels très importants. Cette tornade prend part à l'une des dégradations orageuses les plus virulentes du XXe siècle en Normandie, avec 3 morts, environ 50 communes sinistrées, et un plan ORSEC déclenché. 
 
La tornade de Cormeilles s'inscrit donc dans un outbreak de tornades meurtrier (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 2 cas pour la journée du 4 mai 1961, dont la tornade EF3 d'Evreux (Eure) survenue une demi-heure plus tard. D'autres phénomènes venteux, dont la nature exacte n'a pas pu être définie, pourraient s'ajouter à ces deux tornades. L'événement a fait l'objet d'une publication dans La Météorologie en 1962 (tome 67, pages 273-290).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Cormeilles (27) du 4 mai 1961* intensité maximale : EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 13 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : indéterminée

* communes traversées : SAINT-PIERRE-DE-CORMEILLES, CORMEILLES, SAINT-SYLVESTRE-DE-CORMEILLES, LA CHAPELLE-BAYVEL, ÉPAIGNES, SELLES
* département : EURE (27)
* altitude moyenne du terrain : 120 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles

* principaux dégâts : arbres (pommiers) déracinés, cassés net et emportés; des dizaines de maisons détruites, l'une d'elles complètement rasée, une autre littéralement coupée en deux (pas plus d'informations) ; pylônes électriques brisés; projections à distance

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
  

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 
Plusieurs communes sont frappées dans la continuité de l'axe suivi par la tornade, notamment à l'est de Pont-Audemer. Mais la nature tornadique des dégâts n'a pu être vérifiée.
  

Un axe de dégâts continus sur une trajectoire de 100 kilomètres

Parmi les très nombreux dommages observés en Normandie durant la journée du 4 mai 1961, un axe de dégâts plus importants se démarque sur un parcours d'environ 100 kilomètres entre la région de Cormeilles (Eure) et la commune de Saint-Saëns (Seine-Maritime). Les agglomérations intermédiaires d'Epaignes, Corneville-sur-Risle, Jumièges, Berville-sur-Seine, Roumare et Eslettes sont successivement touchées. Les horaires communiqués en plusieurs points de cette trajectoire semblent indiquer qu'un même orage, générateur de vents destructeurs et de gros grêlons, serait à l'origine de ces dégâts. L'hypothèse d'une structure de type supercellulaire peut être retenue, même si trop peu d'éléments nous permettent de l'attester.
 
La tornade de Cormeilles se développe donc au sein de cet axe orageux destructeur. D'après les informations recueillies sur cet événément, une trajectoire certaine de 13 kilomètres peut être retenue entre Saint-Pierre-de-Cormeilles et la commune de Selles. Cette distance apparaît comme un minimum et pourrait être supérieure. A Cormeilles, commune située au coeur de l'axe tornadique, le phénomène est décrit comme "une gigantesque toupie se déplaçant par bonds et brisant tout ce qu'elle rencontrait", avec un effet d'aspiration ressenti au voisinage du tourbillon. 
 
Les dégâts sont très importants dans l'axe parcouru par la tornade : maisons écroulées ou détruites (pas plus d'informations), pylônes électriques rompus, arbres brisés net et emportés, projections à distance. Ces dégâts relèvent d'une intensité EF3 sur la base des informations actuelles. 
 
Le bilan humain de la tornade de Cormeilles est lourd : deux personnes ont perdu la vie à Epaignes, dans l'effondrement de leur habitation.
  

Un outbreak meurtrier remarquable

La dégradation orageuse du 4 mai 1961, qui atteint des proportions exceptionnelles en Normandie, provoque de très nombreux dégâts sur l'ensemble de la région : arbres arrachéstoitures souffléeshangars démolis. Au total, une cinquantaine de communes sont sévèrement touchées. Les pertes sont évaluées à l'époque à 40 millions de nouveaux Francs. Ces phénomènes venteux s'accompagnent de rafales estimées proches de 180 à 200 km/h, voire davantage localement : 

- de l'ouest de Pont-l'Evêque (Calvados), au nord de Rouen (Seine-Maritime) via Pont-Audemer (Eure),
- dans le secteur de Juvigny-les-Vallées (Manche), jusqu'à Vire (Calvados), 
- dans l'est de l'Orne (la Ferrière-au-Doyen, l'Aigle),
- dans la région de Sylvains-les-Moulins et d'Evreux (Eure).

L'analyse détaillée des dommages permet de recenser au moins deux tornades d'intensité EF3 dans l'Eure, au sein de cette dégradation :

- l'une, dans la région de Cormeilles, qui provoque la mort de 2 personnes,
- l'autre, dans l'agglomération d'Evreux, qui tue 1 personne supplémentaire.

Il est tout à fait vraisemblable que d'autres tornades aient pu se produire ailleurs en Normandie, compte-tenu des nombreux témoignages et de la situation météorologique globale.
  

Coupure de presse

Le sinistre du 4 mai 1961 en Normandie a fait l'objet d'une importante médiatisation. Le quotidien régional Paris-Normandie consacre plusieurs pages sur l'événement dans son édition des 6 et 7 mai 1961. Voici un extrait concernant la tornade de Cormeilles:

Désastre dans le Lieuvin

Si le Roumois a été relativement épargné, dès que l'on franchit la Risle pour pénétrer dans le Lieuvin, le désastre s'étale. A Tourville-sur-Pont-Audemer, une cidrerie, sept maisons, vingt bâtiments de ferme sont sinistrés. A Selles, dix maisons et trente granges ou remises sont gravement endommagées. Le maire avance le chiffre de 150 millions d'anciens francs de dégâts. A Epaignes, la plupart des maisons ont perdu leur toit. C'est dans cette localité qu'une jeune femme, Mme Thérèse Bérard, mère de 7 enfants, et son fils Rémi, 12 ans, ont été tués. Saint-Pierre et Saint-Sylvestre-de-Cormeilles ont été très éprouvés : des dizaines de maisons détruites, l'une d'elles complètement rasée, une autre littéralement coupée en deux.

M. Morin, sous-préfet de Bernay, a passé une partie de la nuit à Epaignes, transformé en Q.G.

Les gendarmes, puis les soldats de la 2e Compagnie de câbles hertziens se sont aussitôt mis à l’œuvre aidés par des couvreurs venus de toute la région, par les employés des Ponts et chaussées, de l'E.D.F. et des P. et T. Les habitations ont été provisoirement recouvertes de bâches, les routes ont été déblayées, l'électricité rétablie.

NB : Ce cas a pu être documenté grâce à une collaboration entre Keraunos, François Paul (Climat-Energie-Environnement) et Jean Dessens (Anelfa).

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