Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF2 à Tours (Indre-et-Loire) le 1er février 1930

Le 1er février 1930, vers 12h10 locales, une tornade d'intensité modérée (bas de l'échelon EF2) frappe les quartiers Beaumont et Grammont à Tours (Indre-et-Loire). Outre les dégâts matériels, le phénomène blesse légèrement un soldat

La tornade de Tours s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 2 cas pour la journée du 1er février 1930, dont la tornade EF1 d'Evron (Mayenne). 

Enfin, il est à noter que la ville de Tours a déjà été touchée au moins quatre fois par une tornade : le 25 mai 1876 (EF0), le 1er février 1930 (EF2), le 23 février 1981 (EF3) et le 2 janvier 1999 (EF2).

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Tours (37) du 1er février 1930intensité maximale : EF2, soit des vents estimés de 175 km/h à 220 km/h
* distance parcourue : 2,4 kilomètres
* largeur moyenne : 50 mètres

* communes traversées : LA RICHE (voie de chemin de fer, usine électrique) ; TOURS (anciens abattoirs, boulevard Tonnellé, cité-jardin Belle, ancienne caserne Beaumont, rue Auguste-Chevallier, rue de Boisdenier, rue Auguste-Comte, rue Jules-Michelet)
* département : INDRE-ET-LOIRE (37)
* altitude moyenne du terrain : 48 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés

* principaux dégâts : bâtiments des abattoirs faiblement atteints ; toiture de l’infirmerie de la caserne Beaumont en partie arrachée ; cheminées abattues ; toitures endommagées sur des immeubles ; plafonds effondrés et cloisons déplacées ; tuiles emportées sur les toits ; une voiture soulevée, retournée et transportée à une quinzaine de mètres ; faibles projections à distance

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen. 
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : IGN 1950)

© Keraunos (fond de carte : Géoportail 2021)
 

Un soldat atteint à la tête et à l'épaule à la caserne Beaumont

La tornade de Tours du 1er février 1930 a pu être identifiée à l'appui d'une enquête de terrain menée par une équipe de journalistes de la Dépêche le 2 février, et complétée par les indications du secrétaire du commissaire de police du 3e arrondissement de la ville. 

M. Gassies, chef de la Station météorologique « Maurice-de-Tastes » de Tours-Saint-Symphorien (4 kilomètres au nord-est de la tornade), fait également part de ses observations dans l'Annuaire de la Société Météorologique de France pour l'année 1930. Une averse de pluie, mêlée de grêle, accompagne un changement brutal de la direction du vent (sud > ouest), tandis que le barographe enregistre un sursaut de pression (à la baisse puis à la hausse) : 

Le phénomène, qui débute au niveau de la voie de chemin de fer (commune de la Riche), semble se dissiper dans le quartier Grammont, près de la gare. Il est vraisemblable que la tornade ait débuté sa course dans des terrains inhabités situés avant l'agglomération tourangelle, mais les investigations complémentaires ne permettent pas de prolonger la trajectoire en amont. La distance parcourue par cet événement est donc limitée à 2,4 kilomètres, selon une sens de déplacement de l'Ouest/Sud-Ouest vers Est/Nord-Est (250°).

Sur une bande de terrain large de 50 mètres, le phénomène traverse successivement la voie de chemin de fer, l'usine électrique (disparue), les nouveaux abattoirs (disparus), le boulevard Tonnellé, la cité-jardin Belle, la caserne Beaumont (disparue), puis les rues Auguste-Chevallier, de Boisdenier, Auguste-Comte et Jules-Michelet, dans le quartier Grammont. Un des employés de l'abattoir l'assure : la tornade s'accompagne d'un "bruit sourd et caractéristique d'un 180 "Maous"".

Les premiers dommages sont identifiés à proximité de la voie de chemin de fer, dans la commune limitrophe de la Riche où une ligne à haute tension est endommagée. Les circuits vitaux de l'usine électrique contiguë sont toutefois épargnés. Dans les nouveaux abattoirs, la tornade endommage plusieurs bâtiments, dont la toiture de la triperie. Les plafonds de deux bureaux sont également soulevés. Fait caractéristique d'aspiration, l'intérieur du pavillon directorial est nettoyé de son contenu, et deux lanterneaux dans la couverture du bâtiment sont défoncés.

Entre la cité-jardin Belle et la caserne Beaumont, des cloisons sont déplacées, des cheminées écroulées, des tuiles emportées et divers éléments de toits transportés à une centaine de mètres.

Dans la caserne Beaumont, la tornade endommage d'abord le bâtiment de l'infirmerie, où la couverture est en partie arrachée. Au premier étage, un des cinq blessés présents au moment de la tornade reçoit une tuile sur la tête et sur l'épaule. La plaie est fort heureusement superficielle et l'état du soldat n'inspire pas d'inquiétudes. La tornade traverse ensuite le manège où elle couche une haie de clôture, puis le centre mobilisateur du 9e Train où un morceau de toit est arraché, enfin le bâtiment des cuisines où quelques tuiles sont délogées.

De la rue Auguste-Chevallier à la rue Jules-Michelet, la tornade endommage encore de nombreuses toitures et brise des vitres. La voiture d'un boulanger est même soulevée, retournée et projetée environ 15 mètres plus loin. La tornade fait également exploser une vitrine de magasin. Au-delà de la rue Jules-Michelet, plus aucun dommage n'est mentionné.

Compte tenu des dommages observés et des faibles projections à distance, la tornade de Tours du 1er février 1930 peut être classée en intensité EF2 (bas de l'échelon) sur l'échelle améliorée de Fujita.

Illustration des dommages sur le bâtiment de l'infirmerie de la caserne Beaumont : (erreur de l'article qui mentionne le dimanche alors qu'il s'agit bien du samedi 1er février): 

© Excelsior (février 1930)

Quatre tornades en un peu plus d'un siècle

Sur la base du recensement actuel, le secteur de la ville de Tours, aux abords de la Loire, apparaît comme l'un des plus tornadiques de France, puisque 4 tornades y ont déjà été observées dans un périmètre extrêmement restreint. La plus forte d'entre elles, d'intensité EF3, est survenue le 23 février 1981 et avait projeté une voiture à distance.

La carte ci-après synthétise les quatre événements tourangeaux recensés entre 1876 et 1999 :

© Keraunos (fond de carte : Google Images)
 

Analyse de la situation météorologique

La situation météorologique du 1er février 1930 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses ERA-20C du Centre Européen de Prévision (résolution 125 km)  et du programme "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD (résolution 100 km). Les données fournies par ces programmes permettent de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.
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En complément, afin d'analyser plus en détail le contexte de méso-échelle, le modèle WRF-ARW 3 km a été déployé en version « reforecast » et initialisé sur NCEP-20CR avec les conditions du 31.01.1930 18Z.
Il ressort de ces analyses que la journée du 1er février 1930 est marquée sur la France par des conditions fortement dépressionnaires et par la pénétration, depuis l'Atlantique, d'un thalweg d'altitude qui vient s'étirer en journée le long d'un axe Bretagne - Roussillon. De fortes advections d'air froid s'organisent dès lors à l'étage moyen sur l'ouest du pays, situé en régime de traîne active. La traîne est plus particulièrement vigoureuse du nord de l'Aquitaine au Centre et à la Normandie, à la faveur de basses couches qui restent affectées par un air bien doux et humide (voir ci-dessous à droite l'analyse de la thêta'w à 850 hPa).



De fait, l'instabilité s'accentue nettement dès la fin de matinée sur tout l'ouest du pays. Le reforecast ARW3 réalisé dans le cadre de cette étude met ainsi en évidence des valeurs de MUCAPE qui excèdent 500 J/kg des Charentes à l'Indre-et-Loire et à la Bretagne à la mi-journée, soit un niveau d'instabilité marqué pour une situation hivernale. Le modèle produit d'ailleurs une traîne bien active sur ces régions (ci-dessous à droite), ce qui est corroboré par les observations de l'époque, qui témoignent de fortes averses mêlées de grêle et de rafales de vent.



Le reforecast suggère par ailleurs la présence d'une hélicité relative marquée dans les basses couches (0-1 km), notamment en début d'après-midi le long d'un axe qui va de la Gironde au Centre et à la Haute-Normandie (ci-dessous à gauche). Associée à la forte instabilité présente en même temps sur ces régions, le potentiel de phénomènes tourbillonnaires était non négligeable de la Gironde à la région de Tours notamment en milieu de journée (voir ci-dessous à droite).



On trouve ainsi ici les ingrédients propices à la formation de tornades dans un contexte de traîne active hivernale.

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