Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Ceaux-en-Loudun (Vienne) le 18 juin 1863

Le 18 juin 1863, vers 18 heures, une tornade de forte intensité (EF3) frappe le nord de la Vienne, et plus particulièrement le canton de Loudun. Les territoires de la Roche-Gigault et de Ceaux-en-Loudun sont les plus sinistrés. Le phénomène a fait l'objet d'une illustration par Desandré, et publiée en 1865.
 
La tornade de Ceaux-en-Loudun s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 3 cas simultanés pour la journée du 18 juin 1863, dont la tornade EF3 de Saint-Epain (Indre-et-Loire) et la tornade EF2 d'Epeigné-les-Bois (Indre-et-Loire).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Ceaux-en-Loudun (86) du 18 juin 1863intensité maximale : EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 14,3 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 200 mètres

* communes traversées : ANGLIERS (route de Loudun à Poitiers), LA ROCHE-RIGAULT (le Bouchet, Grigny, village, la Perrière, la Rivière), MAULAY, CEAUX-EN-LOUDUN (église, cimetière)
* département : VIENNE (86)
* altitude moyenne du terrain : 85 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles, forêts et milieux semi-naturels

* principaux dégâts : arbres de toutes tailles déracinés ou brisés ; très gros noyers emportés à plus de 100 mètres ; tranchée observée dans les bois sur une distance d'environ 5 kilomètres ; maisons effondrées et pans de murs entiers écroulés ; église de Ceaux-en-Loudun très fortement endommagée (destruction de la toiture, de la charpente et de la voûte, il n'en demeure que des pans de murs et la masse du clocher) ; presbytère de Ceaux-en-Loudun en partie démoli ; toiture d'un moulin démolie et emportée ; épis de blé enlevés dans les champs, écrasés comme par un rouleau ; meules de foin éparpillées ; cimetière de Ceaux-en-Loudun ravagé : murs de clôture et pierres tombales rasés  ; une personne happée par le tourbillon à plusieurs mètres de hauteur, et déposée sur la toiture d'une grange
 
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Carte de l'Etat-Major de 1820-1866)
 

L'église de Ceaux-en-Loudun en partie détruite

La tornade de Ceaux-en-Loudun, abondamment publiée dans des revues scientifiques, est retracée avec précision à l'appui des éléments recueillis dans la presse locale, dont le journal de Loudun. Ces informations permettent de définir une trajectoire minimale de 14,3 kilomètres pour cette tornade.
 
Selon toute vraisemblance, le phénomène se constitue au Sud-Est d'Angliers, aux abords de la route de Loudun à Poitiers : "Par suite du choc de deux vents opposés, un tourbillon s'est formé dans cette localité, à une distance d'environ un kilomètre du village, dans les abords de la grande route de Loudun à Poitiers. Ce tourbillon, qui ne paraissait d'abord formé que de poussière, s'est mis en marche en aspirant toutes les flaques d'eau qui se trouvaient sur son passage, ainsi que l'eau des ruisseaux qu'il traversait ; peu à peu il a gagné en élévation jusqu'à se mettre en contact avec un gros nuage noir qui se trouvait au-dessus à une hauteur environ de 200 mètres."
 
Accompagnée d'un bruit caractéristique, comparable à celui que "feraient plusieurs charriots pesamment chargés, roulant à toute vitesse sur un chemin caillouteux", la tornade traverse successivement les territoires du Bouchet, de Grigny, de la Perrière et de la Rivière (commune de la Roche-Rigault), avant de s'incurver légèrement vers le Nord/Nord-Est et de dévaster l'Est du territoire de Ceaux-en-Loudun. La sructure de la tornade, si l'on se réfère à l'illustration de Desandré ci-dessous, présente les caractéristiques les plus habituelles :
 
© Illustration de Desandré
 
Sur une bande de terrain large de 200 mètres, la tornade dévaste la végétation et les habitations : des arbres de toutes tailles sont déracinés ou sectionnés à différentes hauteurs. Dans une parcelle, de très gros noyers sont arrachés par la tornade, emportés à plus de 100 mètres de distance et dépouillés de leurs branches. Entre la Roche-Rigault et Ceaux-en-Loudun, les parcelles forestières sont détruites : une tranchée est observée sur un profondeur d'environ 5 kilomètres. Dans la campagne, les récoltes sont endommagées et les meules de foins éparpillées.
 
Les habitations et plusieurs constructions solides sont également éprouvées. A la Roche-Rigault, la toiture du moulin de Grigny est arrachée et molie. Dans le village, des toitures sont arrachées et des pans de murs entiers démolis. A Ceaux-en-Loudun, la dévastation est complète : outre les habitations écroulées, l'église est très sérieusement endommagée (destruction de la toiture, de la charpente et de la voûte, il n'en demeure que des pans de murs et la masse du clocher). Le presbytère attenant est en partie moli. Dans le cimetière voisin, les murs de clôture et les pierres tombales sont rasés.
 
Parmi les faits les plus spectaculaires, nous pouvons citer un jeune homme happé par le tourbillon à plusieurs mètres de hauteur, et déposé sur la toiture d'une grange située dans un jardin voisin. Bien qu'en vie, l'infortuné a le corps et le visage meurtris par des branches qui l'ont accompagné dans son voyage aérien. Quelques autres personnes sont également blessées. 
 
En l'absence d'informations plus détaillées sur la structure de l'église de Ceaux-en-Loudun, et compte tenu des projections à distance observées, cette tornade est classée a minima en intensité EF3 sur l'échelle de Fujita.
 
Enfin, signalons que des dégâts venteux sont déjà signalés entre Moncontour et Maraizé, en amont d'Angliers. Toutefois, en l'absence d'informations sur la nature et l'organisation des dommages, nous ne pouvons pas affirmer qu'il s'agisse de la continuité de la trajectoire de la tornade de Ceaux-en-Loudun. Pour ces raisons, la distance minimale reconnue à ce jour se limite à 14,3 kilomètres.
 

Résumé de la journée du 18 juin 1863 entre le nord de la Vienne et l'Indre-et-Loire

La journée du 18 juin 1863 est marquée par une dégradation orageuse importante, durant laquelle des dégâts liés au vent à la grêle sont observés en plusieurs points de la France. En Indre-et-Loire, plusieurs localités sont dévastées par la grêle et les récoltes détruites, notamment à Esvres-sur-Indre, Truyes, Cormery, Azay-sur-Cher, Athée-sur-Cher (la Tour de Brandon, Baigneux, Nitray). La presse locale fait également part de deux tornades simultanées, survenues à 18 heures : la première, observée à Saint-Epain (EF3) au Sud/Sud-Ouest de Tours, et la seconde à Epeigné-les-Bois (EF2) dans l'Est du département. Ces deux phénomènes viennent s'ajouter à une troisième tornade survenue à 18 heures également dans le Nord de la Vienne, à Ceaux-en-Loudun (EF3). Nous pouvons donc considérer que ces trois cas sont tous distincts, dans la mesure où ils surviennent à la même heure.

La carte ci-dessous résume les principaux phénomènes météorologiques survenus durant cette journée, entre le nord de la Vienne et l'Indre-et-Loire : 
 
© Keraunos (fond de carte : Google Maps)
 

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