Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Sainte-Menehould (Marne) le 10 septembre 1896

Le 10 septembre 1896, vers 18 heures, une tornade de forte intensité (EF3) dévaste plusieurs parcelles situées à l'est de Sainte-Menehould, dans la Marne. Le phénomène épargne les constructions du hameau de la Grange-aux-Bois, mais provoque d'importants dégâts dans les cultures fruitières.
 
La tornade de Sainte-Menehould s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 2 cas pour la journée du 10 septembre 1896, dont la tornade EF2 de Paris (Ville-de-Paris).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Sainte-Menehould (51) du 10 septembre 1896intensité maximale : EF3, soit des vents estimés de 220 km/h à 270 km/h
* distance parcourue : 2 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 150 mètres

* commune traversée : SAINTE-MENEHOULD (les Vertes Voyes, le Champ Montant, les Brunswick)
* département : MARNE (51)
* altitude moyenne du terrain : 200 mètres
* type de terrain : territoires agricoles, forêts et milieux semi-naturels

* principaux dégâts : plusieurs milliers d'arbres déracinés, brisés net (cerisiers et autres arbres fruitiers, très gros peupliers, très gros noyers) ; gros noyer déplacé tout entier, avec ses racines, à 30 mètres ; d'autres arbres enlevés de terre et projetés à plus de 50 mètres

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Parcours de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : carte de l'état-major de 1820-1866)
 

Végétation dévastée

Les informations dont nous disposons sur la tornade de Sainte-Menehould du 10 septembre 1896 permettent de reconstituer un parcours de 2 kilomètres, selon une trajectoire du Sud-Ouest vers le Nord-Est et une largeur de 150 mètres. Nous n'avons pas connaissance, à ce jour, d'autres dommages de part et d'autre de la trajectoire connue, même s'ils peuvent être suspectés.
 
Les dégâts provoqués sur la végétation sont impressionnants : plusieurs milliers d'arbres déracinés, brisés net (cerisiers et autres arbres fruitiers, très gros peupliers, très gros noyers), gros noyer déplacé tout entier, avec ses racines, à 30 mètres, d'autres arbres enlevés de terre et projetés à plus de 50 mètres.

Le journal de la Marne, dans son édition du 13 septembre 1896, consacre un article détaillé sur l'événement : 
 
Sainte-Menehould - L'ouragan du 10 septembre - Jeudi, vers 6 heures du soir, un ouragan épouvantable a éclaté sur la ville de Sainte-Menehould et la région. Les éclairs, de tous côtés, déchiraient la nue pendant que les éclats de la foudre faisaient trembler les maisons sur leurs bases et qu'une pluie diluvienne changeait bientôt en torrents les ruisseaux de la ville.

Près du village de la Grange-aux-Bois, l'orage fut terrible et causa des dommages incalculables; à l'heure présente, plusieurs milliers d'arbres fruitiers jonchent le sol.

Un véritable cyclone s'est déchaîné sur cette malheureuse contrée, encore hier si verdoyante, culbutant tout sur son passage, tordant, brisant, arrachant les plus gros arbres, les traînant et même les enlevant de terre pour les porter à plus de 50 mètres de l'endroit où ils se trouvaient. Le fléau commença ses ravages dans les ceriseries de Beauregard, en face et au-dessus de la propriété de M. Géraudel, passa sur la contrée appelée Les Champs-Montants, traversa la route nationale n°3 à peu près au niveau de la seconde maisonnette de cantonnier, culbutant les énormes peupliers qui bordent la chaussée, les cassant nets comme un enfant casserait une allumette et les jetant sur les fils télégraphiques ou téléphoniques qui furent brisés à maints endroits.

C'est alors que le cyclone accentua son mouvement giratoire et accéléra encore sa vitesse qu'on peut évaluer à plus de 30 mètres par seconde. Les arbres sur une largeur de 150 mètres étaient tordus et repliés sur eux-mêmes. Le chemin de la Grange-aux-Bois à Florent était pendant plus de 100 mètres jonché de débris et même d'arbres entiers qui ont interrompu les communications pendant toute la journée d'hier vendredi. Derrière la ferme appelée la Grangette, sur le passage du cyclone, le spectacle est plus affreux encore: pas un arbre n'est resté debout jusqu'aux limites de la forêt.

Nous nous sommes rendus ce matin près de cette petite ferme, où déjà se trouvaient réunis un grand nombre de braves gens de La Grange-aux-Bois, qui pleuraient et se lamentaient sur les pertes énormes qu'ils subissaient. Près des bâtiments nous avons vu deux énormes noyers arrachés de terre et dont l'un, en tombant, avait enfoncé ou plutôt écrasé le mur de la cour. A deux-cents mètres de là, vers la forêt, on nous a montré un autre de ces arbres géants avec toutes ses racines, auxquelles tenaient encore plusieurs mètres cubes de terre, transporté à plus de trente mètres de l'endroit où il avait été déraciné, sans que, sur cette distance, nous ayons pu retrouver trace de son passage. Le colosse, dont le cadavre couvrait la largeur de plusieurs champs, avait été arraché, soulevé et emporté par l'ouragan.
 
Compte tenu des dommages observés et des projections à distance importantes, la tornade de Sainte-Menehould est classée en intensité EF3 sur l'échelle de Fujita améliorée.
 

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